Evaluer les troubles de la voix pour mieux les soigner

Dernière mise à jour 14/12/11 | Article
Bulles de dialogue
Une altération de la voix peut entraîner d’importantes perturbations dans la communication, mais aussi dans l’identité et la représentation sociales de la personne affectée.

La dysphonie est une altération de la voix. Elle peut prendre la forme d’un changement du timbre, d’une instabilité, d’une diminution de l’intensité, d’un essoufflement à la parole ou d’une fatigue vocale. La qualité de la voix est testée de deux manières: par une évaluation perceptive et une analyse instrumentale. Ces deux méthodes sont complémentaires  et permettent d’évaluer  la dysphonie selon plusieurs angles d’observation. L’évaluation perceptive se fait à l’oreille et l’évaluation instrumentale par la mesure de paramètres acoustiques et aérodynamiques de son.

L’évaluation perceptive repose sur le jugement humain et sur les capacités de l’auditeur à évaluer la qualité d’une voix. Généralement, la nature d’une voix est décrite en termes d’impression auditive: éraillement, raucité, souffle, craquements, etc. Elle possède donc une certaine subjectivité. L’analyse instrumentale a, elle, pour avantage d’être objective mais possède malheureusement une fiabilité limitée. C’est pourquoi une analyse multiparamétrique, intégrant  les deux méthodes d’évaluation, assure une meilleure évaluation de la dysphonie.

 En la matière, l’échelle japonaise dite de Hirano est la plus utilisée par les spécialistes. Très compacte et simple d’utilisation, elle a été conçue pour un usage clinique quotidien, d’où son succès immédiat. Elle classe la voix selon plusieurs paramètres prédéfinis.

Analyse perceptive

Dans la mise en place d’un protocole d’évaluation perceptive, le choix du jury est essentiel. Sa qualité est évaluée en termes de fiabilité qui correspond à la reproductibilité du jugement entre les auditeurs et par l’auditeur lui-même, lors de plusieurs sessions d’écoute. De nombreux auteurs soulignent l’importance  du niveau d’expérience des auditeurs et du recrutement de plusieurs membres afin d’obtenir un groupe homogène. Afin d’améliorer la fiabilité de l’évaluation, plusieurs sessions d’écoute sont organisées pendant lesquelles les voix, un texte lu standardisé, sont  passées «à l’aveugle» dans un ordre aléatoire. L’effet de contexte est un facteur d’influence du jury: une voix moyennement dysphonique paraît plus altérée si elle est présentée après une voix normale qu’après une dysphonie sévère. L’analyse perceptive est la seule capable de rendre les caractéristiques de la voix et est donc irremplaçable. De plus, elle est facile à mettre en œuvre, accessible à tout clinicien et peu coûteuse. Par contre, elle est chargée de plusieurs biais intrinsèques qui la rendent imparfaite et insuffisante : de nombreux facteurs influençant le jugement perceptif ne peuvent être contrôlés, tels que l’état émotionnel de l’auditeur au moment de l’évaluation, ses valeurs esthétiques, sa langue maternelle, la manière dont il conçoit l’échelle de mesure, etc. C’est pourquoi, plusieurs équipes de recherche ont pour but de développer une évaluation instrumentale objective des dysphonies permettant de comparer les résultats vocaux  de façon fiable et reproductible.

Analyse instrumentale

L’analyse instrumentale est  conçue pour qualifier et surtout quantifier les dysphonies à partir de mesures physiques,  acoustiques et aérodynamiques du son. Elles sont réalisées sur une voyelle tenue, en général le «a», à l’aide de différents capteurs. Il est nécessaire de combiner différentes mesures complémentaires afin de tenir compte de l’aspect multidimensionnel de la production vocale. Les mesures acoustiques sont effectuées à l’aide d’un microphone et révèlent les caractéristiques audibles de la dysphonie. Il s’agit principalement des mesures de la fréquence et de l’intensité, de leur stabilité, ainsi que de l’analyse du spectre du son. 

Des mesures physiologiques sont aussi pratiquées. L’étendue vocale, soit l’écart fréquentiel entre la note la plus aiguë et la plus grave que la personne peut émettre ou le temps maximum de phonation effectué généralement sur le «a» après une inspiration profonde et qui est le reflet de la qualité de la fermeture des cordes vocales en sont des exemples.

Reste qu’aucune mesure seule ne permet de poser un diagnostic certain à une dysphonie. C’est pourquoi les analyses perceptive et instrumentale sont complémentaires.

Référence 

Adapté de «Evaluation des troubles de la voix– une approche multiparamétrique », Dr Igor Leuchter, Service d’oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale, HUG, in Revue médicale suisse 2010; 6: 1863-7, en collaboration avec les auteurs.

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