Pastilles vertes et sirops roses

Dernière mise à jour 19/03/12 | Article
Potions de diverses couleurs
Le goût, la couleur et la forme des médicaments varient considérablement. Ils sont déterminés par l’âge du patient, la pathologie visée ou encore le mode d’administration le plus efficace. Explications.
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Un article CHUV Magazine

1. Forme

Comprimés, gels, sirops, cachets, granules, pastilles, ou encore dragées… Il faut faire preuve d’imagination pour concevoir l’aspect physique des médicaments, leur "forme galénique", du nom de Galien – qui est à la pharmacie ce qu’Hippocrate est à la médecine. "Les substances actives, qui se présentent le plus souvent sous forme de poudre, ne sont pas ingérables en tant que telles, explique le Prof. André Pannatier, pharmacien-chef au CHUV. Pour en faire un médicament, il faut ajouter des excipients, des substances inertes permettant de soutenir l’action du médicament."

Un seul médicament peut ainsi se décliner sous plusieurs formes. Le méthotrexate, par exemple, utilisé entre autres en oncologie, est disponible sous forme orale liquide ou sous forme de comprimé, en solution injectable administrable par voie sous-cutanée, intramusculaire, intraveineuse et même intrathécale c’est-à-dire par injection directe dans le dos, entre les vertèbres.

Autre exemple d’inventivité pharmaceutique: l’oméprazole, qui vise à couper l’acidité gastrique. "S’il arrive tel quel dans le milieu acide de l’estomac, il se détruit tout de suite, explique le docteur Grégory Podilsky, pharmacien responsable de l’Unité de fabrication des médicaments du CHUV. Or, la substance active ingérée doit transiter par l’estomac avant de passer dans le sang. L’industrie a donc créé une forme gastro-résistante, qui peut traverser l’estomac tout en étant protégée de l’acidité et se libérer ensuite au niveau de l’intestin." On parle dans ce cas de comprimés "enrobé".

Outre le choix du mode d’administration le plus efficace, l’industrie pharmaceutique fait aussi intervenir une logique commerciale dans l’aspect des médicaments. Un choix controversé, note le Dr Grégory Podilsky: "Très clairement, le marketing ne va pas toujours de pair avec la sécurité. Par exemple, la ligne graphique utilisée pour identifier une marque peut amener à la confusion entre plusieurs médicaments, notamment en ce qui concerne leur couleur (voir point no 2)."

2. Couleurs

La couleur n’est jamais le fruit du hasard. "A des fins de marketing, l’industrie pharmaceutique a exploité des études sur la psychologie des couleurs, explique le Prof. André Pannatier. Par exemple, il a été démontré que le rouge était associé à un effet stimulant alors que le bleu était plutôt perçu comme exerçant un effet tranquillisant." Paradoxalement, la petite pilule bleue bien connue contre l’impuissance doit sa couleur à celle de son fabricant, qui a fait le choix du bleu pour son logo. La logique commerciale n’est jamais très loin...

D’autres constantes existent. Par exemple, la plupart des emballages contenant des produits à base de fer contre l’anémie sont rouges, pour rappeler le sang. Il n’existe cependant pas de consensus au niveau international pour le code couleur des médicaments. "Il y a tellement d’associations possibles qu’il est inconcevable d’attribuer une couleur spécifique à chaque médicament, note Grégory Podilsky. Un patient peut donc très bien se retrouver avec cinq médicaments blancs et ronds, ce qui rend les confusions possibles."

3. Goût

Les plus jeunes générations ont pu échapper à l’ingestion d’huile de foie de morue à la cuillère, grâce à l’arrivée des gélules. Il n’en reste pas moins que le goût des médicaments fait débat. "Je trouve personnellement que certains comprimés effervescents ont très mauvais goût", dit en souriant le Dr Gregory Podilsky. Mais il y a une bonne raison à cela: la forme galénique la plus simple est toujours la meilleure. "Il y a déjà suffisamment de contraintes techniques à intégrer, et trouver de bons agents masquant le goût n’est pas si facile."

Les pharmaciens du CHUV masquent le goût en priorité lorsque le médicament doit être ingéré par un enfant. "Par exemple, la predisone, un dérivé de la cortisone utilisé entre autres contre certains types d’allergie, a un goût absolument horrible qui peut être masqué par du chocolat." Certains praticiens s’opposent cependant à ce qu’on donne une saveur trop attractive à un médicament. Un goût désagréable peut en effet aussi servir à limiter les abus.

Le placebo, plus qu’une simple croyance

"Les médecins utilisent souvent l’effet placebo, par exemple lorsqu’ils prescrivent des vitamines contre un peu de fatigue, explique Thierry Buclin, professeur de pharmacologie clinique. L’esprit humain étant très sensible à la suggestion, les remèdes "à bien plaire" étaient déjà connus dans l’Antiquité, rappelle-t-il. L’étymologie latine du mot placebo signifie d’ailleurs "je plairai", titre d’un psaume." Après la Seconde Guerre mondiale, les Anglo-Saxons ont lancé les premiers grands essais cliniques comparant les effets d’un médicament comprenant des substances actives à un produit neutre, un placebo. Ni le patient volontaire ni le médecin ne savent quel est le "vrai" médicament.

"L’effet placebo contient la force de la croyance, mais aussi celle du temps qui passe. Les statistiques nous permettent d’évaluer l’effet réel d’un médicament, au-delà de l’effet placebo."

Source

CHUV Magazine, hiver 2012, http://www.chuv.ch/chuv-enbref-chuvmag-medicaments.pdf

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