Garder la ligne: une utopie?

Dernière mise à jour 06/10/15 | Article
Garder la ligne: une utopie?
On sait qu’un individu dont les deux parents sont obèses a 80% de risque de le devenir à son tour, alors que ce risque n’est que de 10% quand les parents ont un poids sain. Y aurait-il alors un gène du poids?

«Non, répond le Dr Dimitrios Samaras, spécialiste en nutrition à Genève. Si plusieurs gènes jouent un rôle dans le poids, les parents obèses transmettent surtout leur façon de manger». Un avis que partage la Dresse Dominique Durrer, médecin spécialiste de la nutrition et de l'obésité à Vevey: «On attribue un tiers à la génétique et deux tiers aux habitudes de vie, soit à l’alimentation et au degré d’activité physique. D’où l’importance pour les parents d’accompagner leurs enfants dans le mouvement, de leur donner la possibilité d’essayer différents sports et de leur proposer une alimentation adéquate en termes de quantité et de qualité».

L’obésité se dessine très tôt

Le destin du poids se dessine très tôt dans la vie. Plusieurs facteurs de risque d’obésité ont en effet été décrits. Parmi les facteurs susceptibles d’augmenter les risques d’obésité chez l’enfant, on trouve l’obésité de la mère avant la grossesse, une prise de poids excessive et le tabagisme durant les neuf mois de gestation, un poids de naissance élevé (risques doublés au-dessus de 4 kg), un nombre d’heures de sommeil insuffisant pour le bébé (moins de 12 heures), etc.

Lorsqu’on observe un excès pondéral chez l’enfant, il est capital d’intervenir le plus tôt possible (avant 12 ans) pour éviter que le problème ne perdure à l’âge adulte et qu’il n’entraîne des conséquences sur la santé. Les parents ont un rôle central à jouer, car ils transmettent à leurs enfants des habitudes et un certain comportement alimentaire.

Vieillir c’est grossir?

Comment le poids évolue-t-il au cours de la vie? Maintenir un poids stable est recommandé, mais une prise de 10 kg est considérée comme acceptable et normale entre 20 et 60 ans. Ce sont surtout les variations importantes et rapides de poids qu’il faut éviter, confirme la Dresse Durrer, «il est préférable d’avoir un léger surpoids constant, à condition de rester actif».

De manière naturelle, nous prenons du poids avec l’âge et notre composition corporelle se modifie. On perd de la masse musculaire au profit de la graisse: «Nos tissus ont tendance à consommer moins d’énergie, donc si on avale les mêmes quantités, on risque de prendre du poids», décrit la spécialiste. Le poids augmente d’autant plus si une certaine sédentarité s’installe. Mais pour le Dr Samaras, ce n’est pas inéluctable. On peut garder son poids si on décide de rester physiquement actif.

Cette prise de poids due à l’âge est toutefois plutôt salutaire. Un léger surpoids est en effet protecteur à l’égard des risques de fractures, d’ostéoporose et de maladies en général qui augmentent avec l’âge. Pour ces raisons, on tolère un indice de masse corporel plus élevé. Après l’âge de 75 ans, la norme n’est plus entre 22 et 23 mais entre 25 et 27.

Pourquoi je grossis?

Indépendamment de l’âge, un excès de poids s’installe lorsqu’il y a un déséquilibre entre les apports caloriques et les dépenses énergétiques. Mais des facteurs sociaux, comportementaux et psychologiques jouent également un rôle. Un changement de profession impliquant moins d’activité physique ou l’arrêt soudain d’une pratique sportive pèsent généralement sur la balance.

Certaines étapes de la vie sont également plus à risque de favoriser une prise de poids. Chez l’homme, il semblerait que le mariage en soit une, selon la Dresse Durrer. Chez la femme, c’est la grossesse qui peut favoriser la prise de poids (si des kilos s’accumulent après chaque grossesse), mais également la ménopause en raison des modifications hormonales qu’elle implique.

Les grands stress de la vie (déménagement, décès d’un proche, rupture, changements de profession) sont susceptibles aussi de perturber notre alimentation et d’induire une prise (voire une perte dans certains cas) de poids notable.

