Mission: petit-déjeuner (presque) parfait!

Dernière mise à jour 16/07/20 | Article
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«Manger comme un roi le matin, comme un prince le midi, comme un pauvre le soir»: cet adage bien connu est confirmé par une récente étude menée en Allemagne. A la clé de cette stratégie? Probablement un moindre risque d’hyperglycémie et d’obésité.

Et si tout, ou presque, se jouait à la table du petit-déjeuner? L’étude tout juste parue dans la revue The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism* et menée par une équipe de chercheurs de l’Université de Lübeck, en Allemagne, a de quoi susciter de nouvelles résolutions, dès le saut du lit.

Le principe des investigations entreprises: observer les effets d’un petit-déjeuner hypocalorique (seulement 11% des besoins journaliers individuels en calories) couplé, le jour même, à un repas du soir riche en calories (69% de ces mêmes besoins). Puis les comparer avec l’option inverse, à savoir un copieux petit-déjeuner et un souper léger. Pour ce faire, seize hommes en bonne santé, âgés de 23 ans en moyenne, ont été astreints, trois jours durant, à l’une et l’autre de ces deux combinaisons. En parallèle, tout au long de la journée, plusieurs paramètres physiologiques ont été mesurés. Parmi eux: la calorimétrie (mesure des dépenses énergétiques de l’organisme), la glycémie (taux de sucre dans le sang), le taux de cortisol (l’une des hormones rythmant le métabolisme), ainsi que la sensation de faim et l’envie de sucré.

A l’heure des résultats, le bilan a été sans équivoque: à quantité égale, les calories avalées au petit-déjeuner enclenchent une «thermogenèse induite par l’alimentation» – deux fois et demie supérieures à celle observée chez un individu ayant ingéré ces mêmes calories le soir. En clair, l’organisme brûle deux fois et demie plus de calories si le petit-déjeuner a été copieux et le repas du soir modeste, que lors de la situation inverse. Et ce n’est pas tout: en comparant petits-déjeuners hypercaloriques et hypocaloriques, les chercheurs ont constaté que la première option prémunit non seulement des pics de glycémie et de cortisol pour le reste de la journée, mais également qu’elle limite les envies de grignoter des produits sucrés. Autant d’effets que l’on sait essentiels pour prévenir surpoids et obésité.

Que penser de cette étude? «Sa méthodologie très sérieuse la rend tout à fait solide», salue le Pr Claude Pichard, médecin responsable de l’Unité de nutrition aux Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Elle va d’ailleurs dans le sens des recommandations actuelles, freinant notamment les repas trop riches le soir, que ce soit pour des questions de contrôle du poids ou de qualité de sommeil. «On pourrait toutefois lui reprocher le manque d’informations sur la nature des aliments consommés, le faible nombre de participants, leur jeunesse, bonne santé, indice de masse corporel et quantité de sommeil à la limite de la perfection, poursuit le spécialiste. Ce parti pris fait craindre que les résultats ne soient pas transposables à toute la population. Qu’en est-il en effet pour les personnes en surpoids, ou à l’inverse trop maigres, travaillant la nuit ou dormant de façon fragmentée, par exemple?»

Car en effet, même si l’étude laisse à penser que notre organisme préférerait les soirées raclette de bon matin plutôt qu’après le ski, nos quotidiens, goûts et envies multiplient le champ des possibles en matière de petit-déjeuner. D’où plusieurs questions…

Gras, sucré, salé, protéiné: existe-t-il une recette idéale?

«Après une nuit de jeûne qui a duré quelque 10 à 12 heures, la priorité est de réhydrater le corps, lui apporter les protéines indispensables au métabolisme et les glucides permettant de reconstituer le stock de glycogène entamé pendant le sommeil», rappelle le Pr Pichard. Pour ce faire, l’expert conseille pour les protéines de puiser parmi des sources saines: produits laitiers, blanc d’œuf, poisson, viande blanche (dinde). Pour les glucides: céréales sans sucres ajoutés et jus de fruits, par exemple.

