Assurances privées et données médicales: le médecin est le seul rempart

Dernière mise à jour 13/06/12 | Article
Dossier médical
Les assurances sont avides d'informations sur leur clients présents et futurs, et n'hésitent pas à exiger un accès quasi sans limites aux dossiers médicaux. Désarmé face aux pressions des assurances, le client ne peut compter que sur la vigilance de son médecin, qui doit évaluer jusqu'où il peut donner des renseignements.

Chacun a fait l'expérience des ces propositions d'assurances privées qui exigent du proposant qu'il délie son médecin de son secret professionnel, pour que celui-ci transmette le dossier médical à l'assurance. Le candidat à une assurance-vie (par exemple) n'a aucun choix: soit il accepte l'ensemble des conditions générales, soit sa demande finira à la corbeille. Cette pratique est abusive, mais n'en est pas moins courante, voire la règle. Qu'en est-en droit?

Le secret professionnel qui lie les médecins est très strict, et sa violation peut entraîner des conséquences en cascade pour un médecin indélicat: peines pécuniaires ou de prison, peines sur le plan civil (compensation du dommage causé au patient), sanctions disciplinaires et professionnelles... Dès lors, en transmettant des données de patients à un tiers, il viole ses devoirs légaux, et cela, quels que soient les destinataires de ces informations: assurances, parents du patient, autorités, collègues médecins... Les seules exceptions relèvent de cas particuliers prévus par la loi, notamment en droit pénal, et lorsque le patient délie son médecin du secret médical. On parle alors d'un consentement qui doit être «libre et éclairé», accordé par rapport à une situation concrète connue, et le patient doit pouvoir savoir quelles informations sont demandées. Ceci implique qu'une libération générale du secret professionnel à l'égard de toutes les données du patient serait disproportionnée et excessive.

Dans l'idéal, le consentement du patient doit être donné en dehors de toute pression, menace ou tromperie. Dans les faits, on voit bien que la personne qui sollicite une assurance-vie subit une pression, puisqu'elle ne dispose d'aucun choix dans les clauses du contrat.

C'est dire que dans ce genre de situation, le patient n'a d'autre choix que de confier la défense de sa sphère privée à son médecin. En principe, le médecin devra interpréter de manière restrictive la clause signée par le patient – clause abusive en elle-même – qui le délie du secret professionnel. Il devra prendre l'initiative de demander à l'assurance quelles sont les données dont elle a besoin pour évaluer le risque de la prime, puis soumettre ces demandes à son patient, en lui expliquant leur justification. Le patient ou le médecin lui-même peuvent de plus demander que ces renseignements ne soient remis qu'au médecin-conseil de l'assurance... qui n'a pas d'obligation légale de les garder pour lui !

En résumé, le patient doit pouvoir compter sur le respect, pas son médecin, du principe de proportionnalité dans la transmission de données sensibles, et s'assurer que son dossier médical dans son entier ne sera jamais transmis à une assurance.

Référence

D'après Olivier Guillod et Damian Koenig in Médecin et droit médical, Editions Médecine & Hygiène.

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