Opération de l’appendicite: vraiment sans risques?

Dernière mise à jour 21/01/15 | Article
Opération de l’appendicite: vraiment sans risques?
L’opération de l’appendicite est extrêmement courante, mais pas banale pour autant. Les techniques de chirurgie minimalement invasives, dans lesquelles on ne pratique que de toutes petites ouvertures dans l’abdomen, demandent une plus grande expérience et donc une bonne formation. Faute de quoi un accident tragique peut survenir.

Fin 2013, une jeune fille est décédée des suites d’une appendicectomie dans les Yvelines, en France. En novembre 2014, c’est un garçon de 11 ans qui est mort à Metz après avoir subi la même opération. Dans les deux cas, les médecins ont touché l’aorte1. Cette opération si banale serait-elle plus dangereuse qu’on ne l’imagine? Ce qui a changé aujourd’hui et rend l’opération plus délicate, c’est le recours aux techniques dites de chirurgie minimalement invasive. Le chirurgien opère par laparoscopie, appelée aussi cœlioscopie.

Il s’agit d’introduire dans l’abdomen le matériel nécessaire à l’ablation de l’appendice enflammé, par de petits tubes de 5 à 10 mm de diamètre appelés «trocarts». Il suffit de trois petites incisions (parfois une seule). L’opération est ainsi beaucoup moins traumatique que lorsque l’on ouvrait l’abdomen du patient. Mais le risque de toucher l’aorte est-il plus grand? Tout dépend de la méthode utilisée.

La technique opératoire

Le chirurgien peut choisir de pratiquer une cœlioscopie ouverte, c’est-à-dire faire une incision de 1-1,5 cm, sans exercer de pression sur l’abdomen, puis coulisser le premier trocart, contenant une caméra, à l’intérieur de cet orifice, toujours sans exercer aucune pression. Les autres instruments sont ensuite introduits, par pression mais sous contrôle visuel, ce qui permet d’éviter les erreurs.

Il peut aussi opter pour une cœlioscopie fermée, en appuyant sur la cavité abdominale pour introduire l’instrument en force. Dans ce cas, on peut aussi instiller de l’air dans la cavité abdominale pour gonfler le ventre (pneumopéritoine).

«Chez les patients sveltes ou maigres, et c’est le cas de la plupart des enfants, il faut absolument pratiquer une cœlioscopie ouverte. Car si l’on l’introduit le premier trocart en forçant, on enfonce la cavité abdominale et avec l’élan pris on peut arriver dans l’aorte ou la veine cave, situées juste en dessous. C’est une faute technique. Il y a eu des drames de ce genre en Suisse», déclare le professeur Philippe Morel, médecin-chef du Service de chirurgie viscérale et de la transplantation aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) et président de la Fondation des Nouvelles Technologies chirurgicales à Genève.

Ces nouvelles techniques opératoires demandent donc plus d’expérience. Ce qui soulève le problème de la formation des chirurgiens. «Contrairement aux Etats-Unis, il n’y a dans notre pays, et dans bien d’autres en Europe, aucun contrôle de l’adéquation entre la formation du chirurgien et les opérations qu’il effectue, remarque le professeur. Les gens se forment de leur plein gré. Certes, la plupart des chirurgiens n’effectuent que les opérations pour lesquelles ils sont formés, mais ce n’est pas toujours le cas. Nous risquons d’être de plus en plus confrontés à ce type de problème avec le recours aux nouvelles technologies. Ce qui est en jeu, ce n’est pas la technologie mais l’adéquation entre celle-ci et la formation du chirurgien. Ces deux accidents tragiques, parfaitement prévisibles et évitables, en sont l’illustration.»

Une opération très fréquente

Après une diminution des opérations de l’appendicite lors de l’introduction du scanner – qui permet d’avoir un diagnostic de certitude préopératoire – leur nombre est absolument stable.

L’appendicite concerne toutes les tranches d’âge. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les plus de 50 ans sont tout aussi touchés. Même le grand âge n’y échappe pas, les plus de 80 ans peuvent aussi faire une appendicite aiguë!

Mais chez les jeunes, l’appendicectomie est la cause la plus fréquente d’opération abdominale, avant la vésicule biliaire. Ce qui n’est pas le cas des seniors si l’on prend en compte l’ensemble des interventions de chirurgie viscérale dont ils ont besoin.

Des symptômes traîtres

Les symptômes d’une appendicite sont extraordinairement variables. Il y a malgré tout des signaux classiques à prendre en considération. La douleur abdominale, en dessous du nombril à droite, reste le symptôme cardinal. Elle peut être associée à une légère fièvre (37,8-38,2 °C). Les nausées sont très fréquentes. Il y a aussi le signe du psoas: le patient allongé doit soulever sa jambe droite, ce qui met son muscle (psoas) sous tension. Si l’appendice est enflammé, la douleur bloque ce mouvement. Par ailleurs, les patients restent plutôt immobiles car ils ont mal lorsqu’ils bougent.

«Tout ça peut être parfaitement juste ou parfaitement faux, relève Philippe Morel. Je pense à un patient qu’on a rattrapé alors qu’il se rendait à la cafétéria parce qu’il avait faim alors qu’il avait une appendicite aiguë! Certains n’ont pas de température. Il y a aussi des personnes âgées qui ne prêtent pas attention ou ressentent peu cette douleur et arrivent parfois avec une perforation de l’appendicite (péritonite), voire une obstruction intestinale avec état fébrile. C’est vraiment traître, d’où l’apport considérable de l’ultrason et du scanner qui permettent de vérifier le diagnostic.» 

C’est sans compter les personnes qui présentent l’appendice à gauche, en raison d’une rotation interne inverse de l’intestin. Toutefois, ces cas sont rarissimes, soit un par année sur environ 450 aux HUG.

Normalement, l’opération de l’appendicite est grevée d’un nombre de complications extraordinairement faible. Si ce n’est les complications systémiques des patients qui ont des problèmes pulmonaires ou encore cardiaques et qui font une décompensation postopératoire.

L’alternative des antibiotiques

La chirurgie est le traitement de choix de l’appendicite. Une étude française* a cherché à remettre en cause ce recours systématique au bistouri. Les chercheurs estimant que même si l’opération est bénigne, elle peut générer des complications graves. Pourquoi prendre ce risque si l’on peut guérir en se soignant avec des antibiotiques, l’appendicite étant finalement une infection? Pour essayer de répondre à cette question, les chercheurs ont recensé 239 patients; 119 ont été opérés et 120 ont été traités avec une association de deux antibiotiques. Aucune des deux méthodes n’a été jugée franchement plus efficace que l’autre. Toutefois, les péritonites ont été plus fréquentes chez les personnes traitées aux antibiotiques, soit 8% des cas contre 2% chez les personnes opérées. Par contre, le traitement conservateur a permis d’éviter l’opération dans 68% des cas.

Pour Philippe Morel, la polémique est un peu irresponsable, car il n’est pas possible de savoir à l’avance qui va répondre au traitement antibiotique. On prend alors le risque que le patient développe une péritonite qui comporte un risque mortel. L’appendicite peut évoluer tranquillement sur 24 heures ou donner une péritonite en 3 heures. La vitesse d’évolution est imprévisible. De ce fait, c’est une affection qui nécessite un traitement en urgence.

* The Lancet, vol 377, No 9777, 7 mai 2011.

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1. http://sante.lefigaro.fr/actualite/2014/11/18/23067-appendicite-deces-suspect-dune-jeune-fille

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