L’innovation digitale frappe à la porte des seniors

Dernière mise à jour 04/12/18 | Article
innovation_digitale_seniors
L’avènement du digital a entraîné de rapides et profonds changements dans notre société. Au départ expérimentaux, les objets connectés font de plus en plus partie de notre quotidien. Un nouveau marché auprès des seniors commence même à se développer. Et avec lui, la promesse de simplifier les réseaux de soins et faciliter la vie des personnes prises en charge à domicile.

Dans nos smartphones mais bientôt aussi dans nos frigos, nos fauteuils et même nos chaussures… le digital est partout! La révolution numérique s’introduit dans notre vie quotidienne au travers d’objets connectés plus innovants les uns que les autres.

Dans le monde des soins aussi, de grands bouleversements sont en marche. La technologie va contribuer à remodeler notre système de santé. «Il y a aujourd’hui un vrai fossé entre l’hôpital et le domicile du patient, constate le Pr Antoine Geissbuhler, médecin-chef du Service de cybersanté et télémédecine aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). Mais grâce aux progrès technologiques, de plus en plus de soins pourront être mis en place à domicile».

Il faut dire qu’éviter une hospitalisation peut avoir un certain nombre d’effets bénéfiques. Financiers, notamment. Les coûts de seulement quelques jours d’hôpital correspondent à environ un mois de prise en charge à la maison. De plus, une personne fragile a tout intérêt à être soignée à son domicile où elle sera moins exposée aux infections nosocomiales. De manière générale, le souhait de pouvoir être suivi chez soi est partagé par une grande partie de la population, en particulier les seniors. Ceux-ci tiennent souvent à rester dans un lieu qui leur est familier. Pour répondre à ce besoin, le digital se profile donc comme une solution de premier plan. «Que ce soit la visiophonie, la domotique ou encore les capteurs intelligents, de nombreux outils permettent un suivi rapproché des patients, sans qu’ils aient besoin de se déplacer», ajoute le Pr Geissbuhler.

Une cellule d’innovations

Directement concernés, les professionnels des soins à domicile s’attellent aussi à répondre à cette demande. L’institution genevoise de maintien à domicile (imad) a même fait de l’innovation digitale un de ses pôles de compétence. Une cellule spéciale travaille en permanence à repérer de nouveaux outils capables de faciliter la vie des personnes prises en charge à la maison. «Grâce au numérique, nous espérons encore mieux personnaliser les soins et simplifier l’échange d’informations entre les différents réseaux, explique Ludovic Barrès, responsable du service transformation numérique à imad. De cette manière, le parcours de soins pourra être facilité.»

Améliorer la communication

Médecin de famille, pharmacien, intervenants à domicile, cellule familiale: tout un monde gravite autour de la personne aidée. Pour éviter qu’elle ne doive transmettre elle-même les informations à chacun (ce qui est parfois une source de stress), le digital permet de les rassembler et les communiquer au bon moment à la bonne personne. Une amélioration importante, puisque les interventions à domicile ne cessent de se complexifier. Le vieillissement de la population et l’augmentation des maladies chroniques entraînent une évolution des prises en charge. Beaucoup de patients ont désormais besoin de plusieurs visites, pour différents types d’intervention chaque jour. «Les nouveaux moyens de communication, comme la télémédecine, la visioconférence, les robots sociaux ou encore les assistants vocaux, sont autant d’outils qui permettent à la fois d’améliorer les prises en charge complexes mais aussi de lutter contre le sentiment d’isolement de certaines personnes», indique Ludovic Barrès.

Une mise sur le marché contrôlée

De manière générale, les objets de santé connectés sont soumis à de strictes évaluations avant d’être commercialisés. Beaucoup de fabricants espèrent ainsi obtenir le label «objet de santé», qui garantit ses qualités dans le domaine médical. S’il ne remplit pas toutes les conditions, il se verra alors attribuer le statut d’«objet de bien-être».

