Marie Robert: «J’ai deux marathons à tenir par jour, un le matin et un le soir»

Dernière mise à jour 13/03/19 | Questions/Réponses
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A seulement 30 ans, Marie Robert est déjà à la tête de l’une des tables renommées du pays, le Café Suisse, à Bex. Après avoir été sacrée «Cuisinière Suisse de l'année 2019» par le prestigieux guide Gault&Millau, la jeune cheffe a reçu sa première étoile Michelin. Rien que ça. Rencontre avec une fée des fourneaux qui n’a pas fini de faire parler d’elle.

Bio express

1988 Naissance à Châtel-Saint-Denis.

2004 Travaille au Bleu Lézard à Lausanne.

2007 Remporte le premier prix d’un concours d’apprentis à l’Ecole professionnelle de Montreux.

2008 Termine son apprentissage au Beau-rivage Palace, Lausanne.

2008 Travaille pour Thierry Marx à Cordeillan-Bages, près de Bordeaux.

2010 S’associe avec Arnaud Gorse pour ouvrir le Café Suisse à Bex.

Octobre 2018 Est nommée «Cuisinière de l’année 2019» par le Gault&Millau Suisse.

Planète Santé  Quand vous racontez votre goût très jeune pour la cuisine, vous le qualifiez souvent de vocation… Comment est née cette passion?

Marie Robert  Depuis toute petite, c’est quelque chose qui m’attirait, je ne sais pas trop l’expliquer car dans ma famille personne n’évoluait dans ce milieu. J’ai toujours su que c’était ma voie, et d’ailleurs je n’ai pas envisagé d’autre option ! J’ai eu la chance que mes parents me soutiennent toujours et me rassurent sur mes choix. Dans ce métier où on commence jeune, c’est important de se sentir accompagnée. Je pense qu’une grande partie de ma réussite vient du fait que mes proches ont toujours cru en moi.

Vous avez été nommée «Cuisinière de l’année 2019» par le prestigieux Gault&Millau. Qu’est-ce que cela représente pour vous?

C’est une grande satisfaction, mais aussi une sorte de remerciement pour le travail accompli, autant pour moi que pour mon équipe. La cuisine est une passion, certes, mais c’est aussi beaucoup d’heures de travail. Ce titre me donne surtout la niaque pour le futur!

A seulement 30 ans, vous êtes considérée comme l’une des cheffes montantes de la gastronomie suisse. Pas trop de pression?

Je n’ai pas le temps d’avoir la pression, je croule sous le boulot! Je pense que je vais simplement continuer à être moi-même et à faire ce que je sais faire.

Comment définiriez-vous votre cuisine en trois mots?

Goûteuse, savoureuse et originale!

Une saveur, un fruit, une plante… découvert(e) récemment?

La cornouille. C’est une baie rouge, que l’on trouve en Suisse et que peu de monde connaît. Elle ressemble à l’airelle, je la cuisine avec mes plats de chasse.

La cuisine est question de créativité mais aussi de grande rigueur. L’une peut-elle aller avec l’autre?

Oui, de toute façon on n’a pas le choix. Quand on dirige une brigade, on doit faire preuve de rigueur, avoir la tête sur les épaules. On a deux marathons par jour à tenir: un le matin et un le soir. Et les clients attendent une certaine prestation qu’il faut pouvoir leur offrir. Mais je ménage toujours du temps pour créer, développer, tester de nouvelles choses… sur mes jours de congé le plus souvent!

Le milieu de la gastronomie est très masculin. Avez-vous parfois ressenti des difficultés à vous faire une place, en tant que femme?

Non, je n’ai jamais ressenti cela, peut-être parce que j’ai un caractère bien trempé! Mais en effet, j’ai du mal à expliquer l’absence de femmes dans les élites de la gastronomie. Alors qu’elles sont souvent aux fourneaux dans le foyer, ce métier est plutôt peuplé d’hommes. Il y a heureusement une nouvelle génération de femmes qui arrive, mais ça reste assez rare. Ça viendra sûrement avec le temps.

