Les mystères du lait maternel

Dernière mise à jour 21/10/15 | Article
Les mystères du lait maternel
L’allaitement fait toujours l’objet de nombreuses croyances. La science n’a pas fini d’éclairer ses mystères.

Les bienfaits du lait maternel sur la santé sont largement promus à travers le monde. L’Organisation mondiale de la santé recommande l’allaitement exclusif du nourrisson jusqu’à l’âge de six mois, puis en complément d’une alimentation adaptée à l’âge de l’enfant jusqu’à ses deux ans au moins.

Malgré cette recommandation de la plus haute instance de santé au monde, le lait maternel renferme encore bien des mystères. Au point que l’Université de Zurich s’apprête à créer la première chaire de recherche médicale sur le lait maternel au monde. Les raisons de ses effets bénéfiques sur la santé de la mère et de l’enfant n’ont pas encore été toutes dévoilées. Que sait-on au juste sur sa nature et ses vertus?

Diabète sucré, et si tout se jouait les premiers mois?

Une nutrition inadéquate du nouveau-né altère l’expansion et la fonctionnalité des cellules sécrétrices d’insuline du pancréas. Elle pourrait diminuer la capacité de l’organisme à produire assez d’insuline dans des conditions comme la grossesse ou l’obésité. C’est la conclusion d’une étude menée par des chercheurs du Département des neurosciences fondamentales de l’Unil, récemment publiée dans la revue «Nature Communications».

Produite par des cellules bêta du pancréas, l’insuline est une hormone qui régit l’utilisation du sucre par l’organisme. Elle joue un rôle capital dans la régulation du métabolisme. Sécrétée en réponse à une augmentation de la concentration de sucre et d’autres nutriments dans le sang, son rôle est de stimuler l’absorption du glucose par les muscles et le tissu adipeux et de bloquer la production de glucose par le foie. Une production insuffisante d’insuline entraîne une augmentation chronique du taux de sucre dans le sang et l’apparition d’un diabète sucré, une maladie métabolique qui touche plus de 8% des adultes.

Les cellules bêta du nouveau-né se multiplient vite afin d’atteindre une masse suffisante pour répondre aux besoins futurs de l’organisme, mais leur capacité de réguler la sécrétion ne s’acquiert qu’au moment du sevrage. Dans leur étude effectuée chez le rat, les scientifiques lausannois ont démontré que le sevrage déclenche la maturation postnatale des cellules bêta. Ce processus est entravé si les ratons sont soumis à une diète riche en graisses. «Nos résultats suggèrent que la prédisposition d’un individu à développer le diabète sucré pourrait être déterminée par une nutrition inappropriée pendant les premières phases de vie», conclut le professeur Romano Regazzi.

Une composition unique

La composition qualitative du lait maternel humain est spécifique. Au niveau calorique, il est proche du lait de vache (entre 67 et 69 pour le lait maternel et 70/Kcal par déci pour le lait de vache). Sa teneur en glucides est en revanche plus élevée, tandis qu’elle est plus faible en protéines et à peu près équivalente en lipides. «Sa concentration en sels minéraux est beaucoup moins importante que celle du lait de vache, ce qui diminue le travail rénal du nouveau-né », explique Valérie Avignon, sage-femme au CHUV. Il est par ailleurs composé de 87% d’eau, comblant à lui seul les besoins hydriques du bébé.

Le saviez-vous?

Du lait sur mesure
Le lait maternel s’adapte extraordinairement, en fonction de la maturation et des besoins de l’enfant. Le premier lait (du 1er au 5e jour), appelé colostrum, est très riche en anticorps. Le lait de transition s’enrichit en nutriments. Le lait mature (dès le 15e jour) évolue au fil du temps, participant à la protection de la santé de l’enfant. «On suppose même que sa composition ne serait pas la même selon si le bébé est une fille ou un garçon», note le Dr Céline Fischer Fumeaux, du CHUV.
En chiffres

En Suisse, l’allaitement est très répandu. A la maternité, une large majorité des mères (95 %) donnent le sein à leur bébé. A trois mois, elles ne sont plus que 60 à 70 % à le faire.