La cellule d’innovation de imad s’assure par ailleurs que ces nouveaux outils correspondent aux besoins des patients et apportent une vraie plus-value clinique ou de bien-être avant de les utiliser. «Nous faisons beaucoup de veilles de marché, confirme Ludovic Barrès. Chaque objet qui nous intéresse est soumis à une analyse pointue afin de déterminer s’il correspond à nos standards d’usage, d’éthique, de sécurité, etc. S’il nous paraît particulièrement convaincant, nous pouvons alors développer un projet pour l’utiliser dans nos pratiques quotidiennes.»

La sécurité des données est également une priorité. Beaucoup s’inquiètent à juste titre que leurs données de santé puissent être récupérées par des tiers, comme par exemple les assurances maladie. Avant d’utiliser un objet connecté, il est donc primordial de se renseigner pour savoir qui a accès à quelles informations. A imad, les spécialistes de l’innovation prennent en compte tous ces critères pour déployer ou non l’utilisation d’un nouvel outil. L’objectif central étant toujours de proposer aux personnes des objets qui favorisent l’autonomie à domicile sans mettre en péril les informations personnelles.

Fracture numérique?

Une grande partie des personnes prises en charge par des institutions comme imad sont des seniors. Est-ce vraiment idéal de les encourager à utiliser de tels outils technologiques? La fracture numérique n’est-elle pas trop importante? «Au contraire, assure Sylvie Mihaylov, cheffe de projet innovation à imad. Beaucoup de personnes âgées ont un intérêt pour l’informatique, mais se sentent souvent gênées de ne pas en maîtriser l’utilisation et n’osent pas poser de questions. Pourtant, la plupart ont une vraie volonté de rester à la page. La technologie leur permet notamment de garder du lien avec leurs proches.» Tant que le digital répond à ce besoin, il ne serait donc pas si difficile à faire accepter aux patients plus âgés.

Pour le Pr Christophe Büla, chef du Service de gériatrie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), l’interface est primordiale. Afin qu’un nouvel outil soit bien accepté, il doit avant tout être simple d’utilisation et intuitif. De plus, il est important selon lui que sa fonction se limite à de l’assistance et ne remplace pas le contact humain. Au contraire, il devrait plutôt contribuer à le renforcer. «Si un robot capable de faire des lits permet de libérer du temps au personnel soignant pour s’occuper des patients, alors c’est selon moi une très belle plus-value.»

A imad, on souligne également que pour qu’un objet trouve son public, il doit être le moins stigmatisant possible (c’est-à-dire qu’il ne donne pas d’indication sur l’âge, la maladie ou le handicap de la personne). Un produit qui sert juste à rassurer les proches aura de fortes chances d’être rejeté. «La chaussure connectée capable d’alerter en cas de chute (lire ci-dessous, ndlr) est un bon exemple d’objet à l’intérieur duquel l’innovation passe complètement inaperçue, illustre Sylvie Mihaylov. Il n’y a besoin d’aucun mode d’emploi pour l’utiliser, c’est ce qui fait son intérêt.»

La recette imparable pour que de tels objets connaissent le succès auprès des seniors: répondre à un besoin concret et être simple d’utilisation. Nul doute qu’en respectant ces deux conditions, le digital n’a pas fini de s’introduire dans nos maisons.

            

Des objets connectés qui simplifient le quotidien

En cours de développement ou déjà sur le marché, ces objets «facilitateurs de vie» ont pour objectif de contribuer au maintien à domicile. Grâce à la technologie digitale, leur rôle est d’apporter confort, sécurité et contacts sociaux.

Chaussures connectées

Pour qu’un objet soit facilement adopté au quotidien, il faut avant tout qu’il s’intègre bien dans l’environnement sans être stigmatisant. C’est l’objectif de la chaussure e-vone® qui détecte les chutes et est capable de localiser son porteur à l’intérieur comme à l’extérieur. Lorsque la personne tombe, elle envoie un signal à un proche de confiance. Elle vibre ensuite pour informer que l’alerte a bien été donnée. Ce processus automatique évite que la personne n’hésite à contacter des secours pour «ne pas déranger». Et comme la chaussure existe en plusieurs modèles, il est possible de choisir un look qui plaise à chaque individu. Encore plus discrète qu’une montre de secours classique, la chaussure connectée est un objet du quotidien qui passe complètement inaperçu.

