Dépister la maladie d’Alzheimer des années avant qu’elle apparaisse. Et après?

Dernière mise à jour 09/07/12 | Article
Cerveau sur circuit imprié
C’est pratiquement certain: on saura bientôt diagnostiquer cette affection incurable longtemps en amont des premiers symptômes. Il restera alors à organiser une prévention efficace.

Une certitude et un espoir (en pointillé). En 2012, tout converge pour nous laisser penser que l’allongement constant de l’espérance de vie sera associé à une augmentation massive du nombre des personnes souffrant de la maladie d’Alzheimer. Dans le même temps, progressivement, des informations émergent qui laissent espérer que l’on pourra bientôt faire le diagnostic de cette affection longtemps avant l’apparition de ses premiers symptômes. Il s’agirait là d’un progrès majeur; à la condition essentielle que des stratégies de prévention puissent être développées avec succès pour faire reculer l’installation des mécanismes cérébraux qui conduisent à une altération irréversible de la conscience de soi. Sinon nous serions bien vite devant un véritable abîme éthique

Cet espoir en pointillé tient aux travaux en cours dans le domaine de l’imagerie neurologique, celui des marqueurs biologiques ou de l’approche génétique de la cette maladie dégénérative. Un bilan actualisé dans ce domaine vient d’être fait par le Dr A. Reisa Sperling, directeur du Centre pour la recherche et le traitement d'Alzheimer (Harvard Medical School) au terme d’une récente réunion d’experts réunis sous l’égide de l’Association américaine pour l’avancée des sciences (AAAS). Intitulée The Aging Brain, cette réunion était également organisée par la Dana Foundation dans le cadre d’un cycle «Neuroscience and Society».

Le Dr Sperling ne nourrit aucun doute : de récentes données laissent suggérer que les dérèglements physiologiques qui sont à l’origine de la maladie d'Alzheimer serait déjà en marche dix voire vingt ans avant l’apparition des premiers symptômes qui seuls (pour l’heure) permettent aux spécialistes de porter le diagnostic. Or, disposer des moyens qui permettraient d’identifier la maladie d’Alzheimer à un stade ultra précoce de son existence de la maladie constitue une opportunité jusqu’ici inimaginable. Cette nouvelle perspective tient à différentes avancées en cours dans plusieurs domaines.

On connait depuis longtemps (grâce à des autopsies pratiquées sur les cerveaux de personnes atteintes de la maladie Alzheimer) la nature de certaines des anomalies cérébrales associées à la maladie. Il s’agit notamment des tristement fameuses «plaques amyloïdes» et d’enchevêtrements «neurofibrillaires» au sein des tissus formés par les cellules nerveuses. D’autres études menées par le biais d’autopsies et d’analyses anatomopathologiques cérébrales avaient également permis de noter l’existence des mêmes lésions microscopiques chez des personnes décédées prématurément et qui n’étaient pas victimes de la maladies d’Alzheimer. Puis, au cours de la dernière décennie, les scientifiques ont pu également utiliser de nouvelles méthodes d’imagerie cérébrale (comme la tomographie par émission de positons) permettant d’identifier les signes neurologiques précoces de la maladie d'Alzheimer chez des personnes sans symptômes apparents de la maladie.

Des travaux laissent aujourd’hui penser qu'environ un tiers des personnes de plus de 65 ans auraient des plaques amyloïdes dans leur substance cérébrale. Certains résultats laissent en outre penser qu’une détection de ces plaques est possible et ce même lorsqu’elles sont en très faibles quantités. D’autres recherches ont par ailleurs permis l’identification de plusieurs marqueurs biologiques protéiques présents dans le liquide céphalorachidien (voire dans le sang circulant) et qui pourraient être associées au développement de la maladie. Confirmé, un tel résultat ouvrira de nouvelles fenêtres diagnostiques aisément accessibles.  

Pour le Dr Sperling, il ne fait guère de doutes que les doubles progrès à venir de l’imagerie et de la biologie devraient (prochainement) permettre de détecter des preuves de la maladie d'Alzheimer avant le développement de dommages irréversibles au cerveau et du déclin cognitif; et ce avant même l’apparition d’une déficience cognitive légère.

Pour encourageant que soit ce nouveau contexte il faut bien reconnaître que depuis plus d’une décennie toutes les tentatives médicamenteuses déployées pour traiter la maladie au moment ou après l’installation de la démence ont été vaines. Les résultats de plusieurs essais cliniques en cours devraient être prochainement connus mais il n’en reste pas moins que ce sont bien l’intervention préventive précoce qui semblent la voie devant être privilégiée. 

De fait, les thèmes de recherche foisonnent dans le domaine du dépistage précoce où plus d’une centaine de pistes sont en cours d’exploration avec comme objectif une utilisation de routine lors des examens annuels systématiques de santé. Aux Etats Unis, c’est notamment le cas au National Institute of Aging (NIA-NIH). Les objectifs à atteindre sont la rapidité et la simplicité de leur mise en œuvre ainsi que leur efficacité. Un tel test de dépistage pourrait permettre aux médecins d’identifier les tout premiers signes de troubles cognitifs, comme c’est le cas pour l'hypertension artérielle ou les anomalies des taux sanguins de cholestérol.

La principale (et redoutable) difficulté d’une détection précoce de la maladie d’Alzheimer tient à la définition de ce qui, avec l’âge, peut ou non être tenu pour normal. A partir de quand un déclin cognitif doit-il impérativement être considéré comme pathologique? De nombreuses études confirment ici ce que nous savons tous: même en l'absence de maladie, l'avancée en âge bouleverse le plus souvent notre aptitude à découvrir, à apprendre et à retenir de nouvelles informations. Et l’on sait aussi que les activités physique et mentale, les échanges sociaux et la santé cardiovasculaire sont des éléments qui contribuent à maintenir durablement les capacités cognitives durant le vieillissement.  Autant de données avec lesquelles il va falloir apprendre à œuvrer au mieux dès lors que l’on pourra savoir que l’on est bel et bien exposé à un risque supérieur à la moyenne d’être  – si rien n’est fait – atteint d’une démence.  

Pour l’heure le caractère incurable de la maladie d’Alzheimer peut conduire à des impasses. C’est ainsi qu’en France des médecins généralistes viennent d’annoncer qu’ils refusent désormais de procéder au diagnostic précoce de cette affection comme le recommande la Haute Autorité (française) de Santé. Ils se demandent notamment s’il est bien éthique d’annoncer à des personnes présentant de légers troubles de mémoire (mais encore bien conscientes) qu’elles démarrent (peut-être) une maladie d'Alzheimer, et ce sans pouvoir leur proposer de prise en charge adaptée et des médicaments efficaces. Les médecins généralistes français  réclament que des recherches soient menées pour que l’on en sache un peu plus sur l’éventuel intérêt, pour leurs patients, des diagnostics précoces. Dans l’attente ils se refusent, en conscience, à faire ce qu’on leur demande.

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