Les gaz de combat, une arme de guerre redoutable

Dernière mise à jour 21/05/12 | Article
Main gantée avec tubes de chimie
Depuis quelques semaines, des médecins syriens soupçonnent le gouvernement d’utiliser des armes chimiques contre la population. Si rien n’est prouvé pour le cas syrien tant les symptômes sont difficiles à détecter, les toxiques ont largement été utilisés dans des conflits plus anciens. En vedette ici le gaz sarin et l’agent XV.

De quoi on parle?

Quoi

Les médecins syriens appellent à l’aide internationale: ils suspectent les autorités d’utiliser des armes chimiques contre la population.

Quand

Dans une vidéo mise en ligne le 4 avril dernier, ils dénoncent des symptômes inquiétants: brûlures, chutes de cheveux, douleurs musculaires de leurs patients.

Bilan

On ignore pour l’heure si des armes chimiques sont utilisées en Syrie. De la guerre du Vietnam à l’Irak, en passant par les attaques du métro de Tokyo en 1995, elles ont fait les beaux jours de certains assaillants. En vedette: les gaz sarin et l’agent XV.

Le 20 mars 1995, le métro de Tokyo est attaqué par la secte Aoum. Bilan : douze morts et plus de 5500 blessés. En cause: le gaz sarin.

C’est dans un laboratoire allemand, en 1939, que des chercheurs tentant d’élaborer un pesticide très puissant, inventent malgré eux la formule de ce gaz. Trop toxique pour les plantes, ils s’avèrera une arme redoutable contre l’être humain.

Depuis, d’autres gaz, dont l’agent VX, ont vu le jour, soit par une transformation de molécules synthétisées dans la recherche d’un pesticide, soit dans le cadre de travaux visant à produire une arme chimique.

Le fonctionnement du sarin et de l’agent VX

Le sarin et l’agent VX agissent de la même manière : ils empêchent certaines enzymes d’assurer leurs fonctions vitales. «La toxicité de ces gaz est liée au fait qu’ils interfèrent avec une classe d’enzymes qui règle la transmission d’informations à différents niveaux : soit entres les neurones de notre cerveau, soit entre les neurones et des organes comme les muscles, diverses glandes ou encore le cœur», explique le Dr Adam-Scott Feiner, ingénieur en chimie et urgentiste au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Du coup, le patient intoxiqué peut présenter, entre autres, une augmentation ou une diminution de la fréquence cardiaque, une dilatation ou une contraction des pupilles ou encore une paralysie flasque des muscles. Dans les cas d’intoxication plus graves, les conséquences peuvent être une perte de connaissance, une paralysie des muscles respiratoires, des convulsions et, pour finir, le décès. «Les symptômes présentés dépendent de la dose absorbée, de la voie d’exposition et du toxique lui-même, explique encore le Dr Feiner. Lors de l’attaque de Tokyo, par exemple, la première plainte rapportée par les victimes était l’impression “que le monde s’obscurcissait”, en raison d’une contraction de la pupille». La chronologie est très variable: les symptômes peuvent apparaître dans les secondes suivant l’exposition et jusqu’à plus de douze heures après, ce qui impose une surveillance prolongée de toute personne potentiellement atteinte.

Le sarin et l’agent VX se différencient cependant par leur persistance dans l’environnement, ainsi que par leur mode d’absorption par l’homme. Volatile, le sarin est inhalé; comme il s’évapore rapidement, il est vite dispersé et ne persiste que quelques heures. «Ainsi, une zone traitée par sarin, dans laquelle toute survie humaine est impossible dans les minutes qui suivent la contamination, pourra être rapidement réoccupée une fois le toxique dispersé. L’agent VX, quant à lui, huileux et peu volatile, est typiquement ingéré ou absorbé à travers la peau. Il persiste et rend la zone où il est utilisé inhabitable pendant des périodes prolongées», explique le spécialiste.

Que faire en cas d’exposition?

