Déclin de la qualité du sperme humain: l’hypothèse des pesticides

Dernière mise à jour 07/04/14 | Article
Déclin de la qualité du sperme humain: l’hypothèse des pesticides
Des chercheurs français proposent une explication pour un phénomène qui demeure bien mystérieux.

On s’inquiète, depuis plusieurs décennies déjà, d’une baisse croissante du niveau des paramètres biologiques caractérisant la «bonne santé» des spermatozoïdes humains. Il s’agit pour l’essentiel de leur nombre et de leur morphologie. Ce phénomène est d’autant plus surprenant qu’il  ne semble pas (du moins pour l’heure) associé à une diminution des taux moyens de fécondité masculine dans la population générale.

Base nationale française

L’affaire inquiète et fait polémique en France. Il y eut tout d’abord  une étude publiée fin 2012 dans la revue Human Reproduction(1). Cette étude avait porté, de 1989 à 2005, sur 26.600 hommes. Les chercheurs avaient alors exploité  les informations d’une base nationale réunissant les 126 centres français de procréation médicalement assistée. Les analyses portaient  sur les échantillons de sperme d’hommes partenaires de femmes suivant un traitement contre l’infertilité (infertilité d’origine exclusivement féminine).

Sur une période de 17 ans il était apparu que la baisse du nombre des spermatozoïdes était continue-  environ 1,9% par an. Soit au final 32,2% pour la concentration du sperme (mesurée en millions de spermatozoïdes par millilitre de sperme). Chez les hommes (aux alentours de 35 ans) les concentrations de sperme sont passées de 74 millions/ml en 1989 à 50 millions/ ml en 2005. Durant la même période le pourcentage de spermatozoïdes normalement formés a diminué  de 33,4%.

Attendre plus pour féconder

Il s’agissait, selon les auteurs,  de la première étude concluant une diminution importante et générale de la concentration, de la morphologie et de la qualité des spermatozoïdes à l'échelle de tout un pays et sur une aussi longue période. Pour le Dr Joëlle Le Moal (épidémiologiste à l'Institut national français de veille sanitaire) les valeurs 2005 de concentration du sperme situaient la France à la limite des valeurs de la fertilité masculine – du moins selon les critères de l’Organisation mondiale de la santé. Passer sous le seuil de 55 millions de spermatozoïdes par ml signifie, en théorie pour un homme, devoir attendre plus longtemps pour concevoir un enfant - sur une base équivalente de rapports sexuels potentiellement fécondants.

Comment comprendre? C’est très difficile. Des études précédentes avaient mis en évidence le possible rôle des facteurs environnementaux, comme les «perturbateurs endocriniens».  C’est dans ce contexte qu’est publiée une nouvelle étude, par la même équipe dans la revue Reproduction(2). C’est une sorte de déclinaison de la précédente.

Déclinaisons régionales

Les auteurs évoquent à nouveau les effets des perturbateurs endocriniens en ciblant, cette fois, sur les pesticides.  

Leurs résultats sont obtenus à partir de l’analyse des mêmes données mais en les complétant par une approche régionale. Ils montrent que la concentration et la qualité morphologique des spermatozoïdes a baissé dans la quasi-totalité des régions avec une diminution plus importante en Aquitaine et Midi-Pyrénées. La mobilité des spermatozoïdes en revanche, augmente légèrement dans l’ensemble des régions françaises, à l’exception de la Bourgogne qui suit une tendance inverse.

La similarité des tendances d’une région à l’autre peut laisser penser à l’existence d’un facteur unique ayant pu toucher l’ensemble de la population. Les auteurs songent (sans pouvoir le démontrer)  à l’exposition croissante aux perturbateurs endocriniens et plus particulièrement, dans certaines régions agricoles, à l’exposition aux pesticides.

Similitudes au-delà des Pyrénées

Ces observations peuvent être rapprochées de celles faites par des chercheurs espagnols de l’Université de Murcie et publiées dans la revueAndrology, qui constataient une baisse de 38%, en 10 ans, de la concentration du sperme chez les jeunes hommes vivant dans le sud-est de l'Espagne(3).  

Le Pr Torres Cantero et son équipe ont comparé les données de 2001 et de 2011 du Centre de recherche médicale de l'Université de Grenade. Soit celles portant respectivement sur le sperme de 273 et 215 jeunes hommes. Outre les baisses de concentration ils observent une augmentation des anomalies concernant la morphologie et la motilité. En 2011 environ 15% des échantillons de sperme montrent que tous les indicateurs de «qualité» du sperme sont en dessous de la norme. Comme leurs collèges français les chercheurs espagnols estiment que si la tendance se poursuivait, les taux d’infertilité iraient rapidement en augmentant.

(1) Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.

(2) Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.

(3) Un résumé (en anglais) de cette étude est disponible ici.

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