«Les répercussions de la maladie rhumatismale sur la vie d'un enfant sont immenses»

Dernière mise à jour 14/04/15 | Article
«Les répercussions de la maladie rhumatismale sur la vie d'un enfant sont immenses»
Être atteint de rhumatisme quand on est enfant est lourd de conséquences. Le Dr Michaël Hofer, spécialiste en rhumatologie pédiatrique au Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), déplore avec force le manque de moyens et de spécialistes alloués à cette pathologie. Il craint les répercussions à long terme sur la société et le système de santé.
On imagine souvent que les rhumatismes sont une maladie de la personne âgée. Qu’en est-il?

Il n’en est rien. Les rhumatismes touchent également les personnes actives et les enfants. C’est même l’une des maladies chroniques pédiatriques les plus fréquentes. On estime que sur mille enfants, entre un et deux en sont victimes.

A partir de quel âge un enfant peut-il souffrir de rhumatismes?

Très tôt. Dès la naissance pour les rhumatismes d’origine génétique et dès 1-2 ans pour les autres formes.

Les maladies rhumatismales sont-elles les mêmes chez l’enfant et l’adulte?

Certains types de rhumatismes ont leur pendant pédiatrique, certains sont très répandus chez l’enfant et rares chez l’adulte, tandis que d’autres ont des présentations très spécifiques chez l’enfant. L’enfant souffre principalement de rhumatismes inflammatoires, d’origine génétique ou fonctionnelle (voir encadré). Mais le fait que la maladie survienne pendant la croissance affecte l’individu différemment. Cela a des effets non seulement sur son développement locomoteur, sur le développement de ses articulations, sa taille, mais aussi sur son vécu psychologique. Être malade dès le plus jeune âge modifie profondément la conception que l’on a de l’existence. Il faut s’en soucier. Ces enfants ont besoin d’être entourés.

Comment se manifeste la maladie chez l’enfant?

Les rhumatismes se manifestent le plus souvent par des douleurs aux articulations, des gonflements, de la fièvre, de la fatigue, une limitation de la mobilité, voire parfois par une boiterie. Chez les plus petits, il faut se soucier si un bébé a de la peine à bouger, à se mettre debout ou à marcher. De même, il ne faut pas négliger les pleurs nocturnes qui peuvent être l’expression de douleurs rhumatismales.

La maladie est-elle facile à diagnostiquer?

Le diagnostic n’est pas simple à poser chez l’enfant. Car souvent, faute de pouvoir le formuler verbalement, ce n’est pas lui qui rapporte le problème, mais ses parents. De plus, l’enfant a tendance à s’habituer à sa douleur et ne réalise pas que ce n’est pas normal. Ce sont les raisons pour lesquelles l’enfant et ses parents consultent souvent tardivement. Le spécialiste se heurte également à d’autres difficultés lors de la consultation : l’enfant cherchera souvent à minimiser ses troubles ou à répondre aux questions en fonction de ce qu’il imagine devoir dire ou par peur de nouveaux examens. Pour éviter d’avoir une image trompeuse de la situation, il faut réexaminer l’enfant plusieurs fois.

Souffrir de rhumatismes quand on est un enfant, qu’est-ce que cela a de compliqué au quotidien?

L’enfant atteint de rhumatisme est souvent stigmatisé à l’école et rejeté par ses pairs. Il est très dur de se confronter aux autres quand on est différent. Et comme les douleurs ne se voient pas, il se heurte à l’incompréhension des autres et se fait traiter de «petite nature». Or, les douleurs peuvent entraîner une réelle limitation physique, problématique durant les leçons de gymnastique par exemple. La maladie a également des conséquences sur la scolarité. La fatigue induite par les traitements peut diminuer la capacité de concentration. L’enfant est plus souvent absent en raison des douleurs, des traitements et de la fréquence des consultations médicales. Il ne faut pas négliger non plus l’inquiétude que suscite la maladie par rapport à l’avenir. Ces enfants ont parfois une peur prononcée de la mort. En regard de leur maladie, ils se demandent quel métier ils pourront exercer, s’ils pourront ou non avoir des enfants, etc.

Quels rhumatismes chez l’enfant?

Les principales causes de rhumatisme chez l’enfant sont les suivantes:

  • Les rhumatismes inflammatoires, parmi lesquels l’arthrite juvénile. Il s’agit d’une atteinte des articulations et des tissus de soutien.
  • Les maladies fébriles récurrentes, d’origine génétique ou non. On observe une fièvre qui s’accompagne de douleurs articulaires, de maux de ventre, de taches sur la peau.
  • Les rhumatismes non-inflammatoires, qui se manifestent par des douleurs chroniques localisées à un membre en particulier ou plus étendues.
  • Les maladies métaboliques, comme par exemple la maladie de Fabry, une maladie génétique, plus présente chez les garçons. Elle se manifeste par de vives douleurs aux extrémités, des lésions sur la peau, etc.
Le soutien familial est-il important?