Banques de lait

Les banques de lait maternel permettent aux mères de faire bénéficier de leur surplus de lait des bébés nés prématurément. Il leur est administré après avoir été pasteurisé et congelé. Dans notre pays, de telles structures n’existent pour l’instant qu’en Suisse alémanique.

Si le lait maternel est tant vanté, c’est qu’il regorge d’anticorps et éléments bioactifs, comme certaines protéines qui tuent les bactéries, protectrices contre des maladies. D’un point de vue gustatif, et contrairement aux laits maternisés, le lait féminin n’est pas neutre. Il est imprégné du goût des aliments absorbés par la mère.

Les bienfaits de l’allaitement sur la santé concernent tant l’enfant que la mère. Chez l’enfant, il a été prouvé scientifiquement que le lait maternel protégeait des infections, telles que les diarrhées infectieuses, les infections ORL (rhinite, otites) et respiratoires. Dans les familles à risque, un allaitement exclusif durant trois mois permet de diminuer le risque d’allergies, en particulier l’asthme et les dermatites atopiques (eczéma). Les bébés allaités seraient moins sujets à la mort subite du nourrisson. Il y aurait aussi un impact positif sur le diabète et le QI, mais cela mérite d’être confirmé.

L’allaitement aurait également un effet préventif contre l’obésité durant l’enfance et l’adolescence. «Un bébé qui tète le sein de sa mère se régule mieux qu’un enfant qui boit le biberon», explique la spécialiste. La présence d’hormones, ainsi que de pré- et probiotiques dans le lait maternel, aurait un impact favorable sur le métabolisme et donc la prévention de l’obésité.

De l’or blanc pour les prématurés

«L’allaitement des bébés prématurés est à la fois plus précieux et plus difficile que pour les nouveau-nés à terme», explique le Dr Céline Fischer Fumeaux, médecin associée au Service de néonatologie du CHUV. Tous les bienfaits du lait maternel se vérifient chez ces enfants, et des bénéfices supplémentaires existent. C’est le cas en particulier de la diminution des risques infectieux et de celui de l’entérocolite du prématuré, une maladie rare mais grave touchant leurs intestins. Le lait maternel des nouveaux-nés prématurés est en outre initialement plus riche en protéines que celui des mères dont le bébé est né à terme, ce qui est une propriété intéressante dans ces situations.

Mais pour que l’allaitement soit rendu possible, un soutien spécifique est nécessaire, poursuit la spécialiste: «D’une part, il faut attendre que le bébé prématuré soit capable de téter au sein directement, et l’accompagner dans cet apprentissage. D’autre part, il faut créer des conditions favorables pour que la mère puisse stimuler et tirer régulièrement son lait». Car la prématurité a un impact important sur les conditions de l’allaitement, à l’image du stress hospitalier ou de la séparation de la mère et de l’enfant. Dans ce contexte, l’intervention précoce et régulière de conseillères en lactation peut s’avérer particulièrement utile.

Des bienfaits pour la mère

Chez la mère, la production d’ocytocine lors de la libération du lait entraîne la contraction de l’utérus et lui permet de reprendre plus rapidement sa place. Allaiter diminue également les risques de diabète de type 2 et de maladies cardiovasculaires. Pour autant que la mère ait allaité durant un an au moins, il y aurait une diminution des risques de cancer du sein et de l’ovaire. La perte de poids, à long terme, serait elle aussi facilitée.

Les contre-indications à l’allaitement sont rares, mais existent: une sérologie HIV positive de la mère dans les pays industrialisés, certains médicaments (chimiothérapie par exemple), ou un mauvais état de santé de la mère. L’absence de désir de la mère à allaiter son enfant doit être respectée: «L’allaitement se fait en couple. Pour que cela fonctionne, il faut que la mère et l’enfant soient d’accord de participer», conclut la sage-femme.

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