L’hyperactivité sera-t-elle l’une des grandes maladies du XXIe siècle?

Dernière mise à jour 11/04/13 | Article
L’hyperactivité sera-t-elle l’une des grandes maladies du XXIe siècle?
Le dernier constat des autorités sanitaires américaines est particulièrement inquiétant: aux Etats-Unis le nombre d’enfants hyperactifs ne cesse d’augmenter. Il affecte désormais un enfant sur dix, et deux enfants concernés sur trois prennent des médicaments contre ce trouble neurologique qui, le plus souvent, n’a rien de passager. La situation américaine ne fait-elle que préfigurer celle du Vieux Continent?

Les troubles du déficit d’attention – avec ou sans hyperactivité (TDAH) – constituent une entité complexe qui ne se manifeste pas que chez les enfants. Ces troubles sont de plus en plus fréquents chez les enfants américains: c’est ce que révèle le dernier bilan épidémiologique réalisé à partir des données des Centers for Disease Control and Prevention (CDC), qui vient d’être publié dans le NMWR. Ces données sont valables seulement jusqu’à 2007, mais tout laisse redouter que le phénomène va en s’amplifiant. La prévalence de TDAH diagnostiqués aux Etats-Unis est ainsi passée (chez les enfants âgés de 4 à 17 ans) de 7,8% en 2003 à 9,5 % en 2007, ce qui veut dire que désormais le déficit de l’attention et l’hyperactivité touche dans ce pays un enfant sur dix. Or on sait par ailleurs que près de 78% des enfants avec diagnostic de TDAH à l’enfance présentent toujours le trouble plus tard dans leur vie.

Rappelons que le déficit d’attention avec hyperactivité est un trouble d’origine neurologique qui apparaît généralement à l'enfance et qui peut persister à l'âge adulte. Il se caractérise le plus souvent par une inattention et une hyperactivité marquées, parfois spectaculaires; un comportement entraînant des difficultés scolaires, familiales et sociales. Différentes formes de troubles comportementaux peuvent être rapprochées de cette entité pathologique. On savait déjà qu’il s’agissait du trouble neurologique le plus fréquemment diagnostiqué durant la période de l'enfance, mais le dernier rapport des CDC confirme la hausse spectaculaire de sa prévalence au cours de la dernière décennie. Il met aussi en lumière l'augmentation considérable de l’utilisation de médicaments présentés comme spécifiques au traitement du TDAH, une situation qui fait l’objet de controverses récurrentes.

Une augmentation de près de 22 % entre 2003 et 2007

Les estimations des CDC valent pour l’ensemble du territoire des Etats-Unis. Elles ont été réalisées à partir des déclarations de plus de 90 000 parents, des diagnostics de TDAH portés chez les enfants, et pour la partie médicamenteuse, de la consommation des spécialités pharmaceutiques à partir des données américaines résultant des «Enquêtes nationales sur la santé des enfants» (NSCH).

La hausse de la prévalence a donc été de 21,8% en quatre ans seulement. Celle déclarée en 2007, de 9,5%, représente 5,4 millions d'enfants diagnostiqués. Parmi ceux qui avaient des antécédents de TDAH en 2003, 78% (soit plus de 4 millions d’enfants) présentaient toujours ce trouble en 2007. Après ajustement avec différents facteurs sociodémographiques, ceci correspond à une augmentation annuelle moyenne de 5,5%. Ce qui est tout simplement considérable.

Parmi les jeunes actuellement diagnostiqués et déclarés souffrant d’un TDAH, 46,7% présentent une forme dite «légère», 39,5% une forme «modérée» et 13,8% une forme sévère. Le TDAH reste deux fois plus fréquent chez les garçons que chez les filles (13,2% vs 5,6%) et les taux les plus élevés sont constatés chez les enfants «multiraciaux» (14,2%) ainsi que chez les enfants couverts par Medicaid, les foyers familiaux les plus pauvres et ceux ayant un faible niveau d’études. Pour autant l'augmentation du diagnostic de TDAH est, au fil du temps, observée dans tous les groupes sociodémographiques étudiés. Est-ce le signe de changements dans l'acceptation culturelle du TDAH? Dans la formation des professionnels? Dans l’évolution de l'accès aux soins?

Sur trois enfants affectés deux prennent des médicaments

Les CDC précisent que 66,3% des enfants diagnostiqués sont sous traitement médicamenteux, soit 2,7 millions d’enfants américains. Sans surprise, la proportion des enfants traités augmente avec l’importance des troubles manifestés: elle atteint 85,9% des enfants souffrant des formes les plus sévères. Les auteurs du bilan prennent aussi soin de souligner que des études supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre quels facteurs de risque peuvent être ici incriminés pour comprendre l’augmentation de ce phénomène. S’agit-il de l’environnement? Et si oui, de quels éléments de cet environnement? Pour autant leurs données réclament dès aujourd’hui la mise en œuvre de stratégies de santé publique pour répondre aux besoins d'un nombre croissant de familles touchées par ces troubles. La réponse doit-elle être seulement médicamenteuse?

Ces conclusions et interrogations coïncident avec la publication d’une étude de chercheurs du Children's Hospital et de la Harvard Medical School de Boston (Massachusetts) ainsi que de la célèbre Mayo Clinic. Elles suggèrent clairement que le TDAH diagnostiqué à l’enfance aura très fréquemment des répercussions à l'âge adulte, avec un risque accru de troubles psychiatriques et d’idées suicidaires. Ces conclusions sont publiées dans l’édition du 4 mars de la revue Pediatrics. On en trouvera un résumé ici.

Alerter les parents

Ces chercheurs ont mené leur enquête auprès de 5718 personnes, nées entre 1976 et 1982. Parmi eux, 367 avaient été diagnostiqués avec TDAH et 232 suivis sur le long terme. Les trois quarts d’entre eux avaient reçu un traitement spécifique du TDAH durant leur enfance. Malgré un échantillon relativement limité, l’analyse suggère notamment un risque accru de suicide. Elle conclut aussi que 29 % des enfants atteints de TDAH souffraient encore du même trouble à l'âge adulte, et 57% avaient, également à l’âge adulte, au moins un autre trouble considéré aux Etats-Unis comme de nature psychiatrique. Le plus commun de ces troubles était la toxicomanie (ou une autre forme de dépendance), un trouble de la personnalité, des épisodes hypomaniaques, une anxiété généralisée ou une dépression majeure. Seuls 37,5% des enfants suivis jusqu’à l'âge adulte ne présentaient pas ces résultats inquiétants, commente le Dr William Barbaresi (Children’s Hospital), auteur principal de l'étude.

Ces résultats pourraient sous-estimer la réalité. Les chercheurs précisent en effet que leurs travaux ont été menés auprès d’une population de classe moyenne, avec une bonne éducation et un bon accès aux soins de santé. Selon eux il convient d’alerter les parents des enfants atteints de TDAH de la nécessité de s'assurer d’un traitement adapté et d’un suivi au moins jusqu’à l'adolescence. Et ce suivi doit impérativement s’accompagner d’une surveillance des troubles associés: toxicomanie, dépression et anxiété.

1 On ne peut ici manquer de faire le lien avec un autre phénomène inquiétant et de grande ampleur: l’émergence d’une forme d’épidémie de «burn out». Sur ce sujet on peut se reporter à un excellent ouvrage: «Global burn out» du philosophe Pascal Chabot récemment publié par les Presses Universitaires de France.

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