Une morsure de tique peut rendre allergique à la viande

Dernière mise à jour 15/07/20 | Article
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L’allergie à la viande est une maladie émergente causée par les tiques. Elle se répand en Europe depuis les États-Unis. Quelques cas ont déjà été observés en Suisse.

Baby-boom chez les tiques

En Suisse, il existe une vingtaine d’espèces de tiques et elles se portent plutôt bien, merci ! Leurs lieux de prédilection sont les sous-bois, essentiellement les lisières de forêts et les bordures de sentiers, où elles se tiennent en embuscade à moins de 1,5 mètre du sol.

Elles sont au taquet dès l’arrivée du printemps, avec un pic d’activité au mois de mai. Et plus les hivers sont doux, plus elles prolifèrent. Le réchauffement climatique arrange donc bien leurs affaires. Les tiques progressent actuellement d’environ 50 kilomètres par année vers le nord, aidées par les oiseaux migrateurs. On en trouverait donc de plus en plus dans des pays comme le Canada, par exemple. De plus, elles se hasardent à coloniser des montagnes toujours plus hautes – jusqu’à 2000 mètres d’altitude en Suisse. Selon l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), à Lyon, tout cela confirme la progression des tiques du fait du changement climatique.

On connaissait l’allergie au pollen, au gluten, au glucose, voici l’allergie à la viande. Depuis 2009, des milliers de personnes dans le monde sont arrivées aux urgences après avoir mangé de la viande. Cette maladie a été observée tout d’abord aux États-Unis, puis en Australie, en France et enfin en Suisse, où quelques cas ont déjà été enregistrés depuis 2017. Plus de 17 pays seraient touchés sur les cinq continents.

Mais il aura fallu plusieurs années pour identifier la cause de cette maladie émergente : les tiques. Les médecins ont commencé par faire le lien entre certaines violentes réactions allergiques et l’ingestion de viande. En questionnant les patients, ils ont appris ensuite que plus de 80% d’entre eux avaient été mordus quelque temps auparavant par une tique. Fait intéressant, ils habitaient dans des régions correspondant à des zones d’infestation par ces acariens. Enfin, des tests ont révélé la présence anormale, dans le sang des patients, d’anticorps (soit des protéines sécrétées par le système immunitaire pour se protéger contre une agression) de type IgE. Or, ces anticorps s’attaquent spécifiquement à l’alpha-gal, un composé sucré mais que l’on retrouve dans les viandes de mammifères, à l’exception de certains primates dont nous faisons partie.

Une maladie qui s’étend en Europe

L’explication était donc simple: les tiques véhiculent des molécules d’alpha-gal provenant d’animaux qu'elles ont mordus – vaches, moutons, etc. Lorsqu’elles s’attaquent à nous, elles peuvent nous transmettre, via leur salive, une quantité d’alpha-gal, d’où une sensibilisation de notre organisme et donc un risque d’allergie lors des expositions suivantes. Notre corps va en effet considérer cette molécule comme un corps étranger. Pour des raisons qui ne sont pas encore bien élucidées, chez certains individus la réaction immunitaire est si forte que le seul moyen d’éviter de refaire une allergie à la viande est de renoncer à en consommer.

Jusque vers 2009, on croyait le phénomène limité aux États-Unis. La tique la plus répandue dans le pays, baptisée Lone Star, en raison de sa forme étoilée et de son mode de vie célibataire, avait été reconnue coupable.

Mais ensuite, des cas d’allergie semblables ont été signalés en Australie, puis en Europe, dans des pays où Lone Star n’a pourtant jamais élu domicile, comme l’Espagne, l’Allemagne et la Suède, selon le Centre national de référence pour les maladies transmises par les tiques (CNRT), basé à Spiez. D’autres espèces de tiques sont donc impliquées. En l’occurrence, Ixodes holocyclus en Australie et Ixodes ricinus en Europe. «Il semble que l’allergie à la viande ne soit pas due à une espèce de tique particulière, mais à un sucre, l’alpha-gal qui est assez commun chez les tiques et qui a probablement très peu muté au cours de l’évolution», explique le Pr Philippe Eigenmann, médecin adjoint agrégé et responsable de l’Unité d’allergologie pédiatrique des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). «Il y a des raisons de penser que le nombre de cas va progresser en Europe, notamment à cause de l’adoucissement des températures», ajoute-t-il.

