Sexualité: la fin du tabou

Dernière mise à jour 18/01/21 | Article
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Avoir une attitude ouverte et positive vis-à-vis de la sexualité favorise l’épanouissement de soi et prévient les comportements et situations à risque. C’est tout l’intérêt de la «sexualité positive», un mouvement défendu par les spécialistes en santé sexuelle.

Vous faites peut-être partie des millions de téléspectateurs ayant suivi les tourments d’Otis, Maeve, Jean, Eric, etc., héros de Sex education, une série diffusée sur Netflix l’an dernier. Elle tient son succès à sa manière d’aborder la sexualité de manière drôle et franche. Une sexualité qui essaie de s’affranchir des complexes et des préjugés de l’adolescence, et plus largement du jugement des autres. C’est un peu l’esprit du courant de la «sexualité positive», porté par la Société internationale de médecine sexuelle (International Society for Sexual Medicine) et par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à travers la notion de santé sexuelle.

Qu’est-ce, exactement, que la «sexualité positive»? C’est un courant qui promeut une sexualité ouverte, ludique et sans complexe. L’adopter, c’est avoir une attitude positive envers la sexualité, être à l’aise avec sa propre identité sexuelle et celle des autres, quelle qu’elle soit. C’est simplement considérer qu’elle fait partie de la vie, qu’elle est un thème comme un autre, qui ne devrait susciter ni gêne ni honte. C’est aussi s’autoriser à explorer cette part de nous-mêmes, c’est chercher à comprendre comment notre corps fonctionne et ce qui l’anime. C’est dépasser les clichés, ceux véhiculés par le cinéma et la pornographie, qui réduisent l’acte sexuel à la pénétration vaginale ou anale, déroulant des scripts desquels l’intimité, la complexité du désir, la délicate question du consentement, sont totalement évacués.

Moins de tabous, moins de risques

La nécessité d’une telle notion est apparue dans un contexte où la sexualité était trop souvent présentée comme un danger, en lien avec le risque d’infections sexuellement transmissibles (IST) – héritage des années SIDA – et la contraception contre les grossesses non désirées. Or, aborder la sexualité sous l’angle de la peur et des risques pour la santé est contre-productif, souligne la Dre Michal Yaron, responsable des consultations ambulatoires de gynécologie et des consultations de gynécologie pédiatrique et des adolescentes aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et membre du comité de pilotage du projet «Sexes, sciences, identités» du Bioscope de l’Université de Genève: «Les études montrent qu’intégrer la notion de plaisir sexuel lorsqu’on parle de prévention et des règles du safer sex, augmente l’utilisation du préservatif chez les jeunes ainsi que la fréquence des dépistages.» Pouvoir parler librement de sexualité, avec son/ses partenaires, ses amis, son médecin, est d’une certaine manière protecteur. C’est comprendre l’importance d’avoir des pratiques sexuelles sûres et pouvoir entretenir des relations affectives, intimes et sexuelles en accord avec ses propres valeurs tout en explorant le plaisir sans jugement.

Pour la Dre Yaron, la sexualité n’est pas, et ne devrait pas, être un sujet délicat: «La santé sexuelle est une part intégrante de la santé et du bien-être physique, émotionnel, social et affectif. L’accepter participe à notre santé et à notre épanouissement.» Et pourtant, il y a encore beaucoup de réticence et de gêne à en parler, notamment dans les soins, commente la Dre Leen Aerts, médecin adjointe et spécialiste en gynécologie et médecine sexuelle aux HUG: «On le voit avec les cancers gynécologiques par exemple. On se préoccupe beaucoup de la maladie, des risques de récidive, mais les médecins abordent encore trop rarement l’impact sur la sexualité.» Pour la spécialiste, il est important que les médecins soient mieux formés pour oser parler de ces sujets intimes avec leurs patients, la santé sexuelle étant une des composantes de la santé.

La santé sexuelle, justement, peut encore être perçue de façon réductrice, «avec l’excitation, l’orgasme et la détente comme étant les trois temps du rapport sexuel», déplore la Dre Leen Aerts. Aujourd’hui, on valorise les approches bio-psycho-sociales et on tient compte de la personne dans sa globalité, poursuit-elle: «On s’intéresse aux expériences sexuelles et on tient compte de ce qui les influence plutôt que de se focaliser uniquement sur la fonction sexuelle et les éventuels dysfonctionnements biologiques.»

Qu’on soit dans un contexte de soins ou dans l’intimité, le message de la sexualité positive invite à mieux comprendre sa sexualité, le sens qu’elle a dans nos vies et dans nos relations avec les autres, pour pouvoir s’épanouir.

«La sexualité offre des moments d’absolu»

Trois questions au Pr Francesco Bianchi-Demicheli, responsable de l’Unité de médecine sexuelle et sexologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG).

Quel rôle la sexualité joue-t-elle dans la vie?

Pr Francesco Bianchi-Demicheli: La sexualité est d’abord un moyen de survivre pour l’espèce humaine. Le plaisir sexuel est un moteur fondamental dans la vie. Il participe à notre équilibre émotionnel, affectif et psychologique. La sexualité nous permet d’être en lien avec l’autre et d’être pleinement dans notre humanité.

L’OMS défend la notion de « santé sexuelle », n’est-ce pas réducteur de penser la sexualité en termes médicaux?

C’est par les aspects négatifs qui entourent la sexualité que la notion de santé sexuelle a été établie. Elle a permis d’introduire la sexualité en médecine, de faire d’elle un sujet de recherche scientifique, mais aussi de parler davantage de sujets alors tabous comme le VIH, les infections sexuellement transmissibles et les comportements sexuels en général. Mais il faut dépasser la seule notion de santé. La sexualité est source aussi de bonheur.

Quels liens faites-vous entre bonheur et sexualité?

On peut être en bonne santé, mais malheureux. Ou l’inverse : souffrir de problèmes cardiaques, de maladie chronique, d’un handicap, etc., et se sentir pourtant heureux. J’ai des patients très atteints dans leur santé ou leur corps pour qui la sexualité offre des moments d’absolu, où tout le reste n’existe plus. C’est l’extase, malgré tout. Le plaisir, l’attachement, le lien avec l’autre et l’amour pour quelqu’un sont des choses fondamentales qui dépassent la seule santé sexuelle.

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Paru dans le hors-série « Votre santé », La Côte, Novembre 2020.

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