Être en pleine forme à 100 ans passé n’est plus une utopie

Dernière mise à jour 30/01/17 | Article
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Depuis 1950, le nombre de centenaires a été multiplié par 66. Et tout indique que leur forme physique s’améliore. L’exploit de Robert Marchand est donc moins exceptionnel qu’il n’y paraît. Explications.

De quoi parle t-on...

LES FAITS. Âgé de 105 ans, le Français Robert Marchand a parcouru, le 4 janvier dernier, 22,547 km en une heure au vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines. Le record du monde de la distance est détenu par le Britannique Bradley Wiggins avec 54,526 km. Wiggins est né en 1980, Marchand en 1911. Sapeur-pompier, planteur de canne à sucre, marchand de vin, maraîcher: Robert Marchand a travaillé jusqu’à un âge avancé et vit désormais dans un modeste appartement de banlieue parisienne, après une vie marquée par les deux conflits mondiaux, la guerre froide et des années à bourlinguer au Venezuela et au Canada.

LA SUITE. Aujourd’hui encore perçue comme exceptionnelle, la performance de Robert Marchand devrait néanmoins être battue car les limites physiologiques des seniors sont encore loin d’être atteintes.

La presse hexagonale en a fait ses choux gras. À 105 ans, Robert Marchand a parcouru 22,547 km en une heure. Filmé face caméra avec son maillot jaune et violet, il n’a pas hésité à marteler qu’il n’était pas fatigué et que maintenant, il attendait son adversaire. Et d’après les spécialistes, il y aura de nombreux appelés. «Les performances des sportifs d’élite s’approchent d’une asymptote, explique le Pr Bengt Kayser, directeur de l’Institut des sciences du sport de l’Université de Lausanne (ISSUL). Les humains ne courront jamais le 100 mètres en zéro seconde.» Il est peu probable que les records qui se mesurent en secondes continuent de s’améliorer dans les vingt à cinquante prochaines années. Mais ce plafonnement des performances ne touche pas encore les seniors, qui ont devant eux une importante marge de progression. «Les effets d’un entraînement sur les muscles sont quasi identiques à 30 ou à 70 ans, poursuit le directeur de l’ISSUL. En entraînant un muscle spécifique, on peut obtenir des résultats spectaculaires, et cela même à un âge avancé. Par contre, il y a certaines fonctions qui ne peuvent être conservées même en les stimulant régulièrement. C’est notamment le cas des poumons, qui ont une capacité en excès au départ de la vie mais dont l’élasticité vieillit sans que nous puissions y remédier. Il en va de même pour les capacités cardiaques qui s’amenuisent avec le temps.»

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Au regard de ces explications physiologiques, et même si les seniors n’atteindront pas les résultats des plus jeunes, la performance de Robert Marchand est donc moins exceptionnelle qu’il n’y paraît: en s’entraînant, d’autres que lui pourraient égaler son record, voire faire mieux. «Les prétendants ne devraient pas manquer, commente Bengt Kayser, car une frange toujours plus importante de la population pratique de l’exercice à un âge avancé et fait attention à son style de vie. Nous n’observions pas ce phénomène de société il y a cinquante ans. Cela aboutira à une augmentation générale des performances physiques des seniors.»

Le sucre ferait vieillir plus rapidement

Dans une étude parue dans Cell Reports, des chercheurs de l’University College London viennent de montrer qu’un régime riche en sucre accélère le vieillissement chez la mouche et laisse des traces dans l’ADN qui subsistent même si le régime alimentaire change. Pour cela, ils ont soumis deux groupes de mouches à une alimentation diamétralement opposée. Alors que le premier groupe avait un régime très riche en sucres rapides, le second avait, lui, une alimentation équilibrée. Résultat: l’espérance de vie du premier groupe était en moyenne 7% moins longue que celle du deuxième groupe. Et chose plus surprenante encore: en changeant l’alimentation du premier groupe, les chercheurs ont constaté que les modifications subies par l’ADN dues au régime sucré subsistaient. L’inactivation parle sucre du gène «foxo», impliqué dans la longévité de nombreux organismes, serait à l’origine du phénomène. Même s’il s’agit là encore d’organismes bien plus simples que l’être humain, cette étude tend à renforcer l’idée que des facteurs épigénétiques influencent le vieillissement.

