AVC: halte aux idées reçues

Dernière mise à jour 11/12/23 | Vrai/Faux
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L’accident vasculaire cérébral (AVC), une maladie des personnes âgées? Une urgence médicale impossible à guérir? Deux neurologues nous aident à démêler le vrai du faux.

L’AVC en chiffres

20 000 personnes souffrent d’un accident vasculaire cérébral (AVC) chaque année en Suisse.

130 000 personnes vivent avec une lésion cérébrale.

80% des AVC sont ischémiques, 20% sont hémorragiques.

¼ des AVC sont d’abord des accidents ischémiques transitoires (AIT).

98% des victimes d’AVC ont des facteurs de risque traitables comme l’hypertension ou le diabète.

30% des personnes touchées s’en sortent sans séquelles.

144 est le numéro à composer sans hésiter en cas de signes d’AVC.

Le cerveau est un organe qui a continuellement besoin d’oxygène. Lorsqu’il en manque en raison d’un problème de circulation sanguine cérébrale, des signes de souffrance apparaissent, avec différents types de troubles ou déficits neurologiques. La durée du manque d’oxygène a un impact important sur la gravité des atteintes. C’est pourquoi plus le traitement est instauré rapidement, meilleures sont les chances de récupération.

Il existe plusieurs types d’accidents vasculaires cérébraux (AVC)

Vrai. L’AVC, qui provoque une mauvaise oxygénation d’une partie du cerveau, est dû soit à un vaisseau bouché par un caillot de sang (on parle alors d’AVC ischémique), soit à une rupture d’une artère ou d’une veine qui engendre des saignements (AVC hémorragique). Un cerveau mal irrigué provoque un déficit neurologique pouvant se traduire par une paralysie, des troubles de la vision ou de la parole, ou encore des vertiges. Dans certains cas, ces symptômes peuvent rapidement disparaître, en quelques minutes. On parle alors d’AIT, pour accident ischémique transitoire. «Les mécanismes responsables des AIT et des AVC sont les mêmes mais, dans l’AIT, le caillot se dissout tout seul», explique le Pr Patrik Michel, chef du Service de neurologie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV). Attention, la prudence s’impose en cas d’AIT puisque cet accident transitoire annonce souvent un «vrai» AVC dans les heures ou jours qui suivent. L’AIT nécessite donc une consultation médicale le jour même. L’AVC relève quant à lui d’une urgence absolue.

Femmes et hommes ne sont pas égaux face aux AVC

Vrai. Même si les signes évocateurs d’un AVC sont globalement les mêmes chez les deux sexes (paralysie, vertiges, vision double, cécité, maux de tête violents, troubles de la compréhension, de la parole, confusion…), les femmes présenteraient davantage de symptômes dits «atypiques». «Quelques études ont suggéré qu’elles souffraient légèrement plus de certains signes comme d’un changement de comportement soudain, de confusion, de problèmes pour articuler et de migraine», confirme la Dre Susanne Renaud, cheffe du Service de neurologie du Réseau hospitalier neuchâtelois (RHNe). Les conséquences d’un AVC seraient par ailleurs plus marquées chez les femmes et les chiffres indiquent qu’elles meurent davantage d’un AVC que les hommes. «Probablement parce qu’elles sont statistiquement touchées à un âge plus avancé, de cinq ans environ, et qu’elles sont donc plus fragiles lorsque l’accident survient», suggère la neurologue.

L’AVC ne concerne que les personnes âgées

Faux. Les personnes jeunes, même si cela reste rare, peuvent être touchées par un AVC (lire le témoignage). «Cette fausse croyance est un vrai souci, regrette le Pr Michel, car ces cas doivent être détectés et pris en charge. Il peut s’agir de jeunes avec une malformation cardiaque mineure ou un cancer par exemple.»

