Les étranges correspondances entre l’autisme, les déficits de l’attention et les jeux vidéo

Dernière mise à jour 22/08/13 | Article
Les étranges correspondances entre l’autisme, les déficits de l’attention et les jeux vidéo
On est encore loin d’avoir pris la mesure de l’impact de l’entrée des mondes virtuels sur écran dans le quotidien des enfants et des adolescents. Un usage thérapeutique n’est peut-être pas à exclure.

C’est une observation peu banale que viennent de faire deux chercheurs américains. Elle a été publiée1 dans la revue Pediatrics. Micah O. Mazurek (Departments of Health Psychology and Psychological Sciences, University of Missouri) et Christopher R. Engelhardt (Thompson Center for Autism and Neurodevelopmental Disorders, Columbia, Missouri) y font état des liens qui existent entre la pratique des jeux vidéo d’une part, et les troubles du spectre autistique (TSA) et le déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) de l’autre.

Les chercheurs ont interrogé les parents de 56 garçons atteints de TSA, de 44 garçons atteints de TDAH, et de 41 garçons «témoins» (dont le développement était normal). Tous ces enfants étaient âgés de 8 à 18 ans (âge moyen de 12 ans). Ils ont demandé aux parents combien de temps passait leur fils à jouer à des jeux vidéo.

Plus de deux heures par jour

Une dépendance aux jeux vidéo de ces enfants et adolescents a été évaluée à l'aide du test Problem Video Game Playing Test (PVGT). Les symptômes de TDAH ont pour leur part été évalués avec l’échelle Vanderbilt Attention Deficit/Hyperactivity Disorder Parent Rating Scale (VADPRS) et ceux de TSA avec l’échelle Social Communication Questionnaire-Current (SCQ).

Au final, les chercheurs font une série de constats. Ils observent notamment que les garçons atteints de TSA passent beaucoup plus de temps que les enfants «normaux» à jouer à des jeux vidéo: en moyenne, environ une heure de plus par jour (soit 2,1 heures contre 1,2 heure). Les garçons atteints de TDAH ne diffèrent quant à eux pas considérablement des garçons à développement normal. Les chercheurs notent aussi que les ceux atteints de TSA et de TDAH sont plus susceptibles d'avoir accès aux jeux vidéo dans leur chambre. Ils réalisent aussi des scores plus élevés à ces mêmes jeux.

La thérapeutique par le virtuel

De manière paradoxale, les chercheurs observent encore que dans les groupes TSA et TDAH, la présence d'un nombre plus élevé de symptômes d'inattention est associée à des scores plus élevés dans des jeux de résolution de problèmes. Il apparaît encore que les enfants atteints de TSA préfèrent les jeux de rôle plutôt que les jeux de combat violents.

Les auteurs de cette étude ne mentionnent pas si c’est la grande place occupée par la pratique des jeux vidéo qui accroît le risque de troubles du développement ou si, bien au contraire, ce sont les caractéristiques de ces troubles qui incitent les enfants à jouer plus. Quoi qu’il en soit, le travail soulève une question importante: les «mondes virtuels» offerts par ces nouvelles techniques utilisées à des fins ludiques pourraient-ils constituer un «monde virtuel» dans lequel les enfants atteints d’une forme d’autisme trouveraient un substitut de communication sociale? La pratique de certains types de jeux est-elle de nature à réduire les troubles de l’inattention de ces enfants?

Contrôler ses accès de colère

Fin 2012 des médecins de l'hôpital pour enfants de Boston avaient annoncé avoir développé un jeu simple (sur le principe du biofeedback) baptisé Rage Control. Il visait à aider les enfants à apprendre à contrôler leurs émotions et leur colère. Le jeu a été mis au point à l’initiative du Pr Jason Kahn et du Dr Joseph Gonzalez-Heydrich, et était proposé comme une alternative à la psychothérapie pour des enfants impulsifs. Ce travail avait alors été publié dans la revue Adolescent Psychiatry.2

Rage controle consiste en substance à faire feu aussi vite que possible sur des vaisseaux ennemis tout en évitant, autant que faire se peut, de tirer sur les vaisseaux alliés. Pendant le jeu le rythme cardiaque des jeunes joueurs est enregistré et aussitôt affiché sur l'écran de son ordinateur. Et lorsque la fréquence cardiaque dépasse un certain seuil, les joueurs ne peuvent plus faire feu sur les vaisseaux ennemis. Pour pouvoir reprendre le combat ils doivent donc retrouver leur calme cardiaque.

Huiler les liens sociaux

Les spécialistes ont vérifié l’efficacité thérapeutique de la méthode en la testant sur deux groupes d’enfants, âgés de 9 à 17 ans, à QI normal, qui avaient été admis au service psychiatrique de l'hôpital et montraient des comportements anormalement coléreux. Après cinq parties seulement de Rage Control, les joueurs parviennent beaucoup mieux à stabiliser leur fréquence cardiaque et montrent sur une échelle spécialisée des «scores de colère» nettement diminués. L'intensité de la colère est réduite, de même que la fréquence des épisodes colériques et l’expression de cette colère envers autrui.

C’est aussi, plus généralement, la démonstration inattendue que nos écrans, aujourd’hui dangereusement envahissants et isolants, peuvent –bien utilisés– contribuer à huiler les liens sociaux.

1. On trouvera ici un résumé (en anglais) de cette étude.

2. Un résumé (en anglais) de ce travail est disponible ici.

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