La seule vraie protection contre ces agents consiste à ne pas se trouver en leur présence! «Une fois exposé, il importe d’abandonner tout objet contaminé, y compris ses habits, et de s’éloigner de la zone touchée, souligne le Dr Feiner. Un lavage au savon permet d’éliminer le toxique sur la peau. Tout contact avec des objets ou une personne contaminée peut aussi occasionner une intoxication, par exemple des sauveteurs ou des soignants. Ces derniers doivent donc se protéger et veiller à décontaminer un patient avant de l’admettre dans les structures de soins, sous peine de rendre celles-ci inopérationnelles».

En cas de symptômes, l’emploi d’antidotes s’impose. «Mais attention, eux aussi sont toxiques, insiste le Dr Feiner, ils ne doivent pas être utilisés de manière préventive». Certains agissent uniquement sur les symptômes, tandis que d’autres permettent une réactivation de l’enzyme inhibée. Cette deuxième catégorie ne peut cependant être utilisée que dans les premières heures suivant l’intoxication. «Passé ce délai, le seul moyen de récupérer la fonction de l’enzyme inhibé est d’attendre son renouvellement spontané, qui se produit à raison d’environ 1% par jour…», précise le spécialiste.

Une fois l’intoxication aiguë résolue, le patient guérit généralement sans séquelles. Chez certaines personnes, cependant, des troubles neuromusculaires et neuropsychologiques peuvent persister à long terme.

Il existe de plus des traitements préventifs, utilisés par exemple par l’armée américaine en Irak. Le produit, nocif, pourrait d’ailleurs être à l’origine du fameux «syndrome de la guerre du golfe». «Souvent toxiques, conclut le Dr Feiner, ces traitements préventifs ne sont pas indiqués pour les populations civiles ou à bas risque d’exposition, car les effets secondaires peuvent être très mauvais pour la santé». En Suisse, le stockage des antidotes est assuré par les centres hospitaliers régionaux et par l’armée.

 

Une brève histoire des gaz de combat

Dans l’Antiquité déjà, les hommes avaient remarqué les effets toxiques de certaines substances. A l’époque, la fumée était utilisée pour asphyxier l’ennemi. Lors de la Première Guerre mondiale, du cyanure, du chlore et du phosgène, remplacés dès 1918 par le gaz moutarde, commencent à être employés à des fins de destruction massive. Les agents neurotoxiques comme le tabun (1936), le sarin (1939), puis le soman (1944) sont eux découverts par le chimiste allemand Gerhard Schrader.Quelques années plus tard, les Anglais conçoivent l’agent XV. Récupérés par les Etats-Unis et l’URSS, leur nombre ne cessera d’augmenter durant la Guerre froide.

Il existe, depuis 1997, une Convention internationale pour interdire les armes chimiques. Fabrication, stockage et surtout utilisation sont prohibés. De plus, les Etats signataires se sont engagés à détruire leurs stocks. Seuls cinq Etats ont refusé de ratifier cette Convention dont la Syrie et la Corée du Nord…

Deux autre gaz dangereux

Outre le gaz sarin et l’agent VX, voici la fiche technique de deux autres «célèbres» substances:

Gaz moutarde
  • Odeur: moutarde ou ail.
  • Pénétration dans la peau: 3 à 5 minutes.
  • Reste dans l’environnement: plusieurs jours.
  • Premiers symptômes: conjonctivite, dégâts de la cornée et bulles cutanées, troubles respiratoires.
  • Premiers soins: oxygène et assistance respiratoire, soutien des fonctions vitales et médicaments en cas de convulsions.
  • Antidote: aucun.
  • Risques de séquelles: cécité, insuffisance respiratoire, apparition de cancer.
Tabun
  • Odeur: fruitée.
  • Reste dans l’environnement: plusieurs jours.
  • Premiers symptômes: troubles oculaires, troubles respiratoires, toux, nausées, maux de tête tenaces, douleurs oculaires.
  • Premiers soins: oxygène et assistance respiratoire, soutien des fonctions vitales et médicaments en cas de convulsions.
  • Antidote: atropine, oximes.
  • Risques de séquelles: séquelles neuropsychologiques.

 

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