Dialyse: un principe simple, une invention tardive et des questions éthiques

Dernière mise à jour 23/01/13 | Article
Dialyse : un principe simple, une invention tardive et des questions éthiques
De principe simple mais coûteuse, sans restriction d’accès mais parfois trop pénible, la dialyse est une technique relativement récente.

L’insuffisance ou la perte de la fonction rénale d’élimination des déchets azotés de l’organisme entraîne une intoxication connue sous le nom d’urémie, ou urée dans le sang. Jusqu’à une époque récente, cette complication conduisait à une mort inéluctable, souvent chez des gens jeunes. Elle était l’une des principales causes de mortalité sur les champs de bataille pour ceux qui, dans un premier temps, avaient survécu à des blessures graves qui provoquaient ensuite un arrêt brutal de la fonction des reins ou insuffisance rénale aiguë.

Origines de la dialyse

En 1854, Thomas Graham découvre qu’en séparant par une membrane de vessie de bœuf deux compartiments, dont l’un contient un mélange de molécules de différentes tailles dissoutes dans de l’eau, et l’autre de l’eau pure seulement, on obtient, après un temps d’équilibration, des concentrations identiques des deux côtés de la membrane pour les petites molécules. Il donne à cette technique, qui sera utilisée dans de nombreux domaines, en chimie notamment, le nom de dialyse (du grec «dissolution, séparation»). Et il imagine déjà qu’une des applications serait le traitement de l’urémie.
Il faudra un siècle pour que cette intuition devienne réalité. Les scientifiques poursuivront leurs recherches dans deux directions : la première repose sur l’utilisation de membranes artificielles, ce qui donnera naissance à l’hémodialyse. La seconde implique une membrane naturelle, le péritoine, cette enveloppe qui recouvre les intestins et les parois abdominales, ce qui conduira à la dialyse péritonéale.

Quant à l’hémodialyse, Willem Kolff, un médecin d’origine hollandaise au grand génie technique, la met au point en 1944, en pleine guerre, permettant pour la première fois à un patient de survivre à une insuffisance rénale aiguë. Mais il faut attendre 1960 pour qu’un patient atteint d’une insuffisance rénale chronique – une défaillance définitive – survive plusieurs années. A la même époque, on commence à traiter des patients par la dialyse péritonéale.

Evolution

Dans l’histoire de la dialyse, nous pouvons distinguer deux périodes. Celle des pionniers, qui s’étend du début des années 1960 aux années 1980, et celle des années 1980 à nos jours. Cette dernière permet un traitement parfaitement codifié, ouvert à tous les patients confrontés à une insuffisance rénale qui exige un traitement de substitution, notamment ceux pour lesquels la greffe rénale n’est pas une solution.
Au cours de la première période, le nombre de places en dialyse était très limité mais, surtout, la technique était encore balbutiante: la faible performance des membranes utilisées exigeait des séances très longues, de douze à treize heures deux fois par semaine. Ceci explique que ce traitement ne pouvait être réservé qu’à un petit nombre de patients capables de s’adapter. Il s’agissait pour l’essentiel de personnes jeunes, ne présentant pas d’autres problèmes de santé.
A partir des années 1980, les progrès de la médecine et les avancées techniques changent radicalement la donne. Les traitements des maladies rénales qui conduisaient à la dialyse sont de plus en plus efficaces, ils permettent d’arrêter le processus pathologique ou de le ralentir considérablement. En cas d’échec, les progrès de la transplantation d’organe permettent d’éviter les servitudes de la dialyse. Par contre, les maladies rénales associées à l’hypertension artérielle, au diabète ou à l’artériosclérose deviennent de plus en plus fréquentes et concernent une part importante de la population – souvent des gens âgés, voire très âgés. D’où une augmentation considérable du nombre des patients nécessitant la dialyse. Aux Etats-Unis, leur nombre passe de moins de 65 000 en 1984 à plus de  506 000 en 2006: une évolution qui ne diffère pas fondamentalement de celle que nous observons en Europe.

Depuis les années 1980, la technique s’est considérablement améliorée, par l’utilisation de membranes efficaces qui ont permis de réduire de plus de dix heures la durée hebdomadaire des traitements, classiquement répartis en trois séances. Surtout, les possibilités de suivi de la séance permettent de proposer ces traitements à des patients souffrant de nombreuses comorbidités: l’insuffisance cardiaque, la maladie coronarienne sévère ou d’autres affections, telles que l’insuffisance hépatique et des maladies neurologiques, ne sont plus des obstacles à un tel traitement. Si, le plus souvent, la qualité de vie de ces patients n’est pas compromise par l’insuffisance rénale elle-même, le nombre et la sévérité des maladies associées, maladies cardiaques, infectieuses, cancéreuses ou autres déterminent bien davantage le handicap.

Questions éthiques

L’absence de limites imposées par la technique ou de restriction de l’accès à la dialyse expliquent que, dans la plupart des pays industrialisés, le nombre de patients âgés ne cesse d’augmenter. En France, l’âge moyen des patients débutant la dialyse est de 70 ans; 36 % ont plus de 75 ans. Dans le contexte actuel, où les coûts de la santé ne cessent d’augmenter, la question éthique du traitement des personnes âgées revient périodiquement. Il n’existe que peu d’études qui ont analysé les avantages et les inconvénients d’un traitement actif dans ces classes d’âge. Les quelques publications existantes montrent, par exemple, que 76% des patients traités âgés de plus de 70 ans survivent pas plus de deux ans, contre 47 % en cas de non-traitement. Ailleurs, l’avantage de survie pour des patients âgés de plus de 80 ans traités activement était de 20 mois.

Le problème éthique le plus important ne se pose probablement pas dans l’offre d’une prise en charge large, mais dans l’arrêt du traitement, pour les patients âgés ou ceux qui présentent de nombreuses comorbidités et pour lesquels la poursuite d’un traitement de dialyse représente une charge trop importante. De nombreux patients prennent eux-mêmes la décision d’arrêter leur traitement. Ce problème a conduit un groupe d’experts à rédiger un document intitulé Clinical Practice Guideline on Shared Decision-Making in the Appropriate Initiation of and Withdrawal from Dialysis (guide clinique de prise de décision partagée sur l’opportunité de l’initiation et de l’interruption de la dialyse), qui codifie la démarche à suivre pour des patients qui ne seraient plus à même d’exprimer leur intention, et pour lesquels la poursuite du traitement paraît aléatoire et peu susceptible d’apporter les bénéfices attendus.

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