L’exercice ne suffit pas à lutter contre l’obésité mais y contribue

Dernière mise à jour 20/07/15 | Article
L’exercice ne suffit pas à lutter contre l’obésité mais y contribue
Des scientifiques affirment qu’il est inutile de pratiquer une activité sportive pour perdre du poids et que tout est déterminé par les apports caloriques. Une thèse que tempèrent de nombreux spécialistes.

De quoi on parle

Fin avril dans le British Journal of Sports Medicine, trois scientifiques ont créé la controverse en soutenant que l’activité physique ne joue aucun rôle dans la lutte contre l’obésité. Les gérants de fitness vont-ils devoir mettre la clé sous la porte? Cette conclusion provocatrice est, selon de nombreux médecins, abusive. L’exercice favorise bien la perte de poids, même si son rôle est moins important que celui d’une alimentation saine et faiblement calorique. Surtout, l’exercice physique prévient de nombreuses maladies chroniques, quel que soit le poids.

C’est un gros pavé dans la mare. Dans un éditorial paru dans le British Journal of Sports Medicine fin avril, trois scientifiques affirment que l’activité sportive serait inutile pour lutter contre l’obésité. Une opinion qui a évidemment fait grand bruit. Mais ne rangez pas les baskets tout de suite. La réalité n’est pas si simple.

Tout d’abord, rappelons que l’obésité –qui se définit par un indice de masse corporelle supérieur à 30– augmente le risque de nombreuses maladies, dont les maladies cardiovasculaires, l’hypertension, le diabète ou encore certains cancers. Lutter contre l’obésité représente donc une priorité de nos sociétés modernes. Jusqu’à maintenant, les spécialistes recommandaient généralement de manger équilibré mais aussi de bouger davantage.

Faut-il remettre cela en question? Selon les auteurs de cet éditorial, l’essentiel pour perdre du poids n’est pas de «brûler» plus de calories avec de l’exercice quotidien mais bien d’opter durablement pour des apports alimentaires plus sains et moins importants.

Car, écrivent-ils, «l’activité physique ne favorise pas la perte de poids». Perdre ou gagner du poids résulte de la différence entre les apports et les dépenses énergétiques. Combien d’énergie absorbe-t-on en mangeant? Et combien en dépense-t-on quand on fait de l’exercice ou quand l’on est au repos? Si on emmagasine plus d’énergie qu’on en dépense, on prend du poids. Dans le cas contraire, on en perd.

Le problème est qu’«il est beaucoup plus facile d’ingérer des calories que d’en brûler», explique le professeur Alain Golay, chef du service d’enseignement thérapeutique des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Professeur à l’Institut des sciences du sport à Lausanne, Bengt Kayser rappelle les chiffres: «Il suffit d’un excès calorique quotidien de 1% –un morceau de sucre!– pour prendre un kilo de graisse en un an. En comparaison, la dépense énergétique de la course à pied est d’une calorie par kilomètre par kilo de poids corporel. Autrement dit, pour brûler ce kilo de graisse, une personne de 90 kilos devra courir 100 kilomètres.»

Sollicitation permanente

Mais tout le monde sait que le problème de la perte de poids, ce n’est pas d’obtenir des résultats pendant quelques semaines, mais de conserver cet acquis pendant une longue période. Un autre élément est par ailleurs bien établi: les régimes ne servent à rien. Au contraire, ils ont tendance à favoriser la reprise de poids, via le fameux effet yo-yo. Alors que faire?

Pour le long terme, l’exercice s’avère crucial. «La recette pour maintenir un poids donné, c’est une activité physique largement accrue et un comportement alimentaire qui permette l’équilibre», insiste le professeur Kayser. «Avec les sollicitations gustatives omniprésentes aujourd’hui, il est quasi impossible de garder son poids sans activité physique», renchérit le professeur Golay.

