L’homme bio-artificiel a un bel avenir

Dernière mise à jour 26/10/11 | Article
Les recherches investissent plusieurs champs : organes artificiels, ingénierie biomédicale, thérapie cellulaire et xénotransplantation. Dans chacun de ces domaines, les perspectives sont grandes. Les obstacles à lever également. Tour d’horizon avec le Dr Beat Walpoth, spécialiste des organes artificiels.

Des premières prothèses orthopédiques aux stimulateurs cardiaques toujours plus petits et performants, les organes artificiels permettent de sauver des vies ou d’en améliorer la qualité depuis plus de cinquante ans. Aujourd’hui, miniturbine dans le coeur, microprocesseur dans le cerveau, cordes vocales remplacées par des implants en titane, etc. sont presque monnaie courante. Et demain ? Quels progrès fera encore la médecine en matière d’implants ? Réponses avec le Dr Beat Walpoth, consultant et responsable de la recherche fondamentale et clinique en chirurgie cardiovasculaire aux HUG et ancien président de la société européenne pour les organes artificiels.

Ce dernier insiste d’emblée sur un point : « La solution optimale demeure la transplantation, mais faute d’organes, il faut trouver d’autres pistes. » Pour pallier cette pénurie, citons quatre grands domaines de  recherche : les organes artificiels, l’ingénierie biomédicale, la thérapie cellulaire et la xénotransplantation.

Interfaces homme-machine

Dans la première catégorie, les implants passifs comme les prothèses orthopédiques ou les valves cardiaques progressent dans la qualité des matériaux, la grandeur, le poids et la durée de vie. Alors que ceux dits actifs offrent de plus en plus de fonctionnalités : les stimulateurs cardiaques peuvent être consultés à distance, les prothèses de bras robotisées sont entièrement contrôlées par la pensée, de minuscules puces électroniques sont directement connectées aux cellules rétiniennes et des microélectrodes remplacent la cochlée. Sans oublier les interfaces hommemachine. Un exemple : pendant qu’une personne pense à une action, un électro-encéphalogramme enregistre les signaux électriques de son cortex, avant qu’un ordinateur ne les traite et les transforme en mouvements de la machine. Le potentiel d’application est énorme pour des patients souffrant de scléroses multiples, de dystrophie musculaire ou encore du syndrome d’enfermement (« locked-in »).

Greffons synthétiques biodégradables

En ce qui concerne le remplacement des organes qui ont des fonctions métaboliques (rein et foie), les solutions actuelles demeurent des machines externes. « D’ici dix ans, elles auront été miniaturisées, implantées car biocompatibles (lire ci-contre), avec des pompes et des batteries plus performantes comme c’est déjà le cas pour le coeur artificiel », relève le spécialiste. Autre champ, l’ingénierie biomédicale. Pour l’heure, des prothèses vasculaires synthétiques dégradables offrent d’excellents résultats chez l’animal après deux ans. L’objectif est de proposer, d’ici cinq à dix ans, des greffons synthétiques biodégradables pour l’homme. Une application concrète est prévue en chirurgie cardiaque dans le laboratoire du Dr Walpoth (Geneva Cardiovascular Research) : lors des pontages coronariens – 500 000 par année rien qu’aux Etats-Unis –, le greffon autologue (veine de la jambe ou artère mammaire) serait remplacé par des vaisseaux artificiels. « Les cellules se répandent dans la matrice biodégradable et reforment une propre structure biologique », explique le Dr Walpoth, qui voit dans un horizon fort lointain « la possibilité de recréer des organes entiers grâce au mélange de polymères et de cellules humaines ».

L'homme bionique

Thérapie cellulaire

La thérapie cellulaire offre elle aussi de nombreux espoirs pour des maladies telles qu’Alzheimer, Parkinson, diabète, insuffisance cardiaque, leucémie. Les cellules souches peuvent se diviser presque à l’infini et se différencier en n’importe quel autre tissu du corps : muscle, foie, coeur, etc. Pour l’heure, il est possible de cultiver in vitro des tissus à partir de cellules souches embryonnaires ou adultes. A l’avenir, l’objectif est de rendre les greffons compatibles pour une implantation chez l’humain en éliminant les risques comme le rejet et les tumeurs. Relevons que la médecine régénératrice propose déjà des utilisations : greffe de cellules souches hématopoïétiques (provenant de la moelle épinière) pour traiter les leucémies ou d’autres maladies graves du sang ; greffes cutanées chez les grands brûlés ; injection de cellules souches dans un infarctus
du myocarde pour améliorer la fonction cardiaque. « Dans ce dernier cas, des recherches, notamment à l’Université de Genève, visent à obtenir une meilleure fonction et survie de ces cellules », relève le Dr Walpoth.

Xénotransplantation

La xénogreffe, c’est-à-dire l’utilisation d’organes animaux pour la transplantation chez l’humain,  est aussi une source d’espoir. Les travaux sur les cellules pancréatiques et hépatiques porcines sont nombreux, mais l’application à l’homme est encore lointaine. Les barrières immunologiques et infectieuses seront les plus difficiles à lever.

Rejet et biocompatibilité

Tout organe transplanté demeure un corps étranger pour le receveur. Conséquence : l’obligation de prendre des médicaments antirejet chaque jour et à vie. Dans ce domaine, un pas de géant a été accompli au début des années 80 avec l’apparition de la ciclosporine. Ce médicament est un immunosuppresseur qui prévient le rejet des greffes en inhibant le système immunitaire. Qu’en est-il des organes artificiels ?
Comme ils ne sont pas vivants, mais de matière synthétique ou métallique, il ne peut y avoir de rejet. « Par contre, il y a une réaction du corps contre l’implant. On essaie de la minimiser en utilisant des matériaux les plus biocompatibles possible, tel le titane », explique le Dr Beat Walpoth, spécialiste des organes artificiels. A terme, cela peut aboutir à une capsule fibreuse, réaction normale de l’organisme formant une sorte de tissu cicatriciel autour du corps étranger afin de l’isoler et de se protéger. 
Autre difficulté rencontrée : le contact avec le sang. Dans ce cas, la réaction au corps étranger est la thrombose (caillot sanguin). « Pour éviter le risque de thrombose de prothèse, les personnes sont sous traitement anticoagulant toute leur vie, par exemple celles qui portent une valve cardiaque mécanique, qu’elle soit en titane ou en carbone », précise le Dr Walpoth.
A relever encore que plusieurs groupes, dont certains aux HUG, cherchent à trouver de nouveaux recouvrements de surface pour les organes artificiels afin d’augmenter leur biocompatibilité.

Source

Pulsations - juillet-août 2011 / Photos : Julien Gregorio / Phovea

Article original: http://www.hug-ge.ch/_library/pdf/Actualite_sante/Journale_Pulsations_07_2011/p08_13_DOSSIER.pdf

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