Les dernières avancées de la recherche contre la tuberculose

Dernière mise à jour 11/03/14 | Article
Les dernières avancées de la recherche contre la tuberculose
Les antibiotiques utilisés contre la tuberculose sont les mêmes depuis des dizaines d’années. Et les résistances sont de plus en plus nombreuses. Deux laboratoires suisses développent ce qui sera peut-être le traitement anti-tuberculeux de demain.

Le taux de mortalité de la tuberculose a baissé de 45% depuis 1990, notamment grâce à un meilleur accès aux traitements. En 2012, la maladie a cependant encore contaminé près de 9 millions de personnes dans le monde et 1,3 million en sont morts. La multiplication des formes résistantes aux antibiotiques et les flux migratoires de plus en plus importants, font de la tuberculose un problème de santé publique qui dépasse les frontières des seuls pays émergents.

Plusieurs laboratoires suisses mènent des recherches sur cette maladie. Deux d’entre eux ont récemment publié des travaux prometteurs sur de nouvelles antibiothérapies.

Utiliser les molécules naturelles

«La sélection naturelle a plutôt favorisé les organismes capables de résister à la tuberculose, explique Stewart Cole, directeur du Global Health Institute à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Une de nos stratégies repose donc sur l’utilisation de molécules présentes dans la nature, plutôt que des molécules synthétiques.» Le chercheur et son équipe ont concentré leur attention sur la pyrodomycine, un antibiotique produit par une bactérie qui vit dans le sol, découvert dans les années 1950 et délaissé depuis.

Après avoir démontré l’efficacité de cet antibiotique contre Mycobacterium tuberculosis (la bactérie responsable de la maladie), les chercheurs ont publié récemment, dans Nature Chemical Biology, une étude qui montre comment agit la molécule. «Nous avons découvert que la pyrodomycine possède une structure tridimensionnelle bien plus sophistiquée que celle des molécules synthétiques, la nature est plus ingénieuse que nous», relève Stewart Cole.

Le mode d’action de la molécule est également original: elle s’attaque à la fois au fonctionnement de Mycobacterium tuberculosis et à l’intégrité de sa paroi cellulaire. Une double action qui rend la molécule très efficace, même contre les bactéries résistantes aux traitements habituels. «Très peu de nouveaux médicaments contre Mycobacterium tuberculosis ont été développés, et la tuberculose est soignée depuis plusieurs dizaines d’années avec les mêmes antibiotiques, rappelle Stewart Cole. Ceci contribue à l’explosion des cas de résistances».

Pour l’heure, la pyrodomycine ne peut pas être utilisée sous sa forme originale, car son temps d’action dans l’organisme est trop court. Les chercheurs de l’EPFL ont cependant développé une forme modifiée de la molécule, qui résiste mieux à l’action métabolique du foie.

Modifier des molécules déjà connues

Retravailler la structure d’une molécule active qui existe déjà. Telle est la démarche choisie par le laboratoire du professeur Eric Böttger, professeur de microbiologie à l’Université de Zurich, pour un projet mené conjointement avec des universités américaines et espagnoles. Les résultats, publiés fin janvier dans la revue Nature Medicine, montrent le potentiel des spectinamides (des composés obtenus à partir de la spectinomycine, un antibiotique connu de longue date). «Nous avons d’abord cherché à comprendre pourquoi la spectinomycine ne fonctionnait pas contre le Mycobacterium tuberculosis, puis il nous a fallu trouver une manière de modifier la molécule pour surmonter cela», raconte le professeur, qui souligne qu’un tel projet requiert une approche multidisciplinaire alliant l’expertise de chimistes, généticiens et microbiologistes.

En plus de travailler sur l’efficacité du composé il a aussi fallu beaucoup d’efforts pour s’assurer de son innocuité. La spectinomycine tue les bactéries en s’attaquant à ses ribosomes, des éléments cellulaires fondamentaux pour traduire l’information génétique des cellules en protéines. Or ces ribosomes sont présents dans toutes les cellules, bactériennes comme humaines! «Il existe beaucoup de molécules extrêmement efficaces en fait, mais le seul souci c’est qu’elles tuent à la fois Mycobacterium tuberculosis et l’organisme qui l’héberge», relève Eric Böttger.

Les scientifiques ont abouti à une nouvelle classe d’antibiotiques dérivés de la spectinomycine, actifs contre la tuberculose et inoffensifs pour les cellules humaines. Là encore, le composé s’avère efficace pour détruire les formes résistantes de Mycobacterium tuberculosis.

Une seule ombre au tableau, les spectinamides ne peuvent être administrés au patient que par voie intraveineuse (IV). «Les autorités promeuvent les traitements sous forme de comprimés, regrette Eric Böttger. Bien sûr que cela est dans l’absolu la meilleure option, mais nous sommes aujourd’hui dans une situation sanitaire suffisamment préoccupante pour accepter des compromis. Tous les patients ne peuvent peut-être pas recevoir d’injection IV, mais ceux qui le peuvent seraient sans doute bien contents qu’on leur propose une alternative.»

Une validation clinique difficile

Testé avec succès chez l’animal, les traitements mis au point par les chercheurs lausannois et zurichois doivent maintenant être validés par des essais cliniques. Une phase qui nécessite des investissements financiers importants. «La tuberculose est – à tort – encore très considérée comme une maladie des pays pauvres, déplore Stewart Cole. Il n’y a donc que très peu de moyens alloués pour le développement de nouveaux médicaments.»

Eric Böttger s’inquiète lui du fossé qui se creuse entre les décisions des autorités de santé et la réalité de terrain. «Nous sommes face à des choix politiques qui ne sont peut-être pas le meilleur investissement à moyen et à long terme, constate le scientifique. Nous, nous faisons notre travail de chercheurs, nous montrons qu’il y a des choses possibles, après nous ne pouvons qu’espérer!»

Une nouvelle approche pour une vieille maladie

Fin 2013 s’est tenue à Boston la finale du championnat du monde étudiant de biologie synthétique, iGEM. L’équipe française Paris-Bettencourt a décroché la première place pour son travail sur la tuberculose. «La biologie synthétique permet, entre autres, de modifier des bactéries pour leur conférer de nouvelles fonctions, explique Aude Bernheim, membre de l’équipe Paris-Bettencourt. Nous avons trouvé passionnant d’explorer ce que cette jeune discipline scientifique pourrait apporter à un sujet aussi ancien que la tuberculose.» En quatre mois de travail intensif les jeunes chercheurs ont pu établir des preuves de principe pour quatre projets, dont un système de diagnostic rapide. «Certains d’entre nous vont poursuivre ces recherches dans le cadre de leur thèse de doctorat, précise Aude Bernheim. Et deux articles scientifiques ont été publiés, ce qui permet à tout laboratoire intéressé de s’inspirer de ces résultats préliminaires pour aller plus avant.»

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