En chiffres

30: indice de masse corporelle (IMC) à partir duquel on parle d’obésité. Pour le calculer, on divise le poids (en kilos) par la taille (en mètre au carré). Pour un individu mesurant 1,70 m et pesant 60 kilos, il est donc de 20,7. Au-delà de 40, il s’agit d’obésité morbide.

102 cm: la mesure du tour de taille permet de détecter le stockage des mauvaises graisses au niveau de l’abdomen. Au-delà de 102 cm, un homme augmente les risques de souffrir de maladies cardiovasculaires. Chez la femme, c’est à partir de 88 cm.

L’exercice agit sur le long terme, complète le professeur François Pralong, chef du service d’endocrinologie au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). «L’apport majeur de l’activité physique dans une dynamique de stabilisation, voire de perte de poids, c’est qu’elle permet de conserver de la masse maigre, soit du muscle.» Mais aussi d’augmenter le métabolisme de base, rappelle le professeur Kayser. Les muscles sont loin d’être des moteurs inertes, ils «produisent de nombreuses substances apparentées à des hormones qui "parlent" au cerveau, aux intestins, aux tissus graisseux. C’est pour cela qu’il faut garder ses muscles en forme. Ils ont un effet positif sur la sensation de faim et sur la dépense énergétique. Au repos, une personne musclée brûle ainsi davantage d’énergie.»

Aux yeux des experts romands, l’éditorial du British Journal of Sports Medicine a donc tort. L’exercice contribue au contrôle du poids corporel. Il joue un rôle aussi important qu’une alimentation saine (un minimum de plats préparés et de sucre, un maximum de fruits, de légumes et des portions raisonnables).

Prendre le risque de bouger

La lutte contre l’obésité est plus qu’une simple question de poids affiché sur la balance. Pour le professeur Kayser, «se concentrer essentiellement sur le poids corporel sain, c’est se tromper de cible. Scientifiquement, il est de plus en plus clair qu’il existe une différence entre fitness (forme) et fatness (obésité). Le fait d’être en forme, sa capacité à augmenter son effort sur un temps donné, prédit de manière très importante le risque de mortalité ou de maladies chroniques.» On estime ainsi qu’une personne en surpoids – voire même légèrement obèse– mais suffisamment active, a le même risque de mortalité et de maladie chronique qu’une personne avec une corpulence saine.

En résumé, il faut bouger au quotidien et essayer de faire un peu de sport. Cela ne permet pas forcément de perdre du poids –pour cela, il faut aussi adopter une alimentation saine et équilibrée– mais l’activité physique est un investissement précieux pour la santé. Même les auteurs de l’éditorial controversé le soulignent: «Trente minutes d’activité physique de moyenne intensité, cinq fois par semaine, sont un remède plus efficace que de nombreux médicaments pour prévenir et contrôler les maladies chroniques.»

Bouger, oui, mais combien de temps et à quelle fréquence?

Tous les experts s’accordent sur ce fait: pour éviter l’obésité et réduire le risque de développer une maladie chronique, il faut bouger tous les jours et ne pas céder à la sédentarité. Soit. Mais comment le traduire concrètement? L’OMS recommande au moins trente minutes d’exercice d’intensité modérée, cinq fois par semaine. «Pour mesurer la dépense d’énergie quotidienne d’un individu, explique le Pr Begt Kayser, de l’Institut des sciences du sport à Lausanne, on calcule combien d’énergie la personne dépense par rapport à une situation de repos.» L’activité physique doit être suffisante pour compenser les apports énergétiques superflus. Pour équilibrer sa balance personnelle, il faut pratiquer une activité physique quotidienne (vélo ou marche à pied) et la combiner avec la pratique d’un sport quelques fois par semaine. Pour autant, aucun mouvement n’est perdu, souligne le Pr Golay, des HUG. «Le plus grand bienfait pour la santé, c’est de sortir de l’inactivité, puis de la sédentarité. Comptez vos pas dans la journée, faites-en au moins 4000, et idéalement 10000.»

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