L’huile de palme, vraiment mauvaise pour la santé?

Dernière mise à jour 14/08/12 | Article
Viennoiserie
Cachée dans de nombreux aliments, elle est accusée d'être un des grands ennemis de la santé.

Cachée dans les biscuits, les plats préparés, les viennoiseries du supermarché, la mayonnaise en tube, le pain de mie, la fameuse pâte à tartiner aux noisettes, les céréales et bien d’autres produits, y compris bio, elle est rendue coupable de mille maux. Souvent considérée comme un ingrédient «politiquement incorrect», elle est accusée d’être un des grands ennemis de la santé. Qui est-elle? L’huile de palme bien sûr!

Tout d’abord, qu’est-ce donc au juste que cette graisse tant décriée? Il s’agit d’une huile végétale naturelle, issue d’un palmier spécifique, le palmier à huile Elaeis guineensis. Comparée aux autres huiles, elle est très riche en acides gras saturés (50%), accusés de s’accumuler dans les artères et de favoriser le cholestérol.

Mauvais gras bien caché

Dans son avis sur la «réévaluation des apports nutritionnels conseillés en lipides: ni trop, ni trop peu» rendu public en mars 2010, l’ANSES, Agence nationale de sécurité sanitaire (France), précise:

«les acides gras saturés sont consommés en excès par la population française (16% des apports énergétiques en moyenne alors que l’apport nutritionnel conseillé est inférieur à 12%). Ils sont notamment constitués d’acides laurique, myristique et palmitique qui, en excès, sont athérogènes»

Justement, vous l’aurez deviné, un des composants essentiels de l’huile de palme est l’acide palmitique. Il est donc athérogène, c’est à dire qu’il favorise les dépôts graisseux à l’intérieur des vaisseaux sanguins. Et augmente par conséquent les risques cardio-vasculaires quand il est consommé de manière excessive.

L’ANSES jette clairement la pierre sur l’huile de palme en expliquant:

«les lipides ont des effets bénéfiques sur la santé à condition de diversifier les apports en graisses végétales et animales pour respecter l’équilibre des apports entre les différents acides gras. A l’exception de l’huile de palme (très riche en acide palmitique et présente dans de nombreux produits manufacturés), il est conseillé de consommer et de diversifier les huiles végétales (les huiles de colza et de noix sont les sources principales d’acide alpha-linolénique).»

Autre problème, l’huile de palme n’est pas facilement identifiable: le manque de transparence des étiquettes est la règle dans ce domaine. Ainsi, la mention «huile végétale», connoté positivement dans nos esprits de consommateurs, cache bien souvent l’utilisation de l’huile de palme.

L’huile de palme et ses dérivés peuvent apparaître sous des noms divers. Adrien Gontier, chimiste qui a vécu un an sans huile de palme (en le racontant ici, une mine d’info), a dressé une liste des appellations que l’on peut rencontrer dans les rayons des supermarchés: graisse palmiste, oléïne de palme, stéarine de palme…

Dans son petit guide vert, il propose une liste des produits (alimentaires mais aussi d’hygiène ou de ménage) identifiés contenant de l’huile de palme ou des dérivés, impressionnante et pouvant évoluer de jour en jour.

Et ailleurs?

Ceci dit, il s’agit quelque peu de soucis européens… L’huile de palme non raffinée, utilisée dans des plats traditionnels en Afrique, au Brésil ou encore en Indonésie a quelques avantages en plus. Adrien Gontier explique qu’elle est «rouge, avec une odeur forte. On la trouve dans un plat de riz au poulet en Afrique par exemple. Mais là elle est utilisée additionnée, comme un plus, et pas pour masquer un goût ou créer une texture»

Le jeune chimiste précise dans son dernier billet que l’huile de palme vierge – souvent consommée dans les pays producteurs – est particulièrement riche en carotènes. Mais elle perd la plupart de ces carotènes lors du raffinage – qui fait changer sa couleur vers le blanc – pour une utilisation dans l’industrie agro-alimentaire. L’huile de palme non raffinée est également riche en tocophérols, un antioxydant important. Par contre, raffinée ou pas, elle est toujours très riche en acides gras saturés.

Alain Rival, chercheur qui travaille sur le sujet de l’huile de palme au Cirad (Centre de recherche agronomique pour le développement), explique d’ailleurs qu’il faut «raisonner en termes d’habitudes alimentaires. Je vais souvent à Djakarta. Presque toute la nourriture est frite à l’huile de palme: riz, poisson, poulet… Mais les gens ont d’autres habitudes que les Européens, mangent des fruits, ignorent les fast-foods et les plats tout prêts».

