Avez-vous votre carte de donneur?

Dernière mise à jour 18/10/12 | Article
Avez-vous votre carte de donneur?
S’il reste un sujet tabou, le don d’organes permet chaque année en Suisse de sauver de nombreuses vies. Comment et surtout pourquoi devenir donneur? Le point avec Eric Masson, coordinateur de transplantation aux Hôpitaux universitaires de Genève.

Le don d’organes reste aujourd’hui encore un geste marginal. Alors que de nombreuses vies pourraient être sauvées – 1064 patients sont actuellement en attente d’un organe en Suisse, alors le nombre de donneurs augmente peu. Pour Eric Masson, cette réalité s’explique en partie: «C’est un sujet que les gens abordent encore avec une grande difficulté. Le don d’organes reste en effet tabou. Demander à un proche s’il souhaite donner ses organes une fois qu’il sera mort, au milieu d’une conversation, est toujours un peu délicat. Puis, ce n’est pas une chose à laquelle on pense souvent, soit parce que l’on ne se sent pas concerné, soit encore parce qu’on n’en comprend pas forcément toujours les tenants et les aboutissants. Néanmoins, nous avons eu en Suisse 102 donneurs décédés et 110 vivants en 2011».

Comment devenir donneur?

Les donneurs d’organes peuvent être vivants ou décédés. Dans le premier cas, il s’agit de personnes qui font le choix de faire un don altruiste, c'est-à-dire non dirigé vers une personne désignée, ou de personnes désireuses de venir en aide à un membre de leur famille ou à un proche. Lorsque l’on parle de don vivant, il s’agit de don d’un rein (un individu pouvant vivre avec un seul et unique rein) ou de foie (on prélève une partie du foie chez le donneur, car cet organe a la particularité de repousser ensuite).

Dans le second cas, le donneur potentiel est décédé. Il existe plusieures manières de savoir si ce dernier souhaitait faire don de ses organes:

  • La personne a sa carte de donneur sur lui. «En Suisse il s’agit d’un document légal, explique Eric Masson. Cependant, si un membre de la famille du défunt venait à s’opposer au prélèvement, nous avons, aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), pris le parti de respecter son choix». Dans les faits, même si les médecins pourraient faire prévaloir la loi, il est primordial de soutenir les familles dans leur choix et de les accompagner au mieux.
  • Le patient décédé n’a pas sa carte de donneur. Les médecins approchent alors la famille, les amis, ou les collègues de ce dernier, pour savoir s’il souhaitait ou non donner ses organes.

La loi suisse stipule que tout le monde peut être donneur. Quant à juger de la qualité des organes «offerts», c’est un examen médical approfondi qui en décidera.

Lorsque l’on parle de donneur décédé, il faut distinguer deux catégories:

  • Le premier type de donneur est le donneur en mort cérébral. Cela signifie que son cerveau ne montre plus aucun signe d’activité, qu’il est victime de lésions irréversibles, même si les organes fonctionnent encore, comme les poumons, grâce aux machines. A ce stade-là, l’équipe médicale est certaine que le cerveau ne fonctionnera plus. La personne est alors déclarée décédée, selon un protocole médical très strict. Les médecins pourront donc, en principe, prélever son cœur, ses reins, son foie, ses poumons, son pancréas et ses intestins.
  • La seconde catégorie est celle des donneurs «à cœur arrêté». Le cerveau n’est pas mort, mais le cœur ne bat plus, et ne montre plus d’activité après au moins 20 minutes de réanimation ininterrompue. A très court terme, n’ayant plus d’oxygénation, le cerveau subira également des lésions irréversibles. L’équipe médicale pourra dans ce cas-là, dans des conditions très particulières et selon un protocole très strict en cours, envisager un prélèvement uniquement des reins.