Le traitement doit impérativement être fait dans les six heures

Faux. À l’apparition de signes d’AVC, il n’y a qu’une chose à faire: appeler le 144. «Avec les nouveaux traitements, nous disposons de plus de temps qu’avant pour agir, se réjouit la Dre Renaud. Le chiffre de six heures est aujourd’hui dépassé.» Et le Pr Michel d’ajouter: «Désormais, et depuis plusieurs années maintenant, nous avons jusqu’à 12 et parfois 24 heures.» La thrombolyse (injection d’un médicament pour dissoudre le caillot qui bloque la circulation sanguine dans un vaisseau du cerveau) et surtout la thrombectomie (extraction mécanique du caillot) peuvent, selon les cas, être réalisées aussi tardivement. «Malgré ce progrès, un traitement plus précoce restera plus efficace, donc chaque minute compte», rappelle le neurologue lausannois.

On ne se remet jamais d’un AVC

Faux. Nombreuses sont les personnes estimant que la mort est inéluctable après un AVC. «J’entends souvent que l’on ne peut rien faire contre un AVC et que, même si l’on s’en sort, la vie après un AVC ne vaut pas la peine d’être vécue», rapporte la Dre Renaud. Pourtant, seuls 5% des AVC ont une issue fatale immédiate et la prise en charge post-AVC s’est grandement améliorée.» L’AVC laisse bel et bien des séquelles, variables en fonction de la zone atteinte du cerveau, mais «il reste toutefois possible de se rétablir complètement», souligne le Pr Michel, avant de préciser que «les personnes concernées ont dans tous les cas une vie changée après un AVC. Elles sont en général plus conscientes de leurs fragilités, changent leurs priorités et optent souvent pour une vie plus saine». La Dre Renaud précise que «des études ont démontré qu’il est possible de s’adapter à sa nouvelle condition et de bien vivre avec.»

La prévention, ça fonctionne

Vrai. En s’attaquant aux principaux facteurs de risque de l’AVC que sont l’hypertension, le diabète, le cholestérol, le stress ou encore le tabac. «La prévention doit aussi bien miser sur des médicaments que sur une meilleure hygiène de vie», résume le Pr Michel. Cette dernière correspond, au quotidien, à ne pas fumer, bouger régulièrement, suffisamment dormir, surveiller son poids, gérer au mieux son stress, manger équilibré en suivant un régime méditerranéen ou végétarien, ou encore boire le moins possible d’alcool. «Il est établi que moins on consomme de boissons alcoolisées, moins on a de risques de souffrir d’un AVC», rappelle la Dre Renaud. Limiter ces facteurs permet de prévenir efficacement l’AVC mais aussi d’éviter une récidive.

Nathalie, 55 ans: «J’ai dû tout réapprendre»

«J’avais 12 ans lorsque j’ai eu mon AVC. Je souffrais depuis la naissance d’une malformation vasculaire qui a engendré une tumeur appelée angiome. Ce dernier a rapidement grossi à partir de mes 9 ans, provoquant des troubles neurologiques de plus en plus nombreux. J’ai fini par ne plus pouvoir tenir un stylo. J’avais des vertiges et des douleurs dans la nuque. Une nuit, la tumeur s’est mise à saigner. J’ai alors eu des vomissements, des troubles de l’équilibre et je voyais en noir et blanc. On m’a emmenée à l’Hôpital de l’enfance de Lausanne et j’ai été opérée. À mon réveil, j’étais comme un bébé. J’ai dû tout réapprendre. J’ai globalement bien récupéré mais je souffre encore de différents handicaps, notamment invisibles. Ils sont pour moi difficiles à gérer au quotidien et, pour les autres, difficiles à comprendre. Je suis d’ailleurs longtemps restée dans le déni, ne voulant pas voir les difficultés que je rencontrais et ne demandant d’aide à personne. J’ai découvert l’association Fragile* il y a trois ans. Elle propose des groupes de parole, des sorties, des conférences et apporte suivi et soutien. Grâce à elle, je rencontre des personnes bienveillantes et peux partager mon expérience.»

* www.fragile.ch

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Paru dans Le Matin Dimanche le 10/12/2023

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