La caféine, pour le meilleur et pour le pire

Dernière mise à jour 18/11/14 | Article
La caféine, pour le meilleur et pour le pire
Présente dans de nombreux produits alimentaires, la caféine est un produit dont les effets sur l’organisme sont nombreux et pas toujours bien connus des consommateurs, surtout les plus jeunes.

Mauvaise nouvelle pour ceux qui ne peuvent démarrer leur journée sans leur sacro-sainte tasse de café: la caféine peut tuer. Qu’ils se rassurent cependant, les cas sont rares et ces overdoses, puisque c’est bien de cela dont il s’agit, ne sont généralement pas dues à une surconsommation de café ou de thé. Pour déclencher une intoxication aiguë à la caféine, il faut en absorber plus de 10 g, soit près de 100 tasses de café. Une quantité qui semble énorme, mais qui peut être facilement atteinte en prenant de la caféine pure, sous forme de poudre ou de gélules, en vente sur internet.

Après le décès en juillet dernier d’un jeune homme de 18 ans originaire de l’Ohio, l’autorité de sécurité alimentaire américaine (FDA–Food and Drug Administration) a rappelé qu’«une seule cuillère de ces produits était équivalente à environ 25 tasses de café.» De quoi attirer l’attention sur une substance présente dans de nombreux produits alimentaires et boissons et dont la consommation augmente, surtout chez les plus jeunes.

Un produit puissant

«Ce n’est pas parce que nous sommes nombreux à en consommer quotidiennement que la caféine est un produit anodin, insiste Martial Saugy, directeur du Laboratoire suisse d'analyse du dopage (LAD). C’est une substance très puissante; une à deux tasses de café peuvent suffire pour en ressentir les effets. Une consommation régulière peut aussi déboucher sur une dépendance psychologique.»

La caféine est surtout connue pour son action psychostimulante. Longtemps présente sur la liste des produits dopants interdits aux sportifs en compétition, la caféine en a été retirée en 2003. «La situation de la caféine a toujours été complexe, et la retirer de la liste ne veut pas dire qu’il faut en abuser, relève Martial Saugy. Aujourd’hui, elle reste d’ailleurs sur la liste des produits sous surveillance.» Les analyses menées par le LAD sur des échantillons prélevés chez des sportifs montrent que les concentrations mesurées sont très souvent «au-delà de celles qui pourraient correspondre à une consommation normale de boissons caféinées».

Sport et caféine

En plus de ses effets sur la fatigue et la vigilance, la caféine a également des vertus lipolytiques, elle aide à mobiliser les réserves graisseuses de l’organisme. Des caractéristiques qui pourraient en partie expliquer l’attrait de certains coureurs d’endurance sur longue distance pour cette substance. «Mais toutes les disciplines sportives, à l’exception bien sûr de celles de précision, comme le tir, sont aujourd’hui concernées», observe Martial Saugy.

Le spécialiste s’inquiète de la banalisation de la consommation de caféine chez les jeunes sportifs. «Nous ne pouvons pas l’objectiver, mais il est probable que retirer la caféine de la liste des produits dopants ait favorisé son utilisation dans le monde du sport amateur.» Certains parents encourageraient même leurs enfants à consommer des boissons énergétiques avant les entraînements ou les compétitions.

«Parfois, il y a une réelle confusion de la part des consommateurs entre boissons de l’effort, destinées à compenser les pertes en eau, minéraux, sucres, etc. pendant une activité physique, et ces boissons "énergétiques", qui ne sont que des sodas avec une très forte concentration en sucre, en caféine, et parfois en taurine, un acide aminé dont les effets sur l’organisme ne sont pas encore totalement connus», note Astrid Nehlig, directrice de recherche à l’Institut national français de la santé et de la recherche médicale (INSERM) à Strasbourg.

Pourtant, caféine et performance sportive ne font pas toujours bon ménage, et le mélange pourrait même être contre-productif. La caféine augmente la perte de minéraux et d’eau, ce qui favorise les crampes. Elle peut aussi, dans certains cas, induire des douleurs musculaires, voire une atteinte des fibres, ou rhabdomyolyse.

La forme sous laquelle est absorbée la caféine a son importance. A dose égale, boire un café ou prendre une gélule n’est pas comparable. «Le café contient de nombreuses molécules, dont des antioxydants, bénéfiques pour la santé. Ils pourraient contrebalancer certains effets délétères de la caféine et expliquer une part des vertus du café. Or ces molécules sont absentes des boissons énergétiques et des poudres», souligne Astrid Nehlig.

Des doses souvent trompeuses

Pour profiter des bénéfices de la substance sans en subir les effets secondaires, il faut éviter de dépasser un certain seuil: 300 mg par jour pour les femmes et 400 mg pour les hommes. Mais encore faut-il comptabiliser correctement la caféine consommée. «Souvent, on estime mal ce que contiennent les boissons, ou on ne sait pas qu’un produit contient de la caféine », remarque Astrid Nehlig. Car le café n’est pas la seule source de caféine: les feuilles de thé et de maté, les fèves de cacao, les graines de Kola et surtout le guarana en contiennent aussi.

«Il faut être attentif aux concentrations en caféine mais aussi aux volumes bus, souligne Astrid Nehlig. Il est par exemple très facile de dépasser les recommandations avec les boissons énergétiques, sachant que certaines personnes peuvent en boire plus d’un litre par jour.» Les concentrations en caféine de ce type de sodas ne sont pas toujours clairement indiquées: une canette de 250 ml contiendrait entre 60 à 80 mg de caféine, une quantité qui pourrait cependant varier beaucoup selon les marques.

Pour ce qui est du café, l’idée est répandue qu’un expresso est «plus fort» que le café filtre, or une tasse du premier (50 ml) ne contient que 60 à 80 mg de caféine contre 110 mg au moins pour une tasse (250 ml) du second. Et les cafés arabica sont bien moins riches en caféine que les robusta.

Inégaux devant la caféine

C’est en se fixant sur les récepteurs cellulaires à l’adénosine (molécule sécrétée par les neurones) que la caféine produit ses effets sur les différents organes. Mais une même tasse de café va empêcher certaines personnes de dormir, alors qu’elle ne posera aucun problème à d’autres: «Il a été démontré que nous n’avons pas tous les mêmes capacités à métaboliser la caféine, explique Astrid Nehlig. Il y a des personnes chez lesquelles cela prend plus de temps, et qui sont plus sensibles à la caféine.» A l’origine de ces différences, de petites variations génétiques (polymorphismes) dans la séquence des gènes codant pour les récepteurs à la caféine, ainsi que pour les enzymes responsables de sa dégradation. Certains polymorphismes modulent aussi l’appétence pour la caféine.

«Ces variations interindividuelles doivent amener à la prudence, surtout chez les jeunes, relève Astrid Nehlig. C’est un âge où l’on ne connaît pas encore bien ses propres limites et où les repères viennent souvent des autres. Mais ce n’est pas parce qu’un copain supporte bien café et boissons énergétiques que ce sera le cas pour moi.» Prévoir les effets de la caféine est très aléatoire, surtout quand elle est associée à de l’alcool, ou à d’autres substances psychoactives.

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