Alzheimer: inquiétudes sur un arôme de l’industrie alimentaire

Dernière mise à jour 15/08/12 | Article
Biscuits industriels
Une étude américaine vient de mettre en lumière le caractère potentiellement neurotoxique d’une substance aromatique alimentaire. La maladie d’Alzheimer pourrait-elle dans certains cas devenir une maladie professionnelle?

Nous l’avons tous croisé un jour ou l’autre dans notre sphère alimentaire. Pour autant, qui saurait reconnaître le diacétyle, alias 2,3-butanedione? C’est une substance (une cétone) à la fois liquide, volatile et jaune. C’est aussi une formidable et paradoxale fragrance. On dit d’elle qu’elle fait autant songer à certaines fermentations lactées qu’à la transpiration humaine qui siège parfois dans certaines régions anatomiques confinées. D’où ce raccourci assez peu ragoûtant lorsqu’on évoque la senteur des pieds pour qualifier l’impression olfactive laissée par certains fromages.

Ainsi, le diacétyle est présent dans le beurre, les crèmes fraîches et les produits lactés, mais aussi dans certains vins plus ou moins prestigieux élaborés à partir du cépage chardonnay; notamment en Californie, pour tenter de copier ceux de Bourgogne. Car cette molécule est étroitement associée aux processus de fermentation. Elle est d’ailleurs bien souvent le fruit naturel du travail de certaines bactéries à Gram positif, parmi lesquelles, les bien nommées Lactococcus lactis et Lactococcus cremoris.

Un arôme qui attire le consommateur

L’olfaction humaine assimile souvent la présence de diacétyle aux arômes et aux goûts de beurre et de caramel. De ce fait, c’est aussi une substance proprement chimique à laquelle l’industrie alimentaire a fréquemment recours pour attirer le consommateur. Il s’agit là de tirer profit de réflexes olfactifs humains; réflexes assez semblables à ceux des insectes butineurs irrésistiblement séduits par certains pistils et autres corolles bigarrées. Pour mieux comprendre, songez un instant aux saveurs (assez peu naturelles) qui enveloppent la structure du pop corn! Songez aussi aux margarines, aux viennoiseries assez déprimantes de facture industrielle, sans parler de certains étranges aliments pour animaux!

Et ce sont précisément les manipulations de cette substance dans les espaces industriels qui posent aujourd’hui problème. Y a-t-il un risque sanitaire dans l'exposition chronique de travailleurs à cet arôme alimentaire? Cette exposition favoriserait-elle la survenue de la maladie d’Alzheimer? C’est ce que laissent redouter les conclusions d’un travail qui vient d’être publié dans la revue Chemical Research in Toxicology. Il est signé de Swati S. More, Ashish P. Vartak et Robert Vince (Center for Drug Design, Academic Health Center, University of Minnesota, Minneapolis, Minnesota).

Toxicité neurologique à long terme?

Les auteurs rappellent que ce n’est pas la première fois que le diacétyle est soupçonné d’avoir des effets négatifs sur la santé de ceux qui y sont exposés à forte dose via leur système respiratoire. Ils expliquent, cette fois, avoir établi un lien structurel entre cette molécule et la protéine, dite «bêta-amyloïde», à l’origine des plaques présentes au sein de certaines régions cérébrales et caractéristiques de la maladie d'Alzheimer. Selon eux, le diacétyle aurait également pour effet de faciliter le regroupement neuronal des protéines bêta-amyloïdes. Et des expériences de laboratoire montrent que des niveaux d’exposition similaires à ceux observés lors des expositions professionnelles renforcent les effets toxiques de la protéine bêta-amyloïde sur des lignées de neurones cultivées in vitro.

Ajoutons que d’autres expériences de laboratoire montrent que le diacétyle traverse facilement la «barrière hémato-encéphalique», une structure qui empêche naturellement de nombreuses substances de pénétrer dans le cerveau par le biais de la circulation sanguine. Néanmoins, une barrière qui, l’a-t-on découvert, pouvait parfois être relativement poreuse. Ajoutons aussi que le diacétyle inhibe une protéine protectrice des neurones de la famille des glyoxalases. Cette étude soulève-t-elle donc la question de la toxicité neurologique d’une exposition professionnelle à long terme de cet arôme alimentaire? Pour autant, elle n'a pas établi de relation de cause à effet entre le produit chimique et la maladie d'Alzheimer.

Mais la question a d’ores et déjà été soulevée et réifie la suite de ce travail potentiellement inquiétant. Plus généralement, cette recherche met en lumière le rôle que pourraient jouer certains facteurs environnementaux dans la genèse d’une maladie qui est encore généralement perçue comme l’expression du hasard ou de la fatalité.

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