Une épidémie de maladie du soda menace les Occidentaux

Dernière mise à jour 31/10/18 | Article
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La maladie du foie gras humain fait de plus en plus parler d’elle. Elle pourrait concerner près d’un quart de la population et, chez certaines personnes, conduire à des complications sévères. Bonne nouvelle: dans la plupart des cas, une bonne hygiène de vie peut suffire à faire régresser la maladie.

L’été est pour beaucoup la période de l’année où les bonnes résolutions sont mises de côté. Après des mois d’efforts pour suivre les injonctions –nombreuses– afin de se sculpter un «beach body» digne de ce nom, la pression retombe enfin. Les barbecues succèdent aux petits restaurants du coin, avec glaces et churros au goûter et quelques tapas ou autres spécialités locales à l’heure de l’apéro. Les ingrédients idéals sont réunis pour mettre le foie à rude épreuve. Car non, il n’y a pas que l’alcool (surconsommé aussi en été) qui soit nocif pour cet organe: sucres, gras et surcharge calorique au quotidien font le lit de la stéatose hépatique, aussi appelée maladie du foie gras. Terminez votre esquimau tranquillement, vos deux semaines de relâchement ne mettront sans doute pas votre foie en danger. Mais c’est l’occasion de jeter un œil à votre hygiène de vie habituelle, et peut-être de penser à vos –nouvelles– bonnes résolutions de rentrée!

Maladie insidieuse

Limiter le fructose

Présent en petite quantité dans les fruits, le fructose l’est surtout dans le sucre blanc, qui en contient 50%, et dans de nombreux aliments sous forme de «sirop de glucose-fructose». «Contrairement au glucose, le fructose est principalement métabolisé par le foie, où il produit notamment des acides gras qui vont être stockés, et ainsi potentiellement contribuer à la stéatose hépatique», explique Kévin Seyssel, chercheur au département de physiologie de l’Université de Lausanne. Le chercheur insiste cependant, «le phénomène de foie gras ne se produit pas si apports et dépenses énergétiques sont équilibrés». Boire du soda n’est pas recommandé, mais n’a pas le même impact si l’on mange équilibré et que l’on a une activité physique régulière. «Le sucre avalé sous forme liquide est cependant pire que celui présent dans les aliments solides, précise le chercheur. C’est un peu comme si l’organisme ne tenait pas compte de ces calories bues, elles s’ajoutent donc aux autres apports alimentaires, et conduisent inexorablement à un excédent.»

Le foie est un organe bien discret, dont nous sommes bien peu à nous préoccuper. Et pour cause: le foie n’est pas douloureux, et quand les premiers symptômes se font sentir, la maladie hépatique est souvent à un stade avancé. La maladie du foie gras, aussi appelée maladie du soda, ne fait pas exception. Pourtant nombreux sont celles et ceux qui sont concernés. La fréquence de cette pathologie augmente régulièrement depuis plusieurs années, en parallèle de celle de l’obésité. Selon les spécialistes, en moyenne 25% de la population pourraient avoir un foie gras dans les pays européens, mais les chiffres varieraient de 5 à 44% selon les pays.

«Parmi ces personnes, on estime que 10% pourraient ensuite développer une NASH», précise Nicolas Goossens, chef de clinique du service de gastroentérologie et hépatologie des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). La stéatose hépatique non-alcoolique, ou NASH (non-alcoholic steato-hepatitis), est une complication où l’accumulation de gras dans les cellules du foie s’accompagne d’une inflammation, puis d’une fibrose. A terme, la NASH peut conduire à une cirrhose et/ou à un cancer du foie. «La NASH est inquiétante dans la mesure où certains patients développent un cancer sans même passer par le stade cirrhose, souligne Nicolas Goossens. Dans les années 2000, 2 à 4% des cancers du foie étaient diagnostiqués sur des foies non-cirrhotiques. En 2014, on atteignait les 16%.» De plus en plus de transplantations hépatiques sont ainsi dues à une NASH.

