Prothèses PIP: on ne sait plus à quel saint se vouer!

Dernière mise à jour 18/01/12 | Article
Implants mammaires
L’affaire des prothèses défectueuses PIP touchent près de 400’000 femmes à travers le monde. Dans une période trouble, le Dr Raphaël Gumener, ancien président de la société suisse de chirurgie plastique, fait le point.

Le monde de la chirurgie est ébranlé par le scandale des prothèses françaises PIP, que vous inspire cette affaire?

Ce que l’on sait aujourd’hui, c’est que le silicone gel utilisé ainsi que l’enveloppe de la prothèse, ne sont pas conformes aux normes de fabrication exigées pour ce type d’implants. Quant à saisir jusqu’à quel point ce silicone industriel non médical est dangereux pour la santé, cela n’a pas encore été clairement défini. Tout cela pose aujourd’hui non seulement un problème aux femmes porteuses de ces implants, mais également aux professionnels de la santé qui ont été bernés par de fausses informations concernant ces produits. Il est inquiétant de constater que les organes de contrôle ne vérifient pas le bien-fondé de la documentation fournie pour ces prothèses et ne contrôlent pas régulièrement les implants eux-mêmes. On se met à espérer que cet énorme problème de santé publique, stimulera les autorités sanitaires à mettre en place des organes de contrôle mieux structurés et des exigences plus strictes. Cela va certainement alourdir les démarches administratives nécessaires pour l’utilisation de nouveaux produits médicaux, mais les patients potentiels ainsi que les médecins pourront ainsi bénéficier d’une sécurité accrue.

(La même problématique se retrouve également en ce qui concerne les produits injectables de comblement. En Angleterre, 160 produits de comblement sont sur le marché, alors qu’aux Etats-Unis 6 seulement sont reconnus par la FDA, l’Agence fédérale américaine des produits alimentaires et médicamenteux)

L’explantation des prothèses devrait-elle être recommandée par les autorités sanitaires, comme c’est aujourd’hui le cas en France, par exemple?

Je pense qu’il est préférable d’explanter ces prothèses PIP avant qu’elles ne posent problème. En effet, si l’on opère une patiente dont les prothèses sont encore intactes, cela est techniquement plus simple et nous permet de remplacer la prothèse PIP par une prothèse de bonne qualité. En revanche, dans le cas de fuites prothétiques avec une réaction inflammatoire locale cela rend l’intervention d’explantation plus complexe et empêche en règle générale le remplacement immédiat.

Comment est-ce concrètement possible qu’une prothèse «explose» à l’intérieur d’une patiente?

Toutes les prothèses, même celles de très bonne qualité, sont un corps étranger. Celui-ci peut tout naturellement «s’user avec le temps». L’enveloppe peut progressivement s’abîmer et conduire à une fuite du gel de silicone. Aujourd’hui, les normes de fabrication des prothèses et les contrôles de qualité, nous permettent d’obtenir des prothèses dont l’enveloppe est plus solide et le gel de silicone cohésif.

Que se passe-t-il en cas de fuite du silicone?

S’il y a une «fuite» dans un implant, le sein peut devenir, dans de rares cas, beaucoup plus mou à la palpation. Habituellement, le gel de silicone libre en contact avec le tissu avoisinant, provoque une réaction inflammatoire  locale. Celle-ci se traduit par l'apparition d’une «coque périprothétique» ou «capsule contractile», qui rend progressivement le sein plus ferme et induré. C’est pour ces raisons, que nous demandons à nos patientes de se palper régulièrement car c’est encore elles qui se connaissent le mieux et qui pourront, le plus tôt, reconnaître un changement. Si une modification se manifeste lors de la palpation, on encourage les patientes à consulter leur chirurgien plasticien ou leur gynécologue. En cas de doute, on fait des examens plus poussés (échographie, mammographie, résonance magnétique) pour vérifier l’intégrité de l’enveloppe de la prothèse en place. Si une fuite est diagnostiquée, le chirurgien est alors amené à changer la prothèse dans un délai raisonnable sans pour autant que cette condition ne présente une urgence.