L’allergie peut se déclarer à n’importe quel âge et porter sur un large éventail de viandes: bœuf, porc, cheval, agneau, mouton, gibier, cheval, lapin, etc. Les symptômes sont, le plus souvent, des manifestations gastro-intestinales telles que douleurs digestives, diarrhées et vomissements. Mais le tableau clinique peut inclure de l’urticaire, des démangeaisons avec éventuellement éruptions cutanées, des gonflements (notamment au niveau du visage), ainsi que des vertiges et des étourdissements.

Un risque d’allergies à répétition

Le déroulement des cas rapportés dans les revues scientifiques est invariable. Tout d’abord, la personne se fait mordre par une tique. L’incident lui semble anodin. Mais quelques jours, semaines ou mois plus tard, elle mange un morceau de viande, sans se douter que cette fois-ci, la digestion ne va pas bien se passer. Les symptômes apparaissent environ trois à six heures après le repas. «Pour une réaction d’hypersensibilité, c’est inhabituellement long», remarque Philippe Eigenmann. La plupart des allergies alimentaires courantes (arachides, crustacés, par exemple), se manifestent dans la demi-heure qui suit l’exposition. Cet effet différé suggère une réaction en lien avec l’absorption des graisses animales au niveau de l’intestin.

Surtout, le fait qu’il puisse s’écouler plusieurs semaines entre une morsure de tique et une brusque réaction allergique complique le diagnostic, car il n’est pas facile de faire le rapprochement. Or, tant que le problème n’a pas été identifié, il y a un risque d’allergies à répétition. Certains spécialistes pensent d’ailleurs que la maladie reste si peu connue qu’elle est sous-diagnostiquée. Ainsi, des chercheurs de l'Université de Virginie ont répertorié environ 4000 cas aux États-Unis, mais, de leur propre aveu, il se pourrait qu’il y en ait en réalité plus du double.

Il n’existe pas de traitement curatif, mais on peut administrer des médicaments spécifiques contre les réactions allergiques (histaminiques) et les symptômes disparaissent alors habituellement en moins de deux heures. On dispose également de tests sanguins efficaces. Reste ensuite à changer son alimentation pour résoudre enfin le problème. Le mieux est évidemment d’éviter de se faire mordre par une tique. Pour cela, on conseille de porter des habits couvrants lors des promenades en forêt, d’examiner attentivement toute la surface de son corps une fois de retour à la maison et de retirer au plus vite les tiques qui auraient eu le temps de se fixer sur la peau. On peut aussi vaporiser ses vêtements avec des sprays insectifuges.

Un vaccin et des antibiotiques

En Suisse, les deux principales pathologies transmises par les tiques restent la borréliose et la méningo-encéphalite à tiques. Également appelée maladie de Lyme, la borréliose affecte la peau, les articulations et, plus rarement, le cœur. Elle peut se guérir avec des antibiotiques, mais entraîne parfois des infirmités si elle n’est pas ou mal soignée.

La méningo-encéphalite à tiques (l’encéphalite étant uneinflammation du cerveau) évolue généralement en deux phases, avec des premiers symptômes rappelant la grippe, suivis de troubles neurologiques (maux de tête, sensibilité à la lumière, vertiges, etc.) Il n’existe aucun traitement spécifique, mais un vaccin est disponible en Suisse. Il est recommandé à toutes les personnes qui vivent ou séjournent dans des régions à risque.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 21/06/2020.

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