La chirurgie pourrait soulager les migraines à répétition

Dernière mise à jour 25/02/15 | Article
La chirurgie pourrait soulager les migraines à répétition
Souffrir de maux de tête motive rarement une consultation médicale. Pourtant, des céphalées violentes ou des migraines répétées doivent être prises au sérieux. Car les traitements progressent.

De quoi on parle?

Les faits

Alors qu’il était en Australie dans le cadre d’une tournée mondiale, le rappeur Kanye West avait été hospitalisé d’urgence le 10 septembre 2014. C’est en pleine répétition pour son concert du soir qu’il avait été pris de maux de tête «foudroyants». Après quelques heures passées à l’hôpital et divers examens, dont une IRM cérébrale, il a pu chanter le soir même.

Le bilan

Les patients qui se présentent aux urgences à cause de céphalées sont nombreux. Parmi eux beaucoup souffrent de migraine, maladie qui touche plus de 10% de la population.

Le mal de tête est un symptôme tellement banal que beaucoup de personnes n’en parlent pas à leur médecin. «Les maux de tête sont longtemps restés tabous, constate Sylvie Chauvet, algologue à la consultation des douleurs chroniques et céphalées de l’Hôpital de la Tour, à Meyrin (GE). Mais l’enseignement s’est amélioré dans les facultés de médecine et la campagne de l’OMS sur l’impact sanitaire et social des céphalées a porté ses fruits.» En cas de douleurs chroniques, les traitements sont cependant restreints, et pas toujours efficaces.

De violents maux de tête doivent amener à consulter en urgence. «Ces céphalées "en coup de tonnerre" peuvent être consécutives à une hémorragie cérébrale, par exemple, et des examens approfondis sont nécessaires», précise la spécialiste. Cela dit, la plupart des consultations hospitalières se font pour des maux de tête dits «primaires», c’est-à-dire indépendants de toute autre maladie. C’est notamment le cas des céphalées de «tension» ou de la migraine. L’Hôpital Lariboisière, à Paris, a même ouvert un service unique en son genre intitulé Urgences Céphalées. «Nous recevons plusieurs centaines de patients par mois, dont beaucoup aux prises avec une migraine particulièrement violente, explique Caroline Roos, neurologue. Nous leur proposons des traitements par intraveineuse. Mais c’est aussi l’occasion de vérifier que le diagnostic est correct; certains patients se disent migraineux alors qu’ils souffrent d’un autre type de céphalée.»

La migraine

Une consultation spécialisée est essentielle pour bénéficier du traitement le plus adapté. En cas de migraines, ils sont de deux types. Les traitements dits «de fond», composés de plusieurs médicaments, doivent être pris au long cours pour espérer une amélioration des symptômes. Leurs résultats sont cependant décriés par certains patients. «Il faut clarifier l’objectif thérapeutique avec la personne, car diminuer la fréquence des crises est une amélioration, mais cela peut être insuffisant pour la personne touchée, reprend Sylvie Chauvet. On procède en testant différentes molécules et en cherchant le dosage optimal pour être efficace. Il faut donc s’armer de patience.»

Pour la prise en charge des crises violentes accompagnées de douleurs aiguës, les médicaments de la classe des triptans ont marqué un véritable tournant thérapeutique. Mais depuis leur mise sur le marché, il y a une vingtaine d’années déjà, aucune autre molécule n’a été mise au point. Or entre 10 et 15% des migraineux ne répondent pas à ces médicaments, et 5% présentent des contre-indications strictes.

Pour soulager ces patients, quelques alternatives existent. Le Royaume-Uni a, par exemple, autorisé en 2014 l’utilisation de la stimulation magnétique transcrânienne, une méthode non invasive et sans douleur qui utilise des ondes électromagnétiques. «Au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), on teste la stimulation des nerfs occipitaux, explique Andreas Hottinger, médecin associé au service de neurologie. Les résultats sont bons mais il faut implanter un pacemaker. Il s’agit donc d’un traitement de dernier recours.»

Le cercle vicieux des antalgiques

C’est un phénomène bien connu des médecins, moins des patients: un mauvais usage des antidouleurs (paracétamol, anti-inflammatoires) et des triptans peut être source de maux de tête.

