Le sucre, une drogue dure?

Dernière mise à jour 08/06/15 | Article
Le sucre, une drogue dure?
Après les graisses, c’est au tour du sucre de devenir l’ennemi public numéro un. Il est accusé de tous les maux: obésité bien sûr, diabète, caries, déséquilibres hormonaux, cancer. Pour couronner le tout, il serait addictif. Que faut-il en penser?

Les graisses, c’est mauvais pour la santé*! Tel a été le credo de ces vingt dernières années. L’industrie a suivi en créant des aliments allégés en matière grasse, qui donnent bonne conscience aux personnes soucieuses de leur ligne, même s’ils sont remplis de sucre. Car la graisse donnant de la saveur, il fallait bien trouver un artifice pour rendre attrayants les produits qui en sont dépourvus. Le sucre et le sel ont donc joué ce rôle. Ainsi, une tasse remplie aux trois-quarts de yogourt nature contient l’équivalent de 5 grammes (une cuillère à café) de sucre. Désormais, les produits allégés n’ont plus la cote, contrairement à ceux pauvres en sucre. Car oui, c’est au tour du sucre d’être décrié. Exit donc les produits pauvres en graisses («low fat») pour laisser la place au label «low carb», ou pauvre en hydrates de carbone. Les régimes bannissant toute forme de sucre, que ce soit celui du chocolat, des fruits, du lait, des légumes, fleurissent à nouveau. Alors même que l’on sait qu’en matière de nutrition, il faut se garder de diaboliser un aliment.

La chasse au sucre caché est donc désormais ouverte, ce qui n’est pas si mal, car on en trouve dans pratiquement tous les aliments industriels.

Boissons «énergisantes» en ligne de mire

«J’adore ce qui est sucré, dessert, boissons. A un moment donné, je buvais au moins huit canettes de Redbull par jour, raconte une jeune femme. Lorsque mes dents ont commencé à s’abîmer, j’ai essayé de restreindre ma consommation. Cela s’est avéré extrêmement difficile. Plus difficile que de diminuer le cannabis par exemple. Il m’a fallu une année pour arriver à une seule canette par jour. Quant au sucre, je ne peux pas m’en passer, c’est comme une drogue pour moi.»

Addiction suisse vient de publier une fiche sur la dépendance des jeunes aux boissons «énergisantes», type Redbull. L’institut de prévention de l’alcoolisme et autres toxicomanies dénonce quant à lui l’association du sucre et de la caféine dans ces boissons qui pourrait «agir sur le système de récompense et favoriser le développement de conduites addictives». L’adjonction de taurine augmenterait l’absorption du sucre.

Par ailleurs, une canette de soda de 250 ml contient 25 à 30 grammes de sucre, ce qui correspond à 6-9 morceaux. En buvant moins de deux cannettes, on atteint donc la consommation quotidienne maximale recommandée de 50 grammes de sucre ajouté.

Toujours plus de sucre

La consommation de sucre a augmenté progressivement depuis le XVII-XVIIIe siècle, moment où la culture de la canne à sucre s’est développée, pour s’intensifier ces quarante dernières années. Et force est de constater que l’augmentation de l’obésité a suivi la même courbe que celle de la consommation de sucre. C’est d’ailleurs sur ce constat que se basent les nouvelles théories rendant le sucre responsable de nombre de nos maux.

Le chantre en la matière, c’est Robert Lustig, spécialiste en endocrinologie pédiatrique à l’Ecole de médecine de Chicago. Sa conférence «Sucre, l’amère vérité» («Sugar, the bitter truth»), postée sur YouTube en 2009, avait été visionnée 5,3 millions de fois en décembre 2014. Dans une étude parue en 2013, le médecin montre que l’incidence du diabète est liée à la consommation de sucre, indépendamment du taux d’obésité. Robert Lustig accuse également le sucre de provoquer des déséquilibres hormonaux, le diabète et de jouer un rôle dans certains cancers. Des conclusions qui demanderaient à être étayées par d’autres études.

De son côté, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient de revoir à la baisse ses recommandations sur les quantités maximales de sucre ajouté à consommer quotidiennement. Celui-ci ne devrait pas excéder 5% de l’apport calorique global (10% pour les précédentes recommandations). Ce qui représente environ six cuillères à thé pour un adulte et trois pour un enfant. Ou encore 50 grammes pour un adulte et la moitié pour un enfant.

Pouvoir addictif

Le sucre est-il addictif? Difficile en tout cas pour beaucoup d’entre nous d’en limiter ses quantités. Certaines études sur les souris montrent même une addiction au sucre plus forte qu’à la cocaïne! «Le pouvoir addictif des hydrates de carbone sous forme de sucres raffinés à absorption rapide est démontré chez l’animal. Notamment avec les succédanés de sucre particulièrement doux, comme la saccharine par exemple. La démonstration est moins claire chez l’homme, mais certains patients, en particulier les femmes, en témoignent très clairement. Cette envie très forte de sucre se manifeste aussi chez les personnes qui renoncent à une autre addiction, alcool, tabac, etc.», relève Jacques Philippe, médecin-chef du Service d’endocrinologie, diabétologie, hypertension et nutrition aux Hôpitaux universitaires de Genève.

«Chez la plupart des gens, il y a simplement une préférence pour le sucre, poursuit le spécialiste. Seul un petit pourcentage est concerné par une addiction aux aliments, qui est d’ailleurs beaucoup mieux documentée pour les graisses que pour le sucre.»

Reste une dernière question, et de taille: est-ce que le sucre est responsable de l’épidémie d’obésité actuelle? «Celle-ci est avant tout due à la consommation totale de calories, dont celles fournies par le sucre, et à la diminution de l’activité physique», estime Jacques Philippe.

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* Cela reste vrai pour les graisses saturées et trans!

Plus d’informations sur:

http://shop.addictionsuisse.ch/

fr/150-fiches-d-information

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