«Après la mort cérébrale de leur proche, nous pouvons accorder jusqu’à 72 heures à la famille pour réfléchir au don d’organes, souligne Eric Masson, car le maintien des donneurs devient très difficile après ce délai. Mais il est courant que ce délai soit beaucoup plus court». En Suisse, on compte une moyenne de 8 à 9 donneurs décédés par mois. En 2011, 412 organes ont été transplantés, dont 99 provenant de donneurs en mort cérébrale.

Une approche délicate

Il est toujours délicat de s’adresser à une famille qui vient de perdre un proche, afin de savoir s’ils sont favorables ou non au prélèvement d’organes du défunt. «C’est le médecin des soins intensifs, accompagné en générale d’une infirmière, qui fait la démarche auprès des proches du défunt, explique Eric Masson. Puis, une fois le consentement obtenu, ils prennent contact avec notre service et généralement, nous rencontrons alors nous aussi la famille». Une fois le donneur déclaré, l’équipe de coordination met alors en marche le processus de «don» à proprement parler (voir galerie).

Il faut savoir que le donneur en mort cérébrale et le receveur sont totalement anonyme l’un pour l’autre. Il n’est tout d’abord pas possible de cibler le don: les personnes en attente de transplantation sont répertoriées sur une liste nationale gérée par Swisstransplant, la fondation nationale suisse pour le don et la transplantation d’organes, en fonction de leur état de santé, de la date de leur inscription sur la liste des personnes en attente, et de leurs données médicales. Le receveur ne pourra pas à savoir qui lui a fait don de son foie, de son rein ou encore de son cœur. «En revanche, les familles ont la possibilité de communiquer entre elles, si elles le souhaitent, par le biais de courriers anonymes que nous distribuons, souligne Eric Masson. Elles peuvent ainsi remercier l’entourage du donneur et celui-ci peut prendre des nouvelles du receveur».

Chaque personne est un donneur potentiel

«Aux yeux de la loi, rappelle Eric Masson, on peut donner ses organes à tout âge. C’est à votre mort, que les médecins évalueront la qualité de vos organes». En Suisse, le nombre de patients en attente de greffe allant croissant, les équipes médicales auront tendance à accorder une attention toute particulière aux donneurs afin de s’assurer de la qualité du greffon (partie des tissus que l'on destine à la greffe). «Nous avons ainsi un tout petit peu moins de greffon non-utilisé par rapport aux pays voisins», conclut le spécialiste.

Comment identifier le receveur?

«Avant de savoir qu’un patient  a besoin d’un organe, il est en général adressé par son médecin traitant, à un de nos spécialistes, explique Eric Masson, coordinateur de transplantation aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Nous disposons de peu de greffons, nous nous devons de les utiliser à bon escient».

Le receveur potentiel est hospitalisé pendant une semaine et bénéficie d’examens médicaux et psychiatrique complets. «Après cette semaine, tous les intervenants se réunissent lors d’un colloque multidisciplinaire et discutent de l’indication à la transplantation», continue le spécialiste. Un projet de  transplantation n’est bien sûr pas anodin, et les médecins doivent s’assurer que les risques encourus sont moindres par rapport aux bénéfices apportés.

La transplantation est indiquée lorsque le patient est dans un état de santé suffisamment grave pour lequel un traitement médicamenteux ne suffit plus, mais une maladie trop avancée pourrait contre-indiquer un tel projet. «Il arrive malheureusement que des patients inscrits en liste d’attente voient leur état de santé se dégrader au fil du temps, faute d’organes, et de ne plus pouvoir bénéficier d’une transplantation», souligne le coordinateur. «Psychologiquement ensuite, nous devons être sûrs que le patient fera preuve de compliance et de sérieux dans le suivi post-transplantation. Après une greffe, le patient devra prendre des médicaments de manière régulière, tous les jours de sa vie. Il devra également adopter une bonne hygiène de vie, et prendre certaines habitudes. Nous devons donc être certains qu’il pourra assumer tout cela».

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