Maladies neurologiques: plus de risques de suicide

Dernière mise à jour 17/09/15 | Article
Maladies neurologiques: plus de risques de suicide
D’origine psychique, traumatique et même biologique, les conduites suicidaires résultent de la combinaison de plusieurs facteurs. Les troubles neurobiologiques et leurs conséquences favoriseraient notamment le passage à l’acte.

Souvent associées à la dépression et au sentiment de désespoir qu’elle engendre, les conduites suicidaires ne seraient pas seulement le fait de troubles psychiques ou de situations de traumatisme. Des études ont récemment mis en évidence un risque accru d’idées suicidaires chez les personnes atteintes de différentes maladies neurologiques. En cause, les multiples altérations biologiques (neuronales, morphologiques ou hormonales), le dysfonctionnement des fonctions cognitives et physiques (langage, mémoire, marche, etc.), ainsi que les effets psychologiques (sentiments d’impuissance, désespoir, marginalisation) provoqués par ces maladies. Combinés les uns aux autres, ces symptômes invalidants augmenteraient la vulnérabilité du patient et favoriseraient le passage à l’acte.

Du déterminisme psychique à la prédisposition biologique

De l’idée noire au passage à l’acte, le comportement suicidaire comporte tout un faisceau de causalités et peut être influencé par les troubles psychiatriques. Chez les personnes atteintes de maladies neurologiques, cet état psychique est amplifié si le patient a des antécédents ou a déjà traversé des épisodes dépressifs ou de dépendance aux substances. On constate cependant que dans le cas de troubles neurobiologiques, des lésions du cerveau dues à la maladie peuvent mettre en péril le bon fonctionnement neuronal. Des carences en sérotonine et en dopamine –hormones du «bonheur» et du plaisir– exposent notamment le malade à une plus grande vulnérabilité psychique, et à un risque suicidaire accru. Toutefois, aucun marqueur neurobiologique n’a encore été identifié en ce sens.

Le vécu de la personne atteinte par ces troubles, son rapport modifié au monde (manque d’espoir, isolement social, stigmatisation…), sont autant de facteurs jouant un rôle primordial dans le risque de suicide. Non quantifiables et différents d’une personne à l’autre, ces ressentis sont les effets collatéraux de ces maladies qui affectent le mode de vie et le quotidien des individus, les privant de certaines ressources physiques (marche, équilibre…) mais aussi cognitives (mémoire, langage…). Ces symptômes invalidants et souvent dégénérescents, ainsi que les possibles rechutes, créent un sentiment de manque d’espoir caractéristique et le suicide apparaît alors comme le seul moyen de s’en libérer.

Dans le cas de la perte de mémoire sémantique (aussi appelée «démence sémantique»), la dégradation de la communication, du langage et du sens même des mots confère un important sentiment d’impuissance, voire de «déshumanisation» chez le patient qui n’arrive plus à décrypter le monde qui l’entoure.

Des risques difficiles à délimiter

Le risque suicidaire varie d’une pathologie à l’autre. Certains critères tels que l’âge auraient une influence directe sur le niveau de risque. Dans le cas de la sclérose en plaques par exemple, il aurait été observé un taux de suicide nettement plus élevé chez les malades jeunes. D’autres maladies dégénératives entraînant des troubles de l’humeur et du comportement favoriseraient aussi ce terrain. La maladie de Huntington recenserait ainsi le taux le plus important de passages à l’acte, alors que la maladie de Parkinson augmenterait le risque de dépression sévère, les symptômes dépressifs exacerbant la vulnérabilité du patient.

Parmi les populations les plus concernées par ce risque accru on trouve les patients atteints d’aphasie suite à un accident vasculaire cérébral et souffrant de lésions cérébrales et de migraines. Les personnes atteintes d’épilepsie présenteraient en tout cas un risque suicidaire plus élevé. En outre, les conduites suicidaires et l’épilepsie partageraient des mécanismes neurobiologiques.

Cette augmentation du risque, paradoxalement, n’apparaît pas dans le cas de la tumeur cérébrale, mais est en revanche notable chez les personnes ayant survécu à cette maladie étant enfant. Les séquelles physiques et psychologiques en seraient alors la cause. Excepté chez les patients ayant conscience de leur progressive perte de ressources, la maladie d’Alzheimer n’aurait pas une influence directe sur le passage à l’acte.

La prise en charge

S’il est difficile à délimiter, le lien entre maladie neurologique et risque est bien réel. Mais la complexité du phénomène qu’est le suicide va de pair avec l’absence de traitement miracle. La prise en charge des personnes à risque requiert un suivi psychologique et médicamenteux adapté et personnalisé. Cette population en particulier exige une analyse clinique et une évaluation des facteurs de risques. Le dialogue, l’expression des idées noires du patient, le soutien et la bienveillance de l’entourage et du personnel soignant permettent de soulager la souffrance.

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Référence

Adapté de «Maladies neurologiques et suicide: de la neurobiologie au manque d’espoir», Dr Alessandra Costanza, Service des urgences, Unité d’accueil et d’urgences psychiatriques (UAUP), Département de médecine communautaire, de premier recours et des urgences; Dr Kerstin Weber, Pr Alessandra Canuto, Marc Baertschi, psychologue, Service de psychiatrie de liaison et d’intervention
de crise (SPLIC), Département de santé mentale et de psychiatrie (HUG). In Revue Médicale Suisse, 2015:11:402-5, en collaboration avec les auteurs.

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