Des risques dès l’enfance

Il a été montré qu’une variation génétique, le polymorphisme PNPLA3, est associée à un plus fort risque de développer une NASH. Sa fréquence est particulièrement élevée chez les Hispano-Américains, les Mexicains, mais aussi les Japonais et les Coréens du Sud. Environ 10% des personnes atteintes de NASH sont de poids normal, un constat que les scientifiques ne parviennent pas encore à expliquer. «La majorité des patients que nous recevons en consultation pour une suspicion de NASH présentent effectivement un surpoids, associé le plus souvent à d’autres symptômes du syndrome métabolique, tels que diabète, hypercholestérolémie, résistance à l’insuline, voire une hypertension artérielle», relève la Dre Cristina Marcu, hépatologue au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).

Face à des apports alimentaires trop importants, les cellules du foie commencent à stocker l’excédent sous forme de graisses. Mais la nourriture grasse n’est pas la principale cause, le rôle du sucre est aujourd’hui de plus en plus mis en avant, celui du fructose en particulier (lire encadré). Ce produit se retrouve pour 50% dans le sucre blanc (saccharose) et en plus grande quantité dans le «sirop de glucose-fructose» présent sur les étiquettes de bien des aliments industriels. La NASH a d’ailleurs été surnommée maladie du soda car ceux qui en souffrent consomment souvent ce type de boissons. Et les plus jeunes sont en première ligne. «S’il faut de longues années avant que la maladie ne se déclare, on sait que surpoids et obésité durant l’adolescence sont associés à un risque plus élevé de pathologies hépatiques à l’âge adulte, prévient Vlad Ratziu, hépatologue à la Pitié Salpêtrière (Paris) et professeur à la Sorbonne Université. On assiste d’ailleurs depuis quelques années à une diminution de l’âge auquel les patients atteignent un stade sévère de la maladie.»

Une régression possible

Bien que de nombreux laboratoires pharmaceutiques se soient lancés dans une véritable course pour mettre un médicament contre la NASH sur le marché, à ce jour aucune molécule n’est reconnue par les autorités sanitaires pour cette maladie. Quatre candidats-médicaments sont cependant dans la dernière ligne droite des essais cliniques et pourraient être disponibles dans les prochaines années. Mais la promesse d’une prise en charge médicamenteuse ne doit pas faire oublier que la NASH peut régresser, dans de nombreux cas, grâce à une amélioration de l’hygiène de vie. «Nous revoyons toujours les règles hygiéno-diététiques avec nos patients, et nous leur fixons un objectif de perte de poids d’environ 7%. Tout l’enjeu est de maintenir cette perte sur le long terme», détaille Cristina Marcu.

La maladie régresse d’autant mieux qu’elle est détectée à un stade précoce. Mais pour l’heure le diagnostic repose sur un examen invasif, la biopsie de foie, qui n’est pas prescrite en première intention. De nombreux laboratoires, académiques et privés, travaillent donc au développement de biomarqueurs qui permettraient, de manière simple (avec une prise de sang par exemple), de diagnostiquer la maladie, d’en prédire l’évolution, voire d’évaluer l’efficacité de la prise en charge. En l’absence de ces marqueurs, le rôle des médecins de premiers recours reste crucial pour repérer les patients à risque. La NASH fait partie des complications possibles du diabète, alors qu’encore trop peu de patients diabétiques consultent un hépatologue, soulignent ainsi les spécialistes.

Le rôle du microbiote mieux compris

Après près d’une décennie de recherches, une équipe réunissant des chercheurs français, anglais et italiens est parvenue à montrer comment certaines bactéries du microbiote intestinal participent au stockage de gras dans le foie. Ces travaux, publiés récemment dans la revue Nature Medicine, s’appuient sur une cohorte originale de 800 personnes obèses, présentant ou non un foie gras, et suivies depuis 2009. «Grâce à la collecte et l’analyse d’une grande quantité de données biologiques, nous avons montré que le chemin vers la maladie est pavé de certaines bactéries, de certains gènes bactériens et de certaines molécules produites par les bactéries», illustre le Pr Rémy Burcelin, directeur de recherche Inserm, et coordinateur du projet. Un composé, l’acide phénylacétique, semble particulièrement en cause. Administré à des souris, il a provoqué l’accumulation de gras dans le foie des animaux. La transplantation de microbiote provenant de patients avec un foie gras a produit le même effet.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 26/08/2018.

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