Scanners et risque de cancers: prudence chez les enfants

Dernière mise à jour 11/06/12 | Article
Scanner
Une équipe internationale de chercheurs a découvert que la multiplication de ces examens avant 15 ans augmentait ultérieurement les risques de certaines lésions cancéreuses du cerveau et du sang.

Point trop n’en faut! C’est une sérieuse incitation à la précaution (radiologique) que vient de publier sur son site l’hebdomadaire médical britannique The Lancet. En résumé, une équipe médicale dirigée par des spécialistes britanniques, canadiens et américains avance une série de données chiffrées laissant penser que passé un certain niveau d’exposition (avant l’âge de 15 ans) aux radiations émanant d’examens par scanner triple le risque de développer ultérieurement certaines lésions cancéreuses du cerveau ou du sang.

S’il demeure relativement faible en valeur absolue, ce risque nécessite toutefois selon les auteurs de cette publication de réduire au maximum le niveau des doses de radiations ionisantes délivrées par ces appareils de radiologie. Ils soulignent aussi la nécessité d’avoir recours, autant qu’il est possible, à d'autres techniques d’imagerie médicale moins ionisantes. Ils estiment enfin que les constructeurs de matériel scanographique devraient prendre en compte ces données pour élaborer des appareils délivrant de plus faibles doses ionisantes pour des clichés d’un résultat équivalent.  

Le travail publié sur le site du Lancet a été financé par le US National Cancer Institute et le ministère britannique de la Santé. Il a été réalisé (de manière rétrospective) à partir de la mémoire des dossiers médicaux de près de 180000 personnes âgées de moins de 22 ans chez lesquelles des examens par scanner avaient été pratiqué entre 1985 et 2002 et ce dans environ 70% des établissements hospitaliers britanniques. Les auteurs expliquent de quelle manière ils sont parvenus (pour la première fois selon eux) à établir établir un lien statistique entre le niveau des doses de radiations ionisantes reçues pendant l'enfance et un risque accru de trois types différents de cancer du cerveau et de leucémie aigue.

Il ne s’agit nullement ici de condamner le recours au scanner (ou tomodensitométrie) qui offre de très nombreux avantages pour établir des diagnostics. Il s’agit de mesurer les possibles conséquences négatives d’une pratique qui a connu un très rapide développement, du fait de l’offre, depuis plus de trente ans. Chez les enfants les enfants les scanners sont notamment utilisés en orthopédie en cas de traumatismes crâniens ou de la colonne vertébrale.

A partir des 180000 dossiers des patients qui ont pu être suivis jusqu'en 2008, les chercheurs ont trouvé 74 cas de leucémie et 135 cas de tumeurs cérébrales. Ces cas ont été comparés à un groupe de personnes qui avaient été exposées à de très faibles doses de rayonnement dans les mêmes régions anatomiques. Un scanner cérébral avant l'âge de 10 ans se traduirait statistiquement par environ un cas supplémentaire de leucémie et un cas supplémentaire de cancer du cerveau pour 10000 personnes durant la décennie suivant la première exposition. D'autres études sont en cours, notamment en Australie et au Canada, sur les risques associés aux scanners pédiatriques; les résultats sont attendus d'ici à un à deux ans.

En toute hypothèse l’urgence est à la prudence. «La réduction des doses doit être une priorité, pas seulement pour la communauté des radiologues, mais aussi pour les fabricants» souligne Mark Pearse (Université de Newcastle) l’un des cosignataires de cette étude. «Le plus important, c'est que le scanner ne soit utilisé que lorsque c'est entièrement justifié d'un point de vue clinique.» Les chercheurs observent déjà que les tomodensitomètres modernes émettent un rayonnement d'environ 80% inférieur aux appareils les plus anciens utilisées dans l'étude.

Au Royaume-Uni, la réglementation impose que les doses de rayonnements ionisants délivrés par les scanners médicaux soient aussi basses que possible. Aux États-Unis, le gouvernement pousse les fabricants à concevoir de nouveaux scanners afin de minimiser ces mêmes niveaux de rayonnements pour les patients les plus jeunes. On y incite même les parents (via Internet) à prendre la parole quand un médecin prescrit un scanner afin de lui demander si c'est la meilleure option diagnostiques ou si il ya une alternative «sans radiations». On incite les mêmes parents à comptabiliser le nombre des scanners qui ont été prescrits à leurs enfants.

Pour sa part l'American College of Radiology met en garde: les craintes liées aux conséquences des rayonnements ne doivent pas conduire les parents à une perte de chances pour leurs enfants. «Les parents devraient certainement discuter des risques avec le prescripteur, mais pas refuser des actes qui peuvent sauver et prolonger la vie de leur enfant» a déclare le Dr Marta Schulman, responsable du groupe pédiatrique de la commission d'imagerie de cette société savante.

Il y a un mois nous rapportions ici même qu’une étude de la Société Américaine du Cancer avait établi que la multiplication du recours aux rayons X par les chirurgiens-dentistes pourrait être associée à un risque accru d’apparition ultérieure de méningiomes, une forme (généralement bénigne) de cancer du cerveau. Les auteurs soulignaient également que prudence est de mise, tout particulièrement chez les moins de dix ans. Outre-Atlantique l'American Dental Association avait alors aussitôt réagi à cette publication et rappelé qu’elle formulait, selon les âges, différentes recommandations concernant la fréquence maximale des radiographies.

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