Quand voir trouble devient inquiétant

Dernière mise à jour 12/03/12 | Article
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Première cause de malvoyance chez les seniors dans les pays industrialisés, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) est une maladie progressive, qui atteint la vision centrale, parfois de façon irréversible. Explications.

Contrairement aux idées reçues, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) ne rend pas totalement aveugle. «Même à un stade avancé, le patient n’atteindra pas une cécité complète, précise le Dr Aude Ambresin, coresponsable de l’Unité de rétine médicale de l’hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne. Mais certains malades risquent de perdre la vision centrale, parfois de façon irréversible. Cette dernière permet d’exécuter des tâches précises comme la lecture ou la reconnaissance des visages dans la rue.»

Ne pas banaliser la maladie

D’où vient la détérioration de la macula, une zone de la rétine centrale située au fond de l’œil? Plusieurs éléments entrent en jeu. La génétique est impliquée, mais aussi des facteurs environnementaux comme le tabagisme ou l’alimentation. Typiquement, à ses débuts, une DMLA entraîne des difficultés de lecture. Les mots s’effacent. «Ressentir une gêne lors d’une transition de l’obscurité vers une lumière claire, par exemple lorsque l’on sort d’un tunnel, est un autre signe courant de la DMLA», précise le Dr Ambresin. «Tout se passe comme si l’œil s’adaptait moins vite. En réalité, les cellules de la macula touchées par cette maladie dégénérative mettent plus de temps à retrouver un équilibre lors des changements brusques de luminosité». A son stade le plus avancé, l’un des symptômes classiques de cette maladie est le fait de voir des lignes déformées ou de ne plus distinguer des éléments figurant pourtant dans son champ visuel central, comme s’il y avait des trous. Attention : cette maladie n’est pas réservée aux personnes âgées, puisque les premiers signes d’une DMLA peuvent s’observer dès 55 ans. Au début, elle passe d’ailleurs parfois inaperçue. «On entend des patients dire: je pensais que ma baisse de vue était normale à mon âge, je vieillis», ajoute Aude Ambresin. En réalité, il ne faut jamais banaliser une atteinte de la vision. 

L’importance du dépistage

Au danger de banalisation liée à l’âge s’ajoute celui du manque d’information sur l’existence de cette maladie. «Certains patients présentent dès la première visite une atteinte irréversible. Ils expriment des regrets dans mon cabinet en me disant: maintenant, c’est trop tard, mais si j’avais été mieux informé, j’aurais pris rendez-vous plus rapidement. Je n’avais jamais entendu parler de cette maladie.» La DMLA est une maladie par essence évolutive qui atteint les deux yeux. Son dépistage précoce est donc capital. Lors de l’examen oculaire, l’ophtalmologue regarde le fond de l’œil pour détecter les signes d’une éventuelle dégénérescence et pratique, si nécessaire, des examens complémentaires. Un test simple, la grille de Amsler, peut être fait pour un dépistage à large échelle. Selon la forme observée, certaines personnes pourraient  bénéficier d’un traitement composé de vitamines spécifiques pour les yeux qui vise à retarder la progression de la maladie. «C’est à sa phase tardive que la DMLA devient menaçante pour la vision. Un des buts de la recherche actuelle est justement d’éviter que l’on passe de la phase précoce à la phase tardive», explique le Dr Ambresin.

Sa phase tardive se divise en deux formes: la néo-vasculaire (ou humide), d’abord, caractérisée par la prolifération des vaisseaux sanguins anormaux sous la macula. C’est la forme la plus agressive, mais elle répond à des médicaments efficaces. Administrés sous forme d’injections répétées, ils permettent de stabiliser la progression des vaisseaux anormaux responsables de la baisse de vue. «Il s’agit tout simplement d’une révolution pour la prise en charge de cette maladie» s’enthousiasme le Dr Ambresin. «Le changement est radical aussi bien pour la vue que pour la qualité de vie des patients». Pour la seconde forme, dite sèche ou atrophique, il n’existe par contre aucun traitement. La recherche scientifique est très active et de grands espoirs reposent notamment sur la transplantation de cellules rétiniennes. Mais il s’agit encore de musique d'avenir.

Une diminution de la vision peut provoquer des hallucinations visuelles

Avoir des hallucinations visuelles ne signifie pas forcément perdre la tête. Elles peuvent résulter du syndrome de Charles Bonnet. Ce naturaliste genevois a donné son nom à un phénomène qu'il a découvert en 1760. Largement méconnu de la population, il touche des individus dont la vision des deux yeux est perturbée de manière importante, en raison d’une DMLA par exemple. «Quand le cerveau visuel est trop inactif, parce qu’il n’a pas assez d’information visuelle à traiter, il s’autostimule par la libération de souvenirs visuels. Ces hallucinations sont plus amusantes qu’effrayantes», explique le Dr François-Xavier Borruat, responsable de l’Unité de neuro-ophtalmologie de l’Hôpital ophtalmique Jules-Gonin à Lausanne. Qui est touché? Typiquement, les personnes âgées atteintes d’une DMLA, qui bougent peu et restent la plupart du temps dans la pénombre. Il suffit cependant de les stimuler tactilement ou auditivement pour que les hallucinations disparaissent. «En fait, il faut occuper le cerveau», résume le Dr Borruat. Sa conclusion est rassurante: « ces hallucinations visuelles sont souvent transitoires. Le syndrome de Charles Bonnet n’indique pas un début de démence.»

Des iPads au secours des malvoyants?

«Une des difficultés que rencontrent au quotidien les personnes atteintes de DMLA est l’accès à l’information», témoigne Marie-Paule Christiaen, de l'Association pour le bien des aveugles et malvoyants à Genève. Pour leur permettre de continuer à lire «comme tout le monde», il existe divers moyens grossissants: la loupe, la lunette-loupe et les moyens électroniques, sans oublier les livres parlés. Interviennent désormais les tablettes numériques. Elles permettent en effet de télécharger des livres ou magazines, d’agrandir les caractères, d’inverser les contrastes ou d’activer une synthèse vocale. «Cette technologie est en plein essor, souligne l’experte. Les professionnels des services spécialisés suivent de près l’évolution des moyens de compensation afin d’accompagner les personnes malvoyantes dans le respect de leur autonomie.»

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