Qu’en est-il des besoins en graisses à l’heure de préparer des tartines? «La consommation de matières grasses au petit-déjeuner est possible, mais pas indispensable, estime le médecin. Et pour cause, la plupart d’entre nous avons les réserves suffisantes en graisses pour tenir jusqu’au repas de midi. Toutefois, si la matinée s’annonce longue ou éprouvante, un apport en lipides permet de freiner la digestion. Autrement dit, que la faim survienne moins tôt».  

Que faire si l’on n’a vraiment pas faim le matin?

«Ne pas se forcer, répond le Pr Pichard. Car se contraindre à consommer un petit-déjeuner alors que l’on n’a pas faim, revient à ajouter un repas dans une journée qui de toute façon aurait compté suffisamment de calories.» La raison: les personnes peu enclines au festin dès le matin structurent différemment leurs apports sur la journée, mais couvrent bel et bien leurs besoins.

Faut-il forcer les adolescents, soudainement réfractaires à l’idée d’un petit-déjeuner?

«Si les adolescents ne mangent pas le matin, ce n’est pas forcément parce qu’ils n’ont pas faim, souligne la Dre Nathalie Farpour Lambert, médecin associée agrégée, responsable du Programme de soins Contrepoids des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG). Bien souvent, ils sont surtout encore dans leur nuit, en retard ou dans des préoccupations toutes autres que celle de prendre un bon petit-déjeuner.» Le minimum à négocier? «Un verre d’eau pour se réhydrater, estime l’experte. Et si possible, un morceau de pain complet, une portion de céréales sans sucres ajoutés, un produit laitier ou un fruit. Ces apports, même modestes, aident entre autres à la concentration, qui sera nécessaire en cours tout au long de la matinée.» Si ces options ne sont pas envisageables avant de partir à l’école, l’idéal est de pouvoir emporter l’une d’elles pour 10 ou 11 heures. «Car tôt ou tard, la faim va arriver, et mieux vaut avoir anticipé pour éviter de se ruer sur n’importe quoi», suggère la spécialiste.

Encas à 10 h: bonne ou mauvaise idée?

«Si le petit-déjeuner est consommé très tôt ou qu’il s’inscrit dans une matinée éprouvante physiquement, en raison d’une activité sportive ou professionnelle entraînant des dépenses énergétiques élevées, une collation ne pose aucun problème», estime le Pr Pichard. Au contraire: «Le risque d’arriver à table le midi affamé peut avoir des conséquences désastreuses», confirme Sandrine Lasserre, diététicienne ASSD au cabinet Alpha Nutrition et membre de l’Antenne des diététiciens Genevois (ADiGe). Le risque? «Manger trop, trop vite, et se ruer sur des aliments en étant guidés par la faim plus que par nos besoins, ce qui biaise considérablement le choix du menu.» Et d’ajouter: «Et ces effets se poursuivent insidieusement sur le reste de la journée.» L’encas idéal? Si l’on pense instinctivement à un fruit, la spécialiste apporte une nuance: «Comme pour le petit-déjeuner, l’enjeu est d’éviter un pic brutal de glycémie. Une pomme ou deux clémentines par exemple conviennent bien, mais l’idéal est de les associer à des fibres (un morceau de pain aux graines, par exemple) ou à des lipides (comme un petit morceau de fromage), ce qui permet de temporiser la digestion et la montée de sucre dans le sang.

Feu vert donc pour un encas, à condition qu’il soit réellement nécessaire. Une nuance en effet soulignée par le Dr Pichard: «Dans la matinée, ce que l’on prend parfois pour de la faim, n’est autre qu’un besoin de faire une pause ou de se procurer un moment de réconfort dans un flot de stress ou de surcharge.» Au moment de craquer pour du chocolat, il peut donc être intéressant de se demander si l’on a réellement faim… Et l’expert de poursuivre: «Manger avec cette prise de conscience est important. Si l’on craque pour quelques carrés de chocolat à ce moment-là, ce n’est pas forcément dramatique, mais il faut en tenir compte pour le reste de la journée.» Car même s’ils nous paraissent modestes pris séparément les uns des autres, chacun de ces apports est comptabilisé sans concession par notre organisme.

Pourquoi la faim survenant dans la matinée peut-elle être pire si l’on prend un petit-déjeuner que si l’on s’abstient?