Une question de quantité

En 2010, la marque Findus a publié une étude sur le sujet en partenariat avec le nutritionniste Jean-Michel Cohen. Cette enquête évoque une consommation moyenne individuelle de 57 grammes d’huile de palme par mois, soit 1,9 grammes par jour. Cela représente environ 10% des apports maximum en acides gras saturés. Cependant, les adeptes du grignotage et du réchauffage de surgelés peuvent dépasser les 300 g d’huile de palme par mois.

Pour Findus, il s’agit d’une consommation «inconsciente et non maîtrisée». La marque en profite d’ailleurs pour annoncer à grand renfort d’outils de communication la suppression de l’huile de palme dans ses produits

Pour l’ANSES, les acides gras saturés laurique, myristique et palmitique ne doivent pas dépasser 8% de l’apport énergétique total. En sachant que le total des lipides recommandé est de 35 à 40% de l’apport énergétique total.

Ce n’est donc pas une recommandation, mais un seuil juste avant l’excès. Pour l’Efsa (l’Autorité de sécurité alimentaire européenne), comme il existe une relation entre l’apport en acides gras saturés et l’augmentation du cholestérol, «un seuil d’apport d’acides gras saturés en-dessous duquel aucun effet indésirable n’est observé ne peut pas être défini. Dés lors un apport maximal tolérable ne peut pas non plus être fixé».

Il s’agit donc d’être raisonnable… La diététicienne Brigitte Coudray explique que «ces acides gras saturés présents dans l’huile de palme ne sont pas des amanites phalloïdes! Il y a des risques cardio-vasculaires en cas d’excès. Mais il ne faut pas oublier que l’augmentation du cholestérol est multi-factoriel».

Penser global

L’huile de palme est un lipide «caché» (entrant dans les recettes de l’industrie alimentaire) en opposition aux lipides «visibles» (huile de cuisson, beurre, qu’on utilise en tant que graisse). Brigitte Coudray déclare en effet que «l’huile de palme est décriée car on ne la trouve pas dans le commerce à l’état brut. Elle entre dans la composition de plats cuisinés, biscuits, etc. Le problème c’est que l’on en consomme sans s’en apercevoir. Il faut donc lire les étiquettes ou cuisiner soi-même!»

Il faut également penser global, car il y a des acides gras saturés dans les autres huiles. Même si l’huile de palme en contient 50%, l’huile d’olive en contient 15%, l’huile de tournesol 11,5% l’huile de colza un peu plus de 7,5%… Autrement dit, si on consomme beaucoup d’huile de tournesol avec des légumes, on peut ingérer plus d’acides gras saturés que quelqu’un qui consomme une petite tartine de Nutella à l’huile de palme chaque matin!

Près de 60% du gras contenu dans le beurre est également saturé. Mais celui-ci a l’avantage d’être riche en vitamine A…

Pour la diététicienne Ariane Grumbach, «il y a des matières grasses saturées naturellement dans l’alimentation, dans la viande par exemple. Celle qui compose l’huile de palme n’est pas mauvaise en soi, elle est devenue mauvaise par les quantités consommées, qui ont beaucoup augmenté depuis 20 ou 30 ans. L’important, c’est de limiter la consommation d’aliments industriels. Ou au moins, regarder la liste des ingrédients, et comme le conseille Michael Pollan, ne pas manger ce que votre grand-mère n’aurait pas connu…»

Et de préciser: «l’huile de palme bio ou durable a exactement les mêmes conséquences sur la santé! Il vaut donc mieux acheter des aliments bruts à cuisiner… C’est mieux d’un point de vue économique, gustatif, nutritionnel. Mais c’est comme tout, l’huile de palme occasionnellement n’est pas dangereuse!». Comme on ne mange pas une demi-plaque de beurre par jour, il ne faut donc pas abuser d’huile de palme.

Alors, est-ce qu’il y a des matières grasses à privilégier? L’ANSES a proposé une nouvelle classification distinguant les acides gras «indispensables», dont font partie les oméga 3 et 6 par exemple, et les «non indispensables», comme les acides gras saturés. On n’a donc absolument pas besoin d’une dose de Nutella quotidienne, par contre il est indispensable de manger régulièrement du poisson…

Et Ariane Grumbach conclut que «le tout huile d’olive n’est pas non plus une solution. Alors j’encourage une consommation de gras raisonnable et surtout variée!». Le meilleur moyen de prendre conscience des quantités de graisses qu’on consomme est donc extrêmement simple: cuisiner.

Article original: http://blog.slate.fr/bien-manger/2012/08/11/huile-palme-sante/

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