Les implants mammaires ont-ils une durée de vie limitée dans le temps?

Pas vraiment. Certains chirurgiens préconisent le changement de celles-ci tous les dix ans. Cela ne repose sur aucune base scientifique. Le changement de prothèses peut être indiqué dans le cas de «coque périprothétique» conséquente ou non à des fuites péri-prothétiques. Ceci peut survenir dans des délais variables. Si au bout de dix ans une patiente est satisfaite avec ses prothèses, si l’examen médical et/ou radiologique ne révèle aucune anomalie, il n’y a aucune raison de changer la prothèse.

Le silicone contenu communément dans les prothèses peut-il porter préjudice à l’organisme et provoquer des cancers (comme cela serait peut-être le cas dans l’affaire des PIP)?

Les spécialistes multidisciplinaires réunis par la FDA pour lever les moratoires concernant les prothèses mammaires en gel de silicone sont arrivés à des conclusions que l’on peur résumer en quatre points:

  1. Le gel de silicone ne provoque pas ou ne stimule pas l’apparition d’un cancer mammaire.
  2. Si une femme allaite, il n’y a aucun risque de passage de gel de silicone dans le lait maternel.
  3. Les prothèses en gel de silicone n'empêchent pas un bon suivi médical, qu’il soit clinique par la palpation ou radiologique (échographie, mammographie, résonance magnétique).
  4. Aucune relation de cause à effet entre gel de silicone et maladie auto-immune n’est retenue par ce panel de spécialistes.

L’implantation de prothèses PIP était-elle courante en Suisse?

A ma connaissance, très peu de médecins suisses ont utilisé de manière régulière les PIP. Les raisons exactes de ce choix, mis à part leur prix inférieur aux autres prothèses sur le marché, ne sont pas claires. Les médecins ont toutefois été également les victimes d’une mauvaise information sur le produit mis sur le marché. Comme le déclarent aujourd’hui les chirurgiens français, bien que ce ne soit pas eux qui ont provoqué le problème, c’est tout de même à eux d’aider leurs patientes à s’en sortir.

Comment se déroule normalement une implantation mammaire?

La mise en place de prothèses mammaires, fait partie de ce qu’on appelle une «chirurgie de surface». Le chirurgien traverse la peau, la glande mammaire et selon le cas passe sous les muscles du grand pectoral. La limite profonde est le niveau costal. Il s’agit donc d’une chirurgie peu agressive, élective, pratiquée en règle générale sur des gens sains et bien portants. Nous nous entourons d’une sécurité maximale pour une chirurgie somme toute esthétique. L’opération se fait sous anesthésie générale avec des risques anesthésiques mineurs. Quant aux suites opératoires, elles ne sont pas très lourdes : pendant quelques jours la patiente est limitée dans l’amplitude de ses mouvements et dans l’utilisation de la force de ses bras. Les patientes aspirant à reprendre des activités sportives plus exigeantes doivent respecter un délai d’environ six semaines.

Quelles en sont les risques?

Dans la période post-opératoire immédiate, les risques sont les mêmes que lors de tout geste chirurgical.  Les patientes peuvent présenter des hématomes, des problèmes mineurs de cicatrisation et, ce que l’on craint le plus, une infection. Dans ce dernier cas de figure, la patiente doit être réopérée, la prothèse enlevée tout en instaurant une antibiothérapie. La prothèse ne pourra être remise en place que plusieurs mois plus tard. A moyen ou long terme, les problèmes possibles sont liés à l’apparition de «coques périprothétiques», rendant le sein dur et inconfortable. Enfin le sein d’une femme peut évoluer au cours de sa vie, lors de grossesse ou à la ménopause, donc lors de changements hormonaux importants. Nous sommes alors parfois amenés à retoucher ou à harmoniser le volume et la forme du sein, même avec une prothèse en place.

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