L'isolement et la solitude nuisent aussi à votre cœur

Dernière mise à jour 15/01/19 | Article
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L'isolement social et la solitude doivent aussi être considérés désormais comme des facteurs de risque cardiovasculaire.

Pour évaluer les facteurs de risque susceptibles de mener à telle ou telle maladie, on a compris depuis longtemps que l'épidémiologie ne pouvait plus se contenter d'éléments strictement objectifs, fussent-ils très rationnels. On réalise en effet de plus en plus que des éléments davantage subjectifs, car relevant du bien être ou des sentiments, voire du bonheur, devaient eux aussi jouer un rôle majeur.

C'est ainsi qu'il est apparu que les relations sociales, de même que le plaisir qu'on pouvait en tirer, jouaient à coup sûr un rôle important dans la protection contre certaines maladies. Et qu'à l'inverse, l'isolement social de certains individus, ou leur sentiment de se sentir seuls ou abandonnés, pouvait expliquer leur plus grande exposition à diverses affections, voire dans certains cas leurs décès prématurés.

D'ailleurs, ces subtiles relations entre des éléments psychosociologiques et des maladies physiques ne devraient pas nous étonner, maintenant qu'ont par exemple été très clairement mises en évidence les interactions profondes qu'entretiennent le système nerveux central –source entre autres de nos sentiments– et ce «deuxième cerveau» qu'est notre intestin.

C'est dans ce contexte que s'inscrit le travail original qu'ont publié dans la revue Heart des chercheurs et médecins finlandais, suédois et britanniques, et qui constitue la plus grande étude prospective jamais effectuée sur ce sujet.

Près de 500'000 individus

Ce travail s'appuie sur les données très détaillées réunies entre 2006 et 2010 par l'étude prospective britannique Biobank, qui avait pour objectif à l'origine de définir les contributions respectives de la génétique et de l'environnement dans la survenue future de diverses maladies.

Les 479'054 individus retenus par les chercheurs, âgés de 40 à 69 ans, répondent à deux critères: ils n'ont pas encore souffert d'un infarctus ou d'une attaque cérébrale au début de l'étude, et ont répondu à un questionnaire très détaillé destiné à évaluer leur degré d'isolation sociale ou leur sentiment de solitude. Parmi ces personnes, 80% des individus ont suivi des études secondaires et 33% des études universitaires. La grande majorité de l’échantillon (90%) est constituée en outre par des non-fumeurs. Enfin, les femmes représentent près de la moitié des personnes interrogées (45%).

Grâce à cette importante base de données, les auteurs de l'étude devaient ainsi être en mesure de confronter les données cliniques récoltées par Biobank, ainsi que les indications fournies par les individus eux-mêmes concernant leur isolation sociale ou leur sentiment de solitude, à ce que révélaient les registres officiels concernant les infarctus ou les attaques cérébrales survenues durant les sept ans de suivi.

Un risque augmenté de moitié

Sur le plan des relations sociales, environ un individu suivi sur dix (9%) pouvait être considéré comme isolé socialement, alors que 6% des participants déclaraient souffrir de solitude.

Quant aux données objectives, les auteurs relèvent qu'en sept ans de suivi, 5731 infarctus (dont 900 fatals) et 3471 accidents vasculaires cérébraux (AVC, dont 844 ont mené au décès) avaient été enregistrés, sur les 12’428 décès enregistrés au total.

Après avoir pris en compte en outre l'origine ethnique, le niveau d'éducation, le revenu et le mode de vie (alcool, tabac, exercice physique) et les éventuels symptômes dépressifs des participants, les auteurs arrivent à plusieurs conclusions très intéressantes.

Il ressort en effet de cette confrontation de statistiques, outre le fait que les personnes isolées ou solitaires étaient plus souvent malades, que l'isolation sociale se traduit par une augmentation de 43% du risque d'avoir un premier infarctus, et par une augmentation du risque d'AVC de 39%. Le sentiment de solitude est associé quant à lui à une augmentation du risque, pour ces deux pathologies, de respectivement 49% et 36%.

Pire, les chiffres montrent que, une fois ces accidents de santé survenus, le pronostic vital est lui aussi réduit de façon importante en raison de l'isolation sociale: les décès prématurés qui en découlent sont en effet de 50% et 51% plus nombreux.

Y réfléchir sérieusement

Il est donc incontestable, relèvent les auteurs de l'étude, que l'isolation sociale et le sentiment de se sentir seul ou abandonné constituent un nouveau facteur de risque, souvent méconnu, pour ces maladies cardiovasculaires, qu'il conviendrait désormais de prendre en compte. Cela pourrait expliquer que seulement 80% des maladies cardiovasculaires puissent être rattachées aujourd'hui aux facteurs de risque traditionnels que sont l'âge, le tabac, la pression artérielle, le cholestérol ou le diabète.

Cette étude rejoint un autre travail publié dans le même journal médical selon lequel le fait de ne pas, ou ne plus, être en couple serait associé à un risque de maladies cardiovasculaires 42% plus élevé que pour les gens mariés. Le divorce étant quant à lui associé à une augmentation du risque de 35%, tant pour les femmes que pour les hommes. Mais attention, mettent en garde les auteurs: leurs résultats ne démontrent pas un rôle causal du sentiment de solitude, ils ne font que refléter l'observation d'une relation.

Il n'empêche que ces résultats devraient inciter à prendre sérieusement en considération ces aspects psychosociaux, qui affectent de plus en plus la société actuelle.

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Référence: Hakulinen C, et al. Heart 2018; 0:1-7.