Les Google Glass séduisent les médecins

Dernière mise à jour 07/07/14 | Article
Les Google Glass séduisent les médecins
Les lunettes connectées de Google ont fait leur entrée dans les hôpitaux afin d’évaluer leur intérêt médical. Les médecins semblent conquis, même s’il reste des progrès à effectuer.

Dans les blocs opératoires, dans les salles de consultation, dans les amphithéâtres des facultés de médecine… les Google Glass ont fait une entrée fracassante dans le monde de la santé. Ces lunettes à réalité augmentée, dont les premiers prototypes sont apparus en 2012, ne sont toujours pas disponibles à la vente en dehors des Etats-Unis. Mais Google en a déjà distribué quelques-unes à un public ciblé: développeurs, sportifs et médecins, afin d’en évaluer l’intérêt –tout en s’assurant d’une large promotion à peu de frais. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les premiers pas des Glass dans les hôpitaux se sont montrés très encourageants.

La visioconférence

Le 14 février dernier, le Dr Philippe Collin, chirurgien de l’épaule à l’Hôpital privé Saint-Grégoire, à Rennes, a fixé une prothèse d’épaule à une patiente. Equipé des Google Glass, Philippe Collin a filmé toute l’opération qui était retransmise en temps réel à l’Hôpital de l’Université de Nagoya au Japon, auprès des Drs Goto et Takenaga. La pose de ce type de prothèse d’épaule vient en effet d’être autorisée au Japon, et les chirurgiens voulaient assister à une opération afin d’en connaître tous les détails avant d’opérer leur premier patient.

Certes, la visioconférence entre chirurgiens existe déjà depuis un moment. Nommée «Live Surgery», elle nécessite des moyens techniques conséquents (des techniciens manipulent des caméras) et demeure réservée à des opérations exceptionnelles. «Une "Live Surgery" coûte entre 10000 et 15000 euros, évalue Philippe Collin. Grâce aux Glass, cette retransmission n’a coûté que quelques centaines d’euros», estime-t-il. Même s’il convient d’ajouter le prix estimé des lunettes (environ 1500 euros), le coût de la retransmission demeure dérisoire comparé à celui des techniques actuelles. Et Philippe Collin précise que «tout cela s’est fait sans aucune perte de qualité, au contraire: la vidéo montre exactement ce que voit le chirurgien, ce qui est impossible à faire pour un caméraman». Fonctionnant sans fil et répondant à la voix, les Google Glass se prêtent en outre aux conditions d’hygiène d’un bloc opératoire. Après cet essai enthousiasmant, les chirurgiens prévoient de refaire une transmission dans l’autre sens: pendant que les chirurgiens japonais opéreront à l’aide des fameuses lunettes, le Dr Collin pourra les guider, comme s’il était en salle d’opération avec eux.

La partie logicielle, autrement dit l’application qui gère la vidéo et sa retransmission, devrait aussi bénéficier d’améliorations notables. Développée par AMA, une filiale française du géant du jeu vidéo Ubisoft, elle permettra notamment de «montrer» des points précis sur le champ opératoire. Il suffira pour cela au spectateur de cliquer avec sa souris ou avec son doigt sur la zone qui l’intéresse. Comme avec un pointeur laser, un point apparaîtra alors dans le champ visuel des lunettes du chirurgien. A plus long terme, un dispositif de suivi du regard (eye-tracking) permettra de filmer uniquement ce que regarde le chirurgien, même si ce dernier bouge la tête. «Nous sommes seulement limités par notre imagination», se réjouit le chirurgien, convaincu par le potentiel de cet outil dans un cadre de formation aux gestes médicaux.

En Suisse aussi, les Glass ont pointé le bout de leurs montures. A Genève, le Pr Pierre Hoffmeyer les a également testées. «Les Google Glass vont révolutionner la chirurgie et son enseignement», assène ce chirurgien orthopédique enthousiasmé par la fonction visioconférence et par la possibilité de centraliser toutes les données du patient. «Notre objectif, c’est d’avoir toutes les radios, scanners, tout le dossier médical du patient directement sur les lunettes, pendant l’opération», annonce-t-il, tout en assurant que cela ne perturbe en rien son champ de vision.

Efficaces en cas d’urgence

Un autre usage des Glass a émergé aux Etats-Unis. Au service des urgences du Beth Israel Deaconess Medical Center de Boston, dans le Massachussets, le Dr Steven Horng a pu sauver la vie d’un patient grâce aux lunettes de Google. Victime d’une hémorragie cérébrale, il se disait allergique à plusieurs médicaments, mais sans pouvoir citer lesquels. N’ayant pas le temps de retourner chercher son dossier, le Dr Horng a pu néanmoins le retrouver grâce à ses Glass, et ainsi identifier immédiatement les allergènes, en un laps de temps très court. Sans ces lunettes, la recherche aurait pris plus de temps et le patient, en état critique, serait sans doute décédé. Séduit par cet outil, le Dr Horng, par ailleurs directeur adjoint du service des urgences, a réclamé que tous ses collègues en soient équipés au plus vite.

L’aventure Google Glass n’a même pas encore officiellement démarré qu’elle suscite déjà un certain engouement auprès des professionnels de santé. Certes, de nombreux écueils demeurent. Il faut par exemple impérativement résoudre les problèmes de sécurité et de confidentialité des données, pour éviter que nos dossiers médicaux se retrouvent en libre accès sur internet. Sur ce point, Google doit encore faire ses preuves, et l’actualité nous prouve que la partie est loin d’être gagnée.

La gestion de la lumière a elle aussi des progrès à faire. Comme le confirme le Pr Hoffmeyer, les lumières blafardes des scialytiques dégradent la qualité de l’image. Enfin, l’autonomie peut mieux faire. «Nous avons dû y intégrer une batterie externe» pour pallier ce problème, reconnaît-il.

Beaucoup de travail reste donc à fournir. Il n’empêche qu’il y a à peine quinze ans, Google était encore une petite start-up qui venait de mettre au point un moteur de recherche. Qui aurait pu prévoir qu’elle imaginerait un jour des outils révolutionnaires pour les médecins?

Les étudiants aussi

Preuve de l’intérêt des Google Glass pour l’apprentissage et la pédagogie, l’école de médecine de l’Université de Californie, à Irvine, a annoncé le 14 mai qu’elle allait intégrer dès maintenant les lunettes de Google dans tout son cursus de formation de quatre ans. Les étudiants de première et deuxième année les utiliseront pour les cours d’anatomie et de gestes cliniques, tandis que ceux en troisième et quatrième année les porteront lors de leurs sessions à l’hôpital. Bien entendu, les formateurs en seront également équipés et pourront suivre ce que font leurs étudiants, ou à l’inverse être suivis par ces derniers lorsque cela sera nécessaire. Concernant la problématique de respect du secret médical, les Glass utiliseront un logiciel spécifique qui respectera l’anonymat des patients, a précisé l’Université.

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