Vous faites partie des 40 grands chefs cuisiniers qui ont lancé en octobre dernier un appel au «droit de bien manger en Suisse». Pourquoi cet engagement vous tient-il à cœur?

J’aimerais sensibiliser les jeunes, et notamment les enfants, à l’importance d’une bonne alimentation. Remplacer le poisson pané pour leur faire découvrir ce qu’est un vrai poisson par exemple. Je sais que ce n’est pas toujours évident, que les parents doivent jongler entre travail, tâches ménagères, cuisine… mais une fois par semaine au moins, on devrait prendre le temps de cuisiner des choses simples mais fraîches.

Intégrez-vous toujours cette idée de «santé» lorsque vous cuisinez?

Oui. J’équilibre toujours mes plats, j’utilise beaucoup de légumes, de féculents… mais je suis aussi très généreuse sur le beurre!

Êtes-vous sensible aux grands enjeux d’aujourd’hui pour notre santé alimentaire comme le bio, le local, l’étiquetage…

Ça m’interpelle bien sûr. Mais je suis cuisinière, pas politicienne. Et j’ai mon restaurant à faire tourner. Je me fournis évidemment au maximum en produits locaux, c’est important pour moi de connaître la provenance des aliments avec lesquels je travaille. Mais pour autant, je ne me prive pas de certaines denrées que j’apprécie, comme le foie gras par exemple.

D’une manière générale, quel rapport entretenez-vous avec votre santé?

J’ai très peu de temps pour prendre soin de moi. C’est un métier où on n’a pas le droit d’être malade : on n’a pas le temps. Et c’est souvent pendant les vacances, quand je relâche la pression, que je tombe malade… Ça ne loupe jamais!

Le métier de chef est très stressant. Quel est votre secret pour garder la forme?

Je suis très active à la base. Plus j’ai de stress, mieux je me sens. J’en retire même une certaine énergie. Ce n’est pas toujours facile, c’est une pression constante qu’il faut tenir. J’essaye de bien manger, de faire un peu de sport, je prends des vitamines, j’évite de trop faire la fête… une vie saine quoi, un peu comme un sportif.

Avez-vous un péché mignon inavouable pour une grande cheffe?

Les cannellonis ricotta-épinards de la Migros! Ils sont excellents mais c’est typiquement le truc où il ne faut pas regarder la composition… Je suis plutôt décomplexée par rapport à ça, ça arrive à tout le monde de se faire un plateau télé le dimanche soir et de ne pas avoir envie de cuisiner. Il ne faut pas culpabiliser si ça reste occasionnel.

Que pensez-vous de certaines tendances alimentaires du moment, comme le sans gluten ou le végétarisme?

Pour le dire poliment, je pense que ce sont des modes, auxquelles je n’adhère pas. Après, pour les vrais intolérants, les vrais allergiques, j’essaye toujours d’adapter ma cuisine au mieux. Mais mes assiettes ne sont ni végétariennes ni végétaliennes, car ça ne me ressemble pas et ça ne m’intéresse pas. Et puis de toute façon les sièges de mon restaurant sont en cuir!

Vos amis doivent avoir une certaine pression lorsqu’ils vous invitent à dîner… On cuisine quoi à Marie Robert quand elle vient à la maison?

Le plus simple possible! Une fondue chinoise par exemple. Plus c’est simple, mieux c’est, sinon on risque de s’embarquer dans des trucs infaisables. L’essentiel, c’est de partager un bon moment.

La gastronomie est très présente sur les réseaux sociaux. Comment expliquez-vous que les gens aiment tant photographier et partager leurs assiettes?

C’est là aussi un effet de mode. Je réfléchis beaucoup au graphisme de mes assiettes, car on mange d’abord avec les yeux. On est plusieurs chefs à ne pas trop aimer que nos plats soient pris en photo, de crainte que cela ne mette pas l’assiette en valeur. Mais bon, c’est aussi le signe que la personne passe un bon moment alors je laisse faire.

Quels sont vos projets en 2019?

Continuer sur ma lancée! Je me laisse pour l’instant le temps de digérer cette nouvelle «distinction» et de gérer l’affluence qu’elle a générée.

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Paru dans Planète Santé magazine N° 33 - Mars 2019

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