Relations de travail: un rôle central pour le médecin de proximité

Dernière mise à jour 13/06/12 | Article
Dépression au travail
Sans aller jusqu’à dire que le travail rend malade, on sait que de nombreuses pathologies peuvent survenir surtout lorsque les conditions ne sont pas bonnes.

Marc-Henri Gauchat, président de la Société médicale du Valais et excellent connaisseur de la médecine du travail, indique quelques pistes pour améliorer les choses.

Marc-Henri Gauchat: Près d’un quart des coûts de la santé seraient consécutifs à l’influence du travail. Historiquement, on a connu les dégâts causés par une exposition à des produits toxiques, mais on voit apparaître aujourd’hui toute une série de problèmes dont l’origine se situe dans la sphère des rapports humains dans le travail, tels la surcharge de travail, le mobbing, le burnout...

Pourquoi les choses se sont-elles dégradées?

Probablement, depuis qu’on demande une productivité accrue aux employés. Donner un coup de collier pendant un certain temps, c’est possible, mais lorsque c’est une demande constante, telle que l’exige la productivité actuelle, alors ça ne va plus. De plus, cela présuppose que les gens sont en parfaite santé, physique et mentale, en permanence; par conséquent, lorsqu’un salarié éprouve une faiblesse passagère, soit en raison d’un problème de santé physique, soit à cause d’une mauvaise passe sur le plan psychique, cela se voit tout de suite et il n’entre plus dans le moule, et donc se fait écarter.

L’employé malade n’a-t-il pas les moyens de se faire comprendre?

Dans les entreprises, on remarque qu’il n’y a aucune compréhension, non pas tant de la part des dirigeants qui sont tout en haut de la hiérarchie, mais de la part des supérieurs directs, ceux qu’on appelle les «petits chefs».

Comment expliquer ces comportements des «petits chefs»?

Il y a probablement une méconnaissance des conséquences de leurs décisions, et aussi le stress de ne pas répondre à ce qu’on attend d’eux. Donc, si la hiérarchie ne va pas au fond des choses et ne se donne pas la peine de voir ce qui se passe, des dérives peuvent lui échapper, qui sont extrêmement mal ressenties: si vous êtes sept ou huit heures par jour dans une mauvaise ambiance, la vie devient impossible.

Y compris pour les autres salariés?

Le résultat, c’est une démotivation du personnel et ça, à mon avis, c’est la mort des entreprises. Car la démotivation des employés se ressent au niveau de la clientèle: difficile de faire un sourire commercial alors qu’on est mal payé, qu’on n’est pas considéré et qu’on s’est fait engueuler!

Comment les médecins peuvent-ils œuvrer à une meilleure gestion des incapacités de travail?

Ici, en Valais, nous avons créé un partenariat entre le Groupe Mutuel, l’AI, la Haute école du Valais (pour le social), la SUVA et la société médicale. C’est un forum dédié à la réadaptation et à la réinsertion, en dialogue avec les employeurs. Il faut admettre qu’il y a parfois des problèmes avec les incapacités de travail, qui pèsent sur le plan économique. L’idée est donc de mettre de l’huile dans les rouages. Par exemple, le médecin de proximité, avec l'accord du patient, pourrait prendre contact avec le responsable des ressources humaines, pour voir si certains conflits peuvent être résolus, ou si l’employé pourrait travailler à un autre poste; d’un autre côté, l’employeur devrait être amené à s’intéresser au cas d’un employé en absence prolongée, plutôt que monter les tours... Il est aussi possible d’améliorer le certificat d’incapacité de travail, en y faisant figurer la possibilité pour le médecin d’avoir un entretien avec l’employeur. Au lieu d’être complètement incapable de travailler, le salarié pourrait effectuer un travail à temps partiel, éventuellement à une autre fonction. De la sorte, les gens restent dans l’entreprise.

C’est important pour la suite?

Bien sûr! Plus l’incapacité de travail se prolonge, plus la réinsertion dans l’entreprise est difficile: après une année, la reprise du travail est seulement de 50%.

Comment remettre sur les rails des patients mobbés ou en burnout?

Les gens mobbés finissent pas perdre leur estime de soi, ils se sentent un peu coupables, moins que rien. Ceux qui subissent un burnout en sont d’ailleurs en partie responsables, parce qu’ils se sont mis des exigences personnelles trop élevées. Ce sont souvent des perfectionnistes.

Et que leur conseillez-vous?

Je les invite à être plus réalistes quant à leurs capacités, à ne pas se mettre en situation d’échec, mais de créer des situations où l’on gagne.

En somme, le médecin du travail a un rôle éminemment social?

Disons que nous sommes vus comme des personnes de confiance, dans la mesure où tout ce qui se passe dans le cabinet ne sort pas du cabinet. Même à l’égard de la curiosité des familles!

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