         

Bandeau lumineux

Les chutes à domicile sont un véritable problème de santé publique. Avec l’âge, tomber entraîne souvent de nombreuses conséquences sur l’état de santé général. La nuit est un moment particulièrement critique pour l’équilibre: entre le sommeil et le manque de lumière, on est plus facilement désorienté. Le chemin lumineux Etolya® est placé en bas du lit et dans la salle de bains. Contrairement à une veilleuse classique, il ne s’allume que lorsque la personne se lève, avant que ses pieds ne touchent le sol, et n’altère donc pas la qualité du sommeil. Mais surtout, il permet d’éclairer un chemin et de sécuriser le déplacement. Grâce à une fonction supplémentaire, il peut signaler aux proches quand la personne se lève ou les avertir si elle n’a pas regagné son lit.

          

Robot social

Une chose est sûre, les robots ne remplaceront jamais la chaleur apportée par les contacts humains. Mais pour les personnes isolées ou dépendantes, ils peuvent offrir une variété d’activités et de services susceptibles d’améliorer le quotidien. Le robot Cutii® est par exemple équipé d’un système de reconnaissance vocal, qui permet de l’utiliser intuitivement, uniquement à l’aide de la voix. Il se déplace à volonté et peut appeler les proches grâce à la visioconférence. A l’avenir, ce type de robot pourrait également être utile pour des consultations de télémédecine et donc faciliter la prise en charge à domicile. Grâce à la vidéo, il offre notamment la possibilité de participer à des activités à distance. Au-delà de l’objectif social, ce robot a aussi une fonction d’alerte: il est par exemple capable de détecter si quelqu’un tombe, auquel cas il avertit les proches et permet de maintenir la communication avec la personne à terre.

         

Oreiller connecté

Les nuisances sonores font partie des plus fréquents problèmes de voisinage. Il est vrai qu’avec une audition en baisse, on a parfois tendance à monter le son de la télévision un peu trop fort. L’oreiller connecté Hifinnov® se pose directement sur un fauteuil. Un système de transmission du son très innovant, qui utilise la conduction osseuse, permet de regarder la télévision ou d’écouter de la musique avec un volume adapté. Une fois la tête posée sur l’oreiller, il est possible de régler le volume comme on le souhaite, sans l’imposer à son entourage. Il est aussi compatible avec les appareils auditifs. Point important, ce type de dispositif est très discret car il s’intègre dans le mobilier existant.

        

Robot assistant pour les tâches ménagères

Lorsqu’on souffre de problèmes de mobilité ou d’importantes douleurs, se baisser devient parfois un geste pénible à effectuer. Dans certains cas, cela entraîne même un risque accru de chute. Des gestes quotidiens comme le ménage sont alors compliqués à effectuer soi-même. Si l’assistance d’autrui n’est pas envisageable, le robot laveur Braava® peut rendre ce service en jouant le rôle de serpillière. Il est relié à une application web qui permet par exemple de l’enclencher à distance ou de planifier le nettoyage un jour précis de la semaine. Grâce à un smartphone, il est également possible de surveiller l’activité du robot et voir quelle surface a été couverte.

          

Verre connecté

Chez une personne âgée, le sentiment de soif a tendance à s’atténuer. Par conséquent, il est plus difficile de compenser les pertes hydriques, en particulier pendant une période de forte chaleur. Certains traitements médicamenteux peuvent aussi augmenter la quantité d’urine et entraîner une déshydratation. Passé un certain âge, il faut donc apprendre à boire sans avoir soif. Pour faciliter la tâche, des verres connectés comme Auxivia® sont dotés d’une partie lumineuse qui s’active lorsqu’il faut boire. A l’intérieur du verre, un senseur similaire à celui des smartphones détecte le mouvement et permet ainsi de connaître la quantité bue par la personne. Si ce n’est pas assez, le verre clignote doucement en bleu pour rappeler qu’il est temps de boire. Et ne vous avisez pas de jeter le contenu dans les plantes, le verre le saura!

________

Paru dans Planète Santé magazine N° 32 - Décembre 2018

Recommandations : 
Sprumont : Cybersanté et Télémédecine
Salathé : Innovation driver at HUG, longstanding experience with mHealth / eHealth