Le principal facteur permettant de vieillir en bonne santé physique est le mode de vie à l’âge adulte. «La génétique n’explique que 30% environ des différences observées entre l’âge chronologique et l’âge biologique des individus, détaille Karl-Heinz Krause, professeur de pathologie et d’immunologie à l’Université de Genève et spécialiste du vieillissement. Ce qui compte vraisemblablement le plus, c’est le sport et la nutrition, autrement dit le style de vie à l’âge adulte. L’exemple biologique le plus frappant qui laisse supposer que des facteurs épigénétiques, autrement dit des éléments externes qui modulent l’expression de certains gènes, sont à l’œuvre dans la longévité se trouve chez les abeilles. L’ouvrière ne vit que quelques mois alors que la reine peut vivre jusqu’à six ans. Leur patrimoine génétique étant identique, ce sont donc bien des éléments externes encore mal connus mais liés à leur mode de vie qui influencent leur espérance de vie.» Chez les humains, l’ampleur du phénomène n’est certes pas identique. Mais il existe des similitudes. Le mode de vie joue aussi un rôle majeur puisqu’un individu qui mange sainement et pratique du sport vit plus longtemps et vieillit mieux que celui qui fume et ne bouge pas.

Pour bien vieillir, il ne suffit cependant pas de faire de l’exercice et de manger sainement. «Le vieillissement est un phénomène extrêmement complexe, poursuit Karl-Heinz Krause. À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, quand les premières théories sur le vieillissement sont apparues, on croyait qu’il existait un mécanisme principal susceptible d’expliquer la sénescence. En réalité, si on a bien repéré quelques mécanismes comme les radicaux libres (voir infographie) qui influencent le phénomène, il faut bien reconnaître que le processus est multifactoriel, divers et très compliqué. Aujourd’hui, nous ne connaissons d’ailleurs que 5% des facteurs impliqués dans le vieillissement.»

Garder sa tête

Comprendre les mécanismes qui régissent le vieillissement corporel et les facteurs qui nous en protègent est un premier défi. Mais il n’est pas le seul. Car bien vieillir demande aussi que la «tête» suive. «Pour réaliser une performance comme celle de Robert Marchand, il faut avoir un cerveau en parfait état de marche, explique le professeur Giovanni Frisoni, responsable de la clinique de la mémoire aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et spécialiste du déclin cognitif. Il existe en effet un lien très fort entre capacités physiques et mentales: un des signes les plus courants de la maladie d’Alzheimer est l’apathie. Autrement dit le fait de ne plus avoir envie de bouger.»

Bien plus que la possibilité physique de réussir un «exploit» sportif à plus de 100 ans, le principal problème du vieillissement réside dans les maladies cérébrales liées à l’âge. «En fait, conclut le professeur Frisoni, la performance de ce cycliste français montre que le déclin cognitif n’est pas une fatalité. Le problème se trouve ailleurs: avec l’âge, on devient à hauts risques de développer des maladies dégénératives comme la maladie d’Alzheimer. Et contre cela, il n’existe pour l’heure que des médicaments palliatifs, même si certaines molécules ont montré des résultats encourageants pour retarder ou même arrêter la perte synaptique et la mort neuronale progressive.»

Cibler la sénescence cellulaire pour augmenter la longévité

Il existe dans l’organisme certaines cellules, dites «sénescentes», qui ont cessé de se diviser et qui réussissent à résister à l’apoptose (mort cellulaire). Ces cellules qui ne meurent pas produisent différents facteurs qui endommagent d’autres cellules de l’organisme. Or, «une récente étude publiée dans Nature, et menée chez la souris, a montré qu’en éliminant de façon sélective ces cellules sénescentes, on améliore le fonctionnement des autres cellules, explique le Pr Karl-Heinz Krause du laboratoire du vieillissement de l’Université de Genève. Ce qui permet de limiter les pathologies liées à l’âge.» Même si chez l’homme le vieillissement est plus complexe, cibler ce type de cellules représente une piste d’avenir pour améliorer la lutte contre la sénescence.

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Références:

  • Paru dans Le Matin Dimanche, numéro du 22 janvier 2017
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