L’explication se trouve dans la composition du petit-déjeuner englouti. Sans prise alimentaire le matin, la glycémie reste à un taux stable et relativement bas. En effet, suite au jeûne de la nuit et, à moins d’une activité physique intense venant la modifier, la glycémie ne connaît pas de soubresaut majeur dans la matinée. La faim va arriver progressivement, mais a priori sans sensation d’hypoglycémie désagréable. En revanche, en cas de petit-déjeuner particulièrement sucré, le taux de sucre dans le sang grimpe en flèche. Conséquence: une ou deux heures plus tard, il retombe aussi vite qu’il est monté, générant fringale, envies de sucre, voire sensation de malaise. Le «meilleur» exemple? Les céréales gorgées de sucre spécialement concoctées pour séduire les enfants. «Certaines en contiennent jusqu’à 50%, s’alarme la Dre Nathalie Farpour Lambert. Faire manger un bol de ces céréales à ses enfants revient à leur donner un demi-bol de sucre en poudre! Alors, sans même parler des effets sur le poids sur le long terme, peu de temps après un tel petit-déjeuner, les enfants ont faim, sont irritables et agités. Cela est directement lié à leur glycémie qui s’effondre subitement.» L’idéal pour les petits (et les plus grands)? «Les aliments les plus “bruts“ possible, conseille l’experte. Pain complet ou semi-complet, produit laitier non sucré, beurre, morceau de fromage ou encore fruits frais sont à privilégier.» Et du côté des céréales? «Des versions plus saines, “sans sucres ajoutés“, voient le jour, poursuit la Dre Farpour Lambert. Parmi les repères: un taux de fibres idéalement au-dessus de 6 g pour 100 g et l’indication du Nutriscore. Si le produit affiche du vert, tout va bien; si la mention vire au rouge, le produit est à éviter.»

* Twice as High Diet-Induced Thermogenesis After Breakfast vs Dinner On High-Calorie as Well as Low-Calorie Meals, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, 3 mars 2020.

Le petit-déjeuner idéal? Suivez le guide

Apporter à l’organisme les nutriments dont il a besoin après une nuit de jeûne, tout en évitant pics de glycémie et fringales dans la matinée: c’est le challenge du premier repas de la journée. En panne d’inspiration? Voici quelques recettes proposées par Sandrine Lasserre, diététicienne ASSD au cabinet Alpha Nutrition et membre de l’Antenne des diététiciens Genevois (ADiGe).

Version «Classique»: le bircher müesli

Sa particularité: rassasiante et variée

Au menu:

  • Céréales sans sucres ajoutés (env. 50 g*): flocons d’avoine, épeautre ou mélange de plusieurs céréales, par exemple.
  • Produit laitier: lait (env. 2,5 dl), fromage blanc ou yaourt nature.
  • Mélange d’oléagineux (env. 30 g, soit l’équivalent de ce que contient le creux de la main): noix, noisettes, noix de cajou.
  • Fruit: une pomme, deux clémentines ou une poignée de fruits rouges, par exemple.
  • Boisson non sucrée: eau, thé ou café.

Version «Calories sous contrôle»: la tartine salée

Sa particularité: limitée en graisses et sucres

Au menu:

  • Céréales: pain complet ou semi-complet (env. 30-50 g).
  • Protéines: viande séchée, viande blanche, dinde par exemple (env. 40 g) ou cottage cheese (env. 100 g).
  • Matières grasses: beurre ou purée d’oléagineux (10 g).
  • Boisson non sucrée: eau, thé ou café.

Version «Journée sportive»: la tartine sucrée

Sa particularité: très digeste

Au menu:

  • Céréales: pain blanc ou semi-complet (env. 50 g).
  • Protéines: viande séchée, viande blanche, dinde par exemple (env. 40 g) ou cottage cheese (env. 100 g).
  • Glucides: miel (jusqu’à 20 g) ou fruit (entier ou, encore mieux, en compote).
  • Matières grasses: beurre (10 g).
  • Boisson non sucrée: eau, thé ou café.

* Ces quantités sont indicatives, elles varient selon les besoins individuels et l’activité physique prévue.

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Paru dans Le Matin Dimanche le 22/03/2020.

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