L’implant bionique redonne un peu de vue aux aveugles

Dernière mise à jour 10/02/14 | Article
L’implant bionique redonne un peu de vue aux aveugles
Implantée sur la rétine, une puce électronique permet aux personnes rendues aveugles par une rétinite pigmentaire de distinguer des formes ou de gros objets. Un premier pas très prometteur.

On pourrait parler de révolution, tant la médecine de l’œil progresse. Au point qu’elle commence à apporter des solutions à des troubles qui étaient jusqu’ici sans remède. Comme la rétinite pigmentaire, une maladie héréditaire qui, inéluctablement, conduit à la cécité. Elle était jusqu’ici incurable mais, grâce à l’implantation d’une puce électronique sur leur rétine, quelques aveugles ont déjà pu retrouver un semblant de vision.

L’électricité remplace la lumière

«La rétine tapisse l’intérieur de l’œil comme le faisait le film dans les anciens appareils photo», explique Thomas Wolfensberger, responsable de l’unité de chirurgie vitro-rétinienne de l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin à Lausanne. Certaines de ses cellules, les photorécepteurs, transforment les signaux lumineux qu’elles reçoivent en impulsions électriques. Via le nerf optique, ces impulsions sont ensuite envoyées au cerveau.

Toutefois, chez les personnes souffrant de rétinite pigmentaire, les photorécepteurs sont peu à peu détruits et le circuit ne fonctionne plus. D’où l’idée d’utiliser un implant bionique qui vise à «stimuler la rétine, non plus avec de la lumière, mais avec de l’électricité», précise l’ophtalmologue. En d’autres termes, de placer au fond de l’œil une puce électronique qui se substitue aux photorécepteurs perdus et fait une partie de leur travail.

Concrètement, le patient porte des lunettes munies d’une mini-caméra qui filme l’environnement. Les images sont ensuite envoyées à un ordinateur de poche qui les réduit à 60 pixels et les transforme en signaux électriques qu’il transmet à l’implant rétinien garni d’électrodes. Ces dernières stimulent alors les composants de la rétine qui sont encore fonctionnels.

Deux dispositifs sont actuellement disponibles: Argus II, fabriqué par la société américaine Second Sight, et Alpha IMS Implant, produit par la société allemande Retina Implant AG. Ils ont déjà été testés sur une cinquantaine de personnes à travers le monde et l’équipe de l’Hôpital Jules Gonin «est en train de préparer l’implantation du stimulateur Argus II», selon son responsable.

Plusieurs nuances de gris

Les résultats sont certes très encourageants, mais ils ne sont pas encore miraculeux. «L’implant crée une sensation d’images chez le patient qui voit des nuances de gris de différentes intensités»,  constate Thomas Wolfensberger. Cela permet à la personne de distinguer «de grosses lettres, de 20 à 25 cm de hauteur, ou de distinguer un objet si le contraste est assez net», et de retrouver une partie de son autonomie. Mais c’est loin d’être suffisant pour lire le journal ou reconnaître un visage.

C’est pourquoi les ingénieurs tentent actuellement d’améliorer la technologie. L’un de leurs objectifs est d’augmenter la résolution des images perçues qui, avec leurs 60 pixels, restent très grossières. Mais, plus important encore selon l’ophtalmologue, il est nécessaire «d’élargir le champ visuel des implants qui, actuellement, se limite à une petite fenêtre d’une quinzaine de centimètres de côté». Dans ce domaine, on est actuellement limité par la taille des puces qui doivent pouvoir passer au travers d’un petit trou percé au fond de l’œil. Toutefois, une solution est déjà à portée de vue, grâce à des implants fabriqués en matériau souple qui pourraient «être enroulés au moment de l’implantation et qui se dérouleraient une fois placés sur la rétine».

Un premier pas

Quoi qu’il en soit, pour que ces systèmes fonctionnent, «il est indispensable que les personnes aient vu à un moment de leur vie, car il faut disposer d’une mémoire visuelle pour que le cerveau puisse interpréter les informations qu’il reçoit. En outre, précise l’ophtalmologue, il faut que le nerf optique soit encore fonctionnel». Cette technologie ne pourra donc pas bénéficier aux aveugles de naissance, chez qui on pourrait en revanche avoir recours à la substitution sensorielle (voir encadré).

Les implants bioniques soulèvent néanmoins des espoirs pour ces personnes rendues aveugles par une rétinite pigmentaire. Ce n’est d’ailleurs qu’un premier pas, car si ce trouble oculaire a été choisi comme première cible, c’est avant tout «parce qu’il est beaucoup mieux connu que les autres». Rien n’interdit donc de penser que les puces pourront éventuellement aussi, à terme, être utilisées pour le traitement d’une maladie beaucoup plus courante, la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), qui affecte de nombreuses personnes âgées.

La lolette high-tech qui remplace les yeux

Chez les aveugles de naissance ou chez ceux qui ont le fond de l’œil trop abîmé, il est impossible de stimuler la rétine. Pour leur venir en aide, on envisage donc de «substituer à la vue un autre sens», explique Thomas Wolfensberger, responsable de l’unité de chirurgie vitro-rétinienne de l’Hôpital ophtalmique Jules Gonin à Lausanne. Et notamment de faire appel… à la langue.

Le dispositif sur lequel travaillent les ingénieurs et les médecins est fondé sur le même principe que l’implant bionique. Une caméra capte les images et les envoie à un microprocesseur qui les transforme en impulsions électriques. Mais à la différence du système précédent, celles-ci sont alors transmises à une sucette électronique bardée d’électrodes que le patient tient dans sa bouche. «Si l’image filmée est celle d’un "H", les électrodes placées sur deux barres verticales et une barre horizontale sont activées et le patient ressent sur sa langue la forme de la lettre», explique l’ophtalmologue.

Cette méthode de «substitution sensorielle» peut aussi utiliser d’autres sens, comme l’ouïe. Les images sont alors converties en sons de différentes fréquences et intensités.

L’utilisation de ces différents dispositifs «exige toutefois un long entraînement du patient qui doit pouvoir interpréter les signaux qu’il reçoit», souligne Thomas Wolfensberger. En outre, les «images» qui sont perçues par l’intermédiaire de la langue ou des oreilles ont une faible résolution. Mais c’est mieux que rien.

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