L’arrêt du tabagisme, malgré ses importants bénéfices sur la santé, peut occasionner une prise de poids de 5 kg en moyenne un an après le sevrage. «D’une part car la suppression de la nicotine abaisse le métabolisme de base, d’autre part parce que la relation addictive à la cigarette a tendance à se reporter sur la nourriture», commente le Dr Samaras.

10 conseils pour maintenir un poids stable

  1. Adopter une alimentation équilibrée. Limiter le plus possible la nourriture industrielle trop riche en sucre et en graisse. Manger varié sans avoir des aliments tabous («plus de chocolat») au risque de provoquer des frustrations, sources de mauvais comportements alimentaires.
  2. «Manger comme un roi le matin, comme un riche à midi et comme un pauvre le soir». Pour le Dr Samaras, l’adage est plein de fondement. Le soir, il recommande de diminuer les féculents et de privilégier les légumes et les protéines.
  3. Manger lentement.
  4. Après avoir mangé les trois quarts de votre assiette, se demander si on a encore faim. Si ce n’est pas le cas, laisser ce qui reste.
  5. Anticiper les grosses faims en prenant des collations (sans grignotage!) entre les repas.
  6. Rester à l’écoute des sensations de faim et de satiété.
  7. Introduire du plaisir autour de la table, par exemple en cuisinant soi-même.
  8. Dormir suffisamment selon ses besoins. Un mauvais sommeil–apnées et ronflements–est un des facteurs de risque d’obésité. Rester éveillé tard incite à manger davantage.
  9. Bouger régulièrement, dans un objectif de plaisir. L’activité physique idéale est celle qu’on arrive à maintenir sur le long terme.
  10. Bannir les régimes restrictifs au risque de tomber dans le redoutable effet yoyo. Pour affiner sa silhouette, s’adresser à un spécialiste pour un programme (nutrition et activité physique) personnalisé.

Pourquoi il ne faut pas faire de régime

Un autre facteur nocif et plus inattendu sont les régimes restrictifs qui, en plus d’être inefficaces, conduisent à une prise de poids à long terme. Les chances de succès sont de «5% à 5 ans», pose d’emblée la Dresse Durrer. C’est à cause de l’effet yoyo qu’ils provoquent que les régimes sont proscrits par les spécialistes. Les diètes qui promettent des résultats rapides font d’abord fondre la masse maigre (muscles et eau) et non la graisse, qui est pourtant notre ennemi numéro un! Or, à force, il en résulte une baisse du métabolisme de base: notre corps consomme moins d’énergie au repos, même lorsque l’on reprend une alimentation normale. Les conséquences psychologiques ne tardent pas. La fatigue et la frustration s’installent, et c’est alors la porte ouverte à une reprise de poids–et en premier de la graisse. La reprise de kilos sera d’autant plus importante qu’on n’a pas renoncé à ses mauvais réflexes alimentaires. A la longue, la composition corporelle se modifie, la proportion de tissu adipeux gagnant toujours plus de terrain. Conséquence: il devient toujours plus difficile de maigrir. Les kilos restent, s’accumulent et l’estime de soi s’en ressent.

A quelle fréquence se peser?

Le suivi quotidien du poids grâce aux balances et autres bracelets connectés est tendance, mais est-ce une bonne idée? Pas vraiment. Si l’historique du poids a un intérêt sur le long terme, monter tous les jours sur la balance pourrait rendre obsessionnel et déclencher des troubles du comportement alimentaire. De plus, cela ne donne pas des informations très pertinentes, le poids pouvant varier en moyenne de 2% d’un jour à l’autre. Les variations de poids aiguës et soudaines ne sont en effet pas dues à une augmentation de la graisse mais à la rétention de liquide, causée par exemple par une alimentation trop salée. Une femme peut prendre jusqu’à deux kilos d’eau avant ses règles. A l’inverse, une forte mobilisation des réserves en glycogène lors d’une performance physique diminue drastiquement nos réserves en eau, donc notre poids. Il est donc suffisant de se peser une fois par mois, de préférence le matin à jeun, en sous-vêtements et après avoir été aux toilettes.

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