«Ces céphalées médicamenteuses se produisent chez des personnes qui souffrent déjà de maux de tête, quand la fréquence augmente, explique Andreas Hottinger, médecin associé au service de neurologie du CHUV. Le patient tente alors de se traiter en accumulant les prises d’antalgiques, habituellement efficaces. Un phénomène de dépendance se met alors en place.»

Dès l’arrêt des antidouleurs, des maux de tête se déclenchent, poussant la personne à reprendre des comprimés. «C’est un cercle vicieux souvent difficile à briser, car il faut passer par un véritable sevrage», précise le médecin. Le risque de céphalées médicamenteuses existerait lorsque les prises d’antalgiques excèdent quinze jours par mois, et celles de triptans dix jours par mois.

«Cela souligne l’importance pour le patient qui souffre de céphalées chroniques de faire le point régulièrement avec son médecin, insiste Andreas Hottinger. Ces douleurs sont le fruit de nombreux facteurs et peuvent donc évoluer au fil des mois; une adaptation du traitement est nécessaire pour garantir une bonne efficacité.»

En cause, un nerf dans le front

Au CHUV, toujours, l’équipe du professeur Wassim Raffoul propose un traitement chirurgical de la migraine. Une technique mise au point il y a plus de dix ans aux Etats-Unis par des chirurgiens plastiques, dont le professeur Thomas Mühlberger, qui pratique à Berlin: «Certains patients opérés pour des reconstructions de la face rapportaient des améliorations nettes de leurs migraines. Il nous a fallu du temps pour réaliser que cet effet était en lien avec l’ablation du muscle corrugateur.» Situé sous la peau du front, celui-ci permet de froncer les sourcils. En compressant un nerf, le trijumeau, il pourrait ainsi favoriser l’apparition de migraines.

La technique employée au CHUV diffère légèrement de celle initiée aux Etats-Unis mais vise également la libération des nerfs. «Notre spécialité est la chirurgie des nerfs périphériques dans le cadre des douleurs chroniques, explique Giorgio Pietramaggiori, chef de clinique au service de chirurgie plastique. Dans certains cas, la migraine peut être liée à un problème anatomique. C’est en tout cas ce que montrent les bons résultats obtenus chez la cinquantaine de patients que nous avons traités depuis un an.»

Les enfants ne sont pas épargnés

Comme chez les adultes, certains maux de tête peuvent être dus chez les enfants à des crises de migraine. «On parle d’équivalents migraineux du petit enfant, explique Sylvie Chauvet, spécialiste de la douleur attachée à la consultation douleurs chroniques et céphalées de l’Hôpital de la Tour, à Meyrin (GE). Il est difficile de dire à partir de quel âge ces migraines pourraient commencer, mais sans doute très tôt.»

La spécialiste relate les témoignages de mères, elles-mêmes migraineuses, qui disent reconnaître chez leur nourrisson des signes (sensibilité à la lumière, au bruit, aux odeurs, etc.) rappelant leurs propres symptômes. A Paris, l’Hôpital Robert-Debré a ouvert une consultation spécifique pour les céphalées et les migraines pédiatriques.

«La prise en charge des enfants migraineux est délicate, car il y a encore moins d’options médicamenteuses que pour les adultes, souligne Sylvie Chauvet. Les méthodes douces, telles que l’autohypnose, sont favorisées.»

Une Neuchâteloise, Julianne Rossetti, a été opérée en août 2013 par le professeur Mühlberger. «Mes migraines étaient si fortes que bouger mes cheveux suffisait à me faire pleurer, raconte-t-elle. Depuis l’opération j’ai encore mal à la tête parfois, mais je n’ai plus eu de migraine.» Les chirurgiens le soulignent, cette approche n’est pas une «solution miracle» et ne convient pas à tous les patients. Des tests préopératoires évaluent la pertinence de la chirurgie, notamment l’injection de toxine botulique (Botox®) qui permet de simuler l’opération. La chirurgie n’est proposée que si, dans les semaines suivantes, les crises de migraines diminuent de plus de 50%.

Cette technique suscite toutefois beaucoup de scepticisme chez les neurologues, qui attendent d’en voir les résultats sur le long terme. «Nous essayons d’introduire quelque chose de nouveau, commente Thomas Mühlberger. Et en médecine ce n’est jamais ni facile, ni rapide.»

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Le Matin Dimanche

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