Brigitte Rosset: «Plus qu’une thérapie, le rire est une protection»

Dernière mise à jour 26/11/21 | Questions/Réponses
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Depuis plus de trente ans, elle parsème les planches de son humour décapant et de portraits cinglants de celles et ceux croisés sur son passage. Pour son dernier spectacle, cette «bonne vivante» – comme elle le dit elle-même – s’est attaquée à une pratique souvent perçue comme austère: le jeûne… Au cours d’une semaine de retraite dans le sud de la France, elle a réussi à extraire de cette expérience une saveur mordante et jubilatoire. Rencontre avec Brigitte Rosset, qui nous invite dans sa «Cuisine intérieure»1.

Bio express

28 avril 1970: Naissance à Genève.

1992: Crée la Compagnie des degrés de Poule avec Gaspard Boesch et Antony Mettler.

2001: Premier one woman show, «Voyage au bout de la noce».

2015: Reçoit le prix «Actrice exceptionnelle», distinction remise par l’Office fédéral de la culture dans le cadre des Prix suisses du théâtre.

2020-2022: Tournée «Ma cuisine intérieure», son cinquième solo.

2021: Coécrit et joue avec Christian Scheidt «Les Femmes (trop) savantes?», adaptation revisitée de la célèbre pièce de Molière.

Comment en êtes-vous arrivée à parler du jeûne? Était-ce, à la base, le désir de mieux connaître cette pratique ou saviez-vous déjà que vous alliez en rire?

Brigitte Rosset: Il y a un peu des deux quand je fais ce genre de démarche. Mon metteur en scène Christian Scheidt me parlait souvent des jeûnes qu’il faisait. Je me moquais de lui en lui disant: «Ah oui, tu payes pour ne rien manger?!» Et puis il a fini par me convaincre. J’étais à une période de ma vie de trop-plein et je voulais faire une sorte de remise à zéro. Je me disais qu’en me vidant le ventre, j’arriverais peut-être à me vider la tête. Mais je savais aussi que lors de cette retraite, je rencontrerais des gens et que ça me donnerait envie d’en faire un spectacle! J’ai donc vécu ce jeûne pendant une semaine en m’observant moi, mais aussi les autres.

Qu’y a-t-il de drôle justement dans ces adeptes du jeûne?

Ce qui m’intéresse, c’est cette matière sociologique. Les observer dans une situation qui révèle leurs travers, leurs caractères… Ce n’est pas tant leurs attitudes qui sont drôles, mais plutôt le miroir qu’on tend au public, qui peut s’identifier ou reconnaître ses proches dans cette galerie de personnages. Et puis ça fait marcher l’imaginaire, un voyage dans un univers qu’on ne connaît pas. C’est la magie du spectacle vivant.

Vous étiez en quelque sorte «en infiltrée» dans cette retraite…

Au début, je n’ai pas dit que j’étais comédienne, car je ne voulais pas que les gens se retiennent, se sentent gênés. C’est comme dans la vie, lorsque mes amis me disent: «Ah non, je ne te raconte rien, sinon tu vas encore me mettre dans tes spectacles!»

Quel est votre rapport à l’alimentation?

Je pense qu’on a tous un rapport particulier à la nourriture, que ça soit dans un extrême ou dans l’autre. On n’y est jamais complètement indifférent. Moi, j’ai la nourriture sociale. J’adore manger avec des gens, aller au restaurant…

Se priver de nourriture, cela peut aussi vouloir dire se priver de plaisir, de convivialité…

Oui, bien sûr, surtout que je suis une bonne vivante, j’aime manger, j’aime boire. Mais en même temps, c’était faire une pause pour mieux me retrouver. À l’issue de cette semaine de jeûne, j’ai eu l’impression qu’on m’avait enlevé tout le gras du cerveau, que je retrouvais une pensée claire. J’ai vécu cette expérience comme un défi personnel. Ça a changé mon rapport à la nourriture. Le dernier jour, lorsque j’ai mangé une carotte crue, c’était la folie. C’était une redécouverte du goût, des sens, du plaisir de manger.

Brigitte Rosset en un mot

Un mantra? «Ça va aller»

Une personnalité que vous admirez? Stephan Eicher

Un adjectif qui vous correspond? Optimiste

Un rêve à réaliser? Aller à Tahiti

Ce qui vous rend heureuse? Une vitrine de pâtisseries

Lors de vos tournées, qui mobilisent le corps, adaptez-vous votre alimentation?

Oui, avec le temps j’ai appris à mieux manger, à faire attention à ne pas manger n’importe quoi, à diminuer le gluten, par exemple. Car je sens que ça a un effet sur mon énergie. Le sommeil est également capital avant un spectacle… même si les restaurants et les apéros avec l’équipe sont tentants, j’essaye de les éviter ou de les faire à midi!

Quel est votre péché mignon?

J’aime tout ce qui est mauvais! Le truc qui m’embête le plus, pour des raisons de bien-être animal, c’est d’aimer le foie gras… cette année j’arrête. À part ça, tout est question de modération, car rien n’est vraiment inavouable.

Vous parlez de l’actualité de façon positive et avec humour. Ce n’est pas difficile d’être tous les jours de bonne humeur?

C’est vrai que c’est une chance de pouvoir être de bonne humeur. J’ai ce luxe-là. J’ai des enfants super, un amoureux super, je vis à un endroit qui me plaît, j’ai un boulot formidable… j’ai vraiment l’impression de faire partie des privilégiés du bonheur. Bien sûr, j’ai des soucis comme tout le monde. Quand il se passe quelque chose de pas drôle, le fait de prendre de la distance et d’essayer de le regarder avec un peu d’humour, ça le désacralise grandement. Des fois il faut du temps, bien sûr, mais ça peut permettre de soigner des blessures, de surmonter certaines difficultés, de regarder les choses différemment.

Le rire aurait donc une valeur thérapeutique?

Oui, c’est un état d’esprit qui protège du monde, des attaques de la vie. Plus qu’une thérapie, c’est une protection.

Comment gérez-vous le stress avant un spectacle?

J’utilise des huiles essentielles d’orange amère ou de camomille romaine, que je sniffe avant de monter sur scène. Et je respire, je me raisonne, j’essaie de me rappeler que je ne joue pas ma vie… J’ai remarqué que le trac n’avait rien à voir avec la taille de la salle. C’est plutôt fonction de mon état général. Par exemple, lorsque je suis fatiguée, j’arrive moins bien à le gérer. Il m’est arrivé une fois de faire un malaise vagal, qui était lié à une accumulation de plein de choses. Mais le stress peut aussi être bénéfique car il permet d’être dans l’instant, de mettre les sens en alerte, de raviver la mémoire…

Avez-vous de petits rituels qui vous rassurent avant d’entrer en scène?

J’ai des petits mots de mes enfants, un bouddha offert par ma sœur, je mets ma chaussure droite avant la gauche… des trucs débiles quoi!

D’une manière générale, quel rapport entretenez-vous avec votre santé?

Je ne suis pas spécialement anxieuse ni hypocondriaque. C’est même plutôt l’inverse, j’attends longtemps avant de consulter. Par exemple, l’année dernière, je suis tombée à ski et j’ai dit «Non, non ça va» pendant des mois… alors que j’avais le sacrum fracturé. Pour les petits maux du quotidien, j’essaie de me soigner seule, avec des huiles essentielles, des recettes de grand-mère, des massages… Parce que c’est souvent efficace et parce que je trouve que les assurances sont beaucoup trop chères!

«Être en bonne santé», qu’est-ce que cela signifie pour vous?

C’est ne pas se poser la question. C’est se lever le matin sans avoir mal partout, sans se dire que quelque chose ne va pas.

_________

1 Infos et dates de la tournée: https://www.brigitterosset.ch

Paru dans Planète Santé magazine N° 43 – Décembre 2021

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