Oui. Avec les difficultés scolaires ou sociales rencontrées, il est primordial que l’enfant soit entouré. Et ce d’autant plus s’il a de la peine à l’école. Car avec les douleurs, les absences et les leçons à rattraper, c’est facile de décrocher. Or, c’est d’autant plus problématique que les limitations physiques qu’impose la maladie privent le jeune du choix de certains métiers. Un manque de soutien risque de compromettre sa bonne intégration dans sa vie d’adulte.

Cela veut-il dire que les rhumatismes perdurent à l’âge adulte?

Dans la majorité des cas, oui. On ne guérit pas des rhumatismes. Une partie des malades croit en cette pensée magique selon laquelle la maladie s’en va avec l’adolescence, mais il n’en est rien. Il faut dire que ces jeunes n’ont pas pu se construire en santé et ont toujours été malades. C’est particulièrement difficile à vivre. L’adolescence amène son lot de questions et de changements et ils n’ont plus envie d’entendre parler de leur maladie, au point parfois de rejeter les soins.

Quels traitements existent?

Depuis plus de vingt ans, on propose un médicament qui calme l’inflammation et le système immunitaire (le Méthotrexate®). Aujourd’hui, on dispose de médicaments modernes, mais chers, qu’on administre par voie intraveineuse ou sous-cutanée. Les effets de ces agents biologiques sont spécifiques au fonctionnement de la molécule que l’on cible. Mais il y a un risque d’infection car ils affaiblissent le système immunitaire. On manque encore de recul sur les effets à long terme, d’autant plus que ces agents biologiques agissent sur un système immunitaire en plein développement.

Est-ce que cela est suffisant pour améliorer le confort de ces jeunes malades?

Non. Il faut augmenter le nombre de recherches et d’études chez l’enfant. Aujourd’hui, beaucoup de médicaments sont prescrits «off label» (ndlrsans validation pour l’indication prescrite), ce qui pose d’importants problèmes de sécurité pour le patient, de responsabilité pour le médecin et de coûts, puisqu’ils ne sont pas toujours remboursés par l’assurance-maladie de base. Aujourd’hui, on doit se battre beaucoup plus pour des individus qui ont une espérance de vie plus longue. Le handicap, le fait d’être «démoli» par une maladie chronique, les difficultés de développement et d’intégration, etc.: on oublie les répercussions de la maladie sur l’enfant, qui est un adulte en devenir. On oublie aussi l’impact économique sur la société. Les politiciens ne semblent pas en avoir conscience. Dans la population, il y a certes beaucoup plus de seniors que d’enfants. Mais c’est une politique à court terme: les jeunes malades chroniques insérés dans le monde professionnel participent au financement de la prévoyance sociale au lieu d’en dépendre. On est confronté ici à une double problématique: la maladie rare et la maladie pédiatrique. Il est difficile pour une minorité de faire reconnaître ses spécificités.

Que faire pour améliorer la situation?

Le combat d’associations comme ProRaris ou Orphanet est utile pour informer le public et alerter les pouvoirs publics sur les moyens nécessaires au développement de nouveaux médicaments. Des initiatives pourraient être prises du côté des politiques. On pourrait imaginer d’alléger la charge fiscale des firmes pharmaceutiques qui investissent dans la recherche de médicaments pédiatriques ou, comme le fait la FDA des Etats-Unis (Food and Drug Administration), d’allonger de six mois le brevet des médicaments les plus vendus.

La fPmh, l’union des médecins de l’enfance et de l’adolescence, que je préside, se bat pour une médecine pédiatrique de haute qualité, adaptée aux besoins spécifiques des enfants. Ce sont des patients qui prennent du temps et donc qui coûtent cher. Avec l’évolution du système de santé, il y a un risque réel de manque de reconnaissance et de sensibilisation de ces jeunes patients.

Les enfants atteints de rhumatismes peuvent-ils être tout de même bien soignés?

Il faut savoir que les spécialistes sont peu nombreux. La rhumatologie pédiatrique est une discipline très jeune. Il y a vingt ans, j’étais le seul spécialiste en Suisse romande. Aujourd’hui, nous sommes environ dix pour toute la Suisse. Les premiers médecins ayant suivi le cursus suisse de formation dans cette discipline seront diplômés prochainement. Pour que les enfants puissent recevoir des soins adéquats, on a constitué une équipe de spécialistes qui se déplace dans toute la Suisse romande. De cette manière, les médecins ont la possibilité de rencontrer et de reconnaître un terrain large de pathologies et donc de mieux pouvoir les soigner.

Quels sont les enjeux pour le médecin et le patient quand ce dernier entre dans l’âge adulte?

Tout d’abord, lors du passage de l’enfance à l’adolescence, il est nécessaire de reprendre l’explication de la maladie. Puis, il faut éviter toute rupture dans la prise en charge afin de garantir la compliance et l’efficacité du traitement. A cet égard, la qualité du relais entre la médecine pédiatrique et la médecine adulte est primordiale, d’autant plus que l’on a peu de connaissances sur l’évolution des rhumatismes infantiles. D’où l’intérêt de suivre une cohorte de patients. Il s’agit d’évaluer le devenir des patients soignés avec des traitements biologiques et immunosuppresseurs, leur tolérance aux traitements, les effets secondaires, le développement de leur système immunitaire et l’état de leurs articulations.

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