La cannelle, espoir contre la démence?

Dernière mise à jour 17/06/13 | Article
La cannelle, espoir contre la démence?
Une nouvelle étude laisse espérer que cette épice pourrait recéler des substances capables de s’opposer aux processus conduisant à la maladie d’Alzheimer.

Citée dans la Bible, la cannelle (cinnamon) n’est pas qu’une épice. C’est avant tout l’écorce intérieure du cannelier de Ceylan (Cinnamomum verum). On désigne ainsi un arbre originaire du Sri Lanka, aujourd’hui cultivé en différentes régions du monde, mais surtout en Chine et en Indonésie. La cannelle est disponible sous forme de bâtons et de poudre odorante aux couleurs douces et chaudes. Longtemps inaccessible en Europe, elle fut utilisée dans la Haute Egypte à des fins d’embaumement et, depuis le Moyen Age, on retrouve sa trace dans de nombreuses préparations. A commencer par une boisson qui ne fut pas que de légende : l’hypocras, un vin épicé attribué à Hippocrate. On use toujours de la cannelle dans l’élaboration des «vins chauds» contemporains.

Démocratisation des épices

Avec le temps (et la mise au point en 1856 de la synthèse d'un arôme artificiel de cannelle par le biochimiste italien Luigi Chiozza) la cannelle s’est démocratisée. Elle est désormais utilisée principalement en cuisine après avoir été longtemps utilisée en pharmacie comme antiseptique ou en tant que stimulant des fonctions digestive ou respiratoire. On a aussi vu plus récemment des chercheurs s’intéresser à son action possible dans la régulation de la glycémie chez les diabétiques (résultats contestés) ou dans le contrôle de la tension artérielle. Il est d’autre part établi que la consommation de doses importantes de cannelle ou d'extraits de cannelle peut être toxique.

Il faut aujourd’hui compter avec une étude menée par deux chercheurs de l’Université de Californie Santa Barbara1, qui se sont particulièrement intéressés à deux des composés de la cannelle : la cinnamaldéhyde (qui lui confère son parfum si caractéristique) et l’épicatéchine, une substance antioxydante de la famille des flavonoïdes que l’on retrouve notamment dans le chocolat et les vins.

Cinnamaldéhyde et épicatéchine

Les deux auteurs, R. George et D. Graves, apportent des éléments de nature à démontrer les effets bénéfiques de la cinnamaldéhyde et de l’épicatéchine contre le développement physiopathologique de la maladie d'Alzheimer, bien qu’il ne s’agisse que d’arguments in vitro. La présence de ces deux composés aurait pour effet de s’opposer à la constitution des agrégats protéiques caractéristiques de cette maladie. La cinnamaldéhyde se lie aux résidus d’un acide aminé (la cystéine) de la protéine dite « protéine tau » et inhiberait son agrégation. L’épicatéchine, déjà connue comme un puissant antioxydant, aurait la propriété d’interagir avec la cystéine de la protéine tau et fournirait également une protection comparable à celle conférée par la cinnamaldéhyde.

Pas d’extrapolations hâtives

En juin 2011 un travail préliminaire allant dans le même sens avait été publié dans la revuePLoS ONE2. Il s’agissait alors d’une étude menée sur un modèle de souris atteintes d’une forme de maladie d’Alzheimer.

Aussi intéressantes que soient ces démonstrations in vitro ou expérimentales, elles ne doivent pas pourtant être extrapolées. Rien ne justifie notamment de consommer de fortes doses de cannelle3 en espérant qu’elle pourrait conférer des propriétés préventives. De nombreuses études complémentaires sont nécessaires. Elles seules permettront de dire si des extraits deCinnamomum verumpourront ou non avoir des vertus dans le traitement d’une maladie en constante progression, qui résiste aux quelques médicaments que l’on croyait jusqu’à ces derniers temps pouvoir être efficaces contre elle.

 

1. Cette étude a été publiée dans le Journal of Alzheimer's Disease. On en trouvera un résumé ici (en anglais).

2. L’étude a été menée par des chercheurs de l'Université de Tel-Aviv et de la North Western University. On trouvera ici le texte complet (en anglais) de cette publication.

3. A noter cette étrange pratique qu’est le «défi de la cannelle». Il consiste à tenter d'avaler (sans recracher) une pleine cuillerée de cannelle en poudre en moins d’une minute et sans ingérer rien d'autre. Les expériences répétées montrent qu’il est excessivement difficile d'avaler une telle quantité sans tousser et s'étouffer. Des conséquences très graves ont été enregistrées. Ce défi est parfois filmé et des vidéos mises sur Youtube ou sur d'autres sites analogues rencontrent un succès